Image
On parle souvent dans nos sociétés d'un phénomène qui, hélas, tend à prendre de plus en plus d'importance : l'exclusion due à la pauvreté, à la misère, au chômage... La misère et la pauvreté sont perceptibles dans les vêtements sales, élimés que portent les gens, parfois sur les visages pleins de lassitudes, parfois encore dans une sorte de repliement sur soi, de honte...

Mais l'exclusion peut prendre encore de nos jours d'autres formes parce que l'on vit dans un monde plein de parfums plus ou moins luxueux, de savons aux senteurs étudiées et élaborées... il n'est pas question d'admettre les odeurs "nauséabondes "de la misère et de la pauvreté...

Une famille précaire a été ainsi expulsée du musée d'Orsay, à Paris, samedi dernier, en raison de mauvaises odeurs. La famille faisait une visite, accompagnée d'un bénévole de l'association Agir pour la dignité... Un couple et leur petit garçon d'une dizaine d'années déambulaient parmi les toiles de maître et statues quand un gardien les a priés instamment de bien vouloir quitter le musée. "Des visiteurs s'étaient plaints" de leur odeur, voilà le motif de leur exclusion ! Une exclusion qui s'ajoute donc aux autres pour compléter le tableau !

Le bénévole d'ATD qui les accompagnait a d'abord refusé de sortir, rappelant au gardien que le règlement n'interdit pas l'accès des pauvres au musée. Mais très vite entouré de quatre agents, il s'est vu obligé d'évacuer les lieux... Tout est ainsi prétexte à exclure, à dénoncer, à rejeter ce qui ne correspond pas à la norme, dans nos sociétés de l'apparence, du bonheur de façade, et même les odeurs sont proscrites quand elles ne rentrent pas dans le cadre habituel et normatif de la société.

Comment des gens ont-ils osé se plaindre et refuser la proximité de gens déjà exclus et miséreux ? Comment des gens cultivés, visiteurs de musée ont-ils pu se livrer à une telle démonstration d'intolérance et de rejet des autres ? Il est possible que la direction elle-même du musée ait pris cette initiative déplorable...

Au fond, l'odeur même de la pauvreté gêne, dérange, perturbe l'univers aseptisé de certaines personnes qui ne supportent pas de côtoyer la pauvreté dans des lieux publics ouverts à tous....

C'est bien un signe des temps : on refuse de voir, de sentir, d'entendre, de toucher du doigt la misère...On refuse ce qui est différent de nous... On peut parler d'une véritable discrimination de la misère....

Certaines personnes victimes d'exclusion ne peuvent se laver : les bains publics ont disparu de nos univers urbains, même l'hygiène n'est pas accessible à tout le monde...

Il faut déplorer et refuser ces formes d'intolérance qui agitent nos sociétés : la pauvreté se voit, se sent, elle est réelle : essayons de la combattre par tous les moyens, essayons de voir les détresses et les désarrois qui nous entourent sans les rejeter....