Dormir à l'écart des fenêtres, stocker des provisions, ne pas garer sa voiture dans la rue: telles sont les leçons apprises par les Gazaouis lors des précédents affrontements armés entre Israël et le Hamas.

Cette fois, certains ont ajouté « changer de maison » à la liste, l'Etat hébreu visant de plus en plus les maisons d'activistes du Hamas, ce qui rend difficile de deviner les cibles sur lesquelles les missiles pourraient tomber. Pendant le week-end, les frappes israéliennes ont détruit les maisons d'une vingtaine d'activistes du Hamas, tuant 24 civils.

Pour les habitants de Gaza, le fait de changer de place ne constitue toutefois pas toujours une garantie de protection. Sami Dawood, un pédiatre, s'est déplacé deux fois. Dimanche, il a évacué sa femme et ses trois enfants de leur appartement du quartier de Tel al-Hawa, à Gaza, après qu'un missile a touché le toit. Craignant que leur immeuble ne soit à nouveau la cible d'une frappe, la famille a déménagé dans la maison de son beau-père, près du stade Palestine, en centre-ville. Mais lundi matin, alors que la famille dormait, des missiles ont été tirés sur le stade parce qu'il servirait de site de lancement de roquettes. « Maintenant, nous sommes à nouveau chez nous », déclare le médecin, âgé de 40 ans.

Nuit agitée

Amal Lubbad, femme au foyer à Gaza, vit tout près d'une maison qui a été détruite dimanche par une frappe aérienne. L'explosion, dans laquelle onze membres de la famille Daloo sont morts, dont un policier, a aussi fait voler ses fenêtres en éclats. Cette femme de 39 ans, son mari et ses huit enfants ont passé une nuit agitée, dormant par terre, le plus loin possible de la maison des Daloo. Mais il n'y a pas eu de bombardement.

« Nous avions peur », confie-t-elle, ajoutant que sa famille ne possède pas d'autre endroit où aller. Lundi, avec ses soeurs, elle a balayé les débris de verre, alors que des bulldozers déblayaient les ruines de la maison des Daloo.

Ola Hani, 31 ans, mère de quatre enfants, explique que, depuis la dernière guerre il y a quatre ans, elle garde une semaine de provisions et d'autres fournitures dans sa maison. « Même en période normale, je n'y touche pas, sauf si je suis sûre de pouvoir les remplacer », souligne-t-elle. Elle stocke des boîtes de conserve, des lentilles, du riz, du lait en poudre, deux petites radios et des bougies. Son mari, un banquier, se trouve actuellement en Jordanie pour une formation, et elle a demandé à un ami de conduire la voiture de la famille chez un autre ami, pour la mettre à l'abri. La famille Hani vit dans une tour et ne dispose pas de garage.

Dans une boulangerie, Jibril Alawi, caissier d'une banque, a acheté 250 morceaux de pain pita pour 35 personnes de sa famille vivant dans le même immeuble. Il précise qu'il fait cet achat par précaution. Comme d'autres personnes à Gaza, sa famille a déplacé les matelas dans des endroits situés à l'écart des fenêtres.

Ces jours-ci, les gens dorment mal, en raison des bruits incessants. Les frappes aériennes, qui surviennent souvent à quelques minutes d'intervalle, ébranlent les fenêtres. On entend aussi le hurlement des sirènes des ambulances et le bruit des drones à Gaza. Hani explique qu'avec ses enfants, ils ont peur quand ils entendent les bombardements. « Mais quelques minutes après cela, nous commençons à applaudir et à rire quand nous voyons une autre roquette tomber sur Tel Aviv », poursuit-elle, faisant référence aux tentatives du Hamas de toucher la métropole israélienne.

Dans la salle des urgences du plus grand hôpital de Gaza, Shifa, les photographes mènent une autre bataille: ils sont membres d'une équipe du ministère de la Santé donnant des informations sur les blessés et les morts. Le chef de ce groupe, Ashraf al-Kidra, tient les journalistes au courant du nombre de victimes -soit plus de 130 après une semaine d'offensive israélienne. A long terme, il espère que ces informations serviront de base à une possible action judiciaire internationale contre Israël.

« Nous avons appris une leçon de la précédente guerre », observe Ashraf al-Kidra, faisant référence à la précédente grande offensive de l'Etat hébreu contre des cibles du Hamas à Gaza fin 2008, début 2009. A l'époque, les chiffres concernant le nombre de victimes ont été très contestés, les Palestiniens affirmant que la plupart des quelque 1 400 personnes tuées étaient des civils. De son côté, Israël a donné des chiffres moins élevés, et a assuré que la plupart étaient des militants radicaux.