Un attentat à la voiture piégée a dévasté, dans la nuit de jeudi à vendredi une station service de Massaken Barze, un quartier nord de Damas à forte population alaouite. Les derniers bilans font état de 11 morts dont plusieurs enfants et de « nombreux blessés« . On notera évidemment que 24 heures plus tôt une autre station-service, à l'est de Damas, avait été détruite, occasionnant une trentaine de victimes. Cette fois c'est un bombardement de l'aviation sur un secteur tenu par les rebelles qui aurait été à l'origine de la destruction de la station. De là à penser que l'attentat de cette nuit est une réponse insurgée - ou plus précisément al-Nosra, cette organisation djihadiste s'étant fait une spécialité de ce genre d'attentats - à cette frappe aérienne, il n'y a qu'un pas que nous sommes tentés de franchir.

Journalistes étrangers : bienvenue au club des chabihas !

Les insurgés de la région de Damas ne ciblent pas que les alaouites : un groupe de journalistes internationaux qui accompagnaient l'armée dans ses opérations à Daraya, ville de la banlieue sud-ouest de Damas régulièrement théâtre d'accrochages depuis des semaines, a été pris jeudi sous le feu de rebelles. Un journaliste de la chaîne russe d'information continue - section arabophone - Russia Today, Kamel Sager, a été légèrement blessé. Il a d'ailleurs rendu hommage au sang froid du soldat syrien qui a aidé le groupe de journalistes à évacuer les lieux. Ces journalistes portaient des gilets pare-balles avec le mot « press » écrit de façon visible. Un cameraman syrien a été également blessé, légèrement lui aussi.

Russia Today profite de cet incident pour rappeler le sort tragique de la journaliste ukrainienne Anghar Kochneva, détenue et menacée d'exécution par des hommes se réclamant de l'ASL depuis plusieurs semaines. Et le média russe d'écrire, à propos de ce type de victimes des rebelles, qu' »il n'y a généralement pas de condamnation de la part des puissances internationales soutenant l'opposition ». Et Kamel Sager dit que c'est parce que de pareils incidents ne collent pas avec ce que ces mêmes puissances (occidentales) présentent comme la réalité de la situation en Syrie. C'est en effet une hypothèse à retenir...

Le gaz sarin des rebelles sent moins fort que celui du gouvernement

On a vraiment besoin - litote - d'un regard différent sur l'actualité syrienne. Différent de la propagande permanente - et bâclée - de l'AFP et des principaux médias français en faveur de l'opposition. Une chaine comme Russia Today, dans son édition française, est un utile contrepoint - et contrepoids - à ce bourrage de crânes peu nuancé qui a achevé de déshonorer et décrédibiliser la profession de journaliste au pays de J'accuse. Au fait, c'est dans Russia Today qu'on trouve cette déclaration - qui a apparemment échappé à l'AFP - d'un haut responsable de l'ASL, selon laquelle les rebelles disposeraient de tous les « composants » et du savoir-faire nécessaire à la confection d'armes chimiques.

Le responsable en question, c'est Bassam al-Dada, « conseiller politique » de l'ASL, qui a fait cette « confidence » à l'agence de presse (gouvernementale turque) Anatolia. Il a affirmé que ses troupes n'utiliseraient ces armes que si le gouvernement s'en servait le premier et précisé encore : »Si jamais nous les utilisons, nous frapperons uniquement les centres de commandement et les bases du régime« .

Al-Dada tire son assurance d'informations qui lui auraient été communiquées par des officiers déserteurs ayant des compétences techniques dans ce domaine, mais ne se montre pas plus précis. Disons tout de suite que la vantardise est le fondement même de la communication de l'ASL, par ailleurs coquille plus vide que jamais en termes d'influence sur le terrain. Mais le problème est ailleurs. Quand on se souvient du pataquès médiatique déclenché voici peu, notamment en France, par l'annonce - de provenance gouvernementale américaine - de l'éventualité de l'utilisation d'armes chimiques par le gouvernement syrien - démentie aussitôt par Damas comme par Moscou, puis un peu plus tard par Ban Ki-moon lui-même - et qu'on le compare au silence assourdissant de l'AFP, d'I-Télé et de BFMTV sur cette déclaration d'un responsable important et connu de l'ASL, on est bien forcé de persévérer dans notre rejet - et notre mépris - de l' »information » donnée sur la Syrie dans notre pays.

Russia Today rappelle aujourd'hui qu'en décembre l'ambassadeur syrien aux Nations-Unies, Bachar al-Jaafari, avait averti que l'opposition radicale syrienne était en mesure d'utiliser des armes chimiques non seulement contre les militaires mais aussi les civils, leurs troupes s'étant emparé d'une usine de chlorine à l'est d'Alep. Al-Jaafari ajoutait que les rebelles mettraient les victimes de leurs éventuelles attaques chimiques sur le dos du gouvernement. Il va sans dire que ces déclarations du diplomate syrien n'ont suscité que des haussements d'épaule dans les rédactions parisiennes. Qui restent donc muettes sur cette sortie d'al-Dada, qui sonne pourtant comme un écho à l'avertissement d'al-Jaafari.

Encore une fois, les rebelles se vantent sans doute, et ne disposent ni de l'expertise, ni du matériel nécessaire à l'exploitation militaire de leur butin chimique. Mais le gouvernement américain, les gouvernements européens aussi, ont publiquement exprimé leur préoccupation que tout ou partie de l'arsenal chimique syrien tombe entre les mains des « terroristes » ayant « infiltré » la rébellion. Vont-ils supplier le gouvernement et l'armée syriens de défendre vigoureusement leurs stocks. On a l'impression qu'à Washington du moins on n'en est pas loin....