Deux mois après les premières révélations d'Edward Snowden, l'administration de Barack Obama a reconnu que l'Agence nationale de sécurité avait violé la loi entre 2008 et 2011 en interceptant illégalement 56.000 mails entre américains.
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Faute avouée est, dit-on, à moitié pardonnée ... rien ne dit que ce sera le cas pour l'administration américaine qui, deux mois après les révélation d'Edward Snowden, désormais réfugié en Russie , admet que la NSA, son agence de sécurité, a grandement violé les droits des citoyens américains. Parmi les documents que le gouvernement a déclassifié mercredi, une décision de justice d'octobre 2011, restée secrète et longue de 85 pages, pointe du doigt les agissements de la NSA.

Dans ce texte qui demande à l'agence de mettre fin à un programme d'interception de communications internet sur les réseaux de fibres optiques américains, John Bates, juge de la Foreign Intelligence Surveillance Court (FISC) dénonce les méthodes de la NSA. Celles-ci écrit-il, « résultent dans l'acquisition d'un très grand nombre de communications protégées par le quatrième amendement » de la Constitution. Amendement hautement symbolique pour les Américains puisqu'il les protège contre toute fouille ou surveillance excessive.

Le programme aurait récolté pas moins de 56.000 courriers électroniques entre Américains de 2008 à 2011, selon une estimation de la NSA alors fournie au juge, alors que la loi américaine exige un mandat individuel dès que la surveillance concerne des citoyens américains ou des étrangers se trouvant sur le territoire.

Un « problème technologique » selon la NSA

Le recueil de ces communications était « la conséquence d'un problème technologique (...) et non d'un excès de la NSA », a justifié mercredi un responsable du renseignement sous couvert d'anonymat lors d'une conférence téléphonique avec des journalistes.

« Il ne s'agit pas d'abus flagrants », a-t-il ajouté, mais « d'un problème survenu par inadvertance et qui affecte un nombre relativement faible d'Américains ». Les documents montrent « la force de la supervision de ce programme », a-t-il insisté en rappelant que la NSA employait 300 personnes pour l'audit interne.

Cette publication et l'admission par le gouvernement de ce dont l'accusait notamment Edward Snowden, l'ex-administrateur réseaux de la NSA aujourd'hui réfugié en Russie, ont été célébrées comme une victoire par l'Electronic Frontier Foundation, qui poursuivait le gouvernement en justice pour obtenir cette déclassification.

Révélations en série

Cette déclassification fait aussi suite à des révélations en série dans la presse américaines qui dénonce les méthode de la NSA. Ainsi dans son édition de mercredi, le Wall Street Journal estimait que l'agence est techniquement capable d'intercepter 75% du trafic internet américain, dans le but d'identifier des menaces étrangères.

Une semaine plus tôt, le Washington Post avait révélé que la NSA avait violé en 2012 à des milliers de reprises la loi protégeant les Américains contre une surveillance abusive, sur la base d'un document d'audit interne fourni par M. Snowden.

Remous au Congrès

Au Congrès, les sénateurs partisans d'une réforme Ron Wyden et Mark Udall avaient averti que ces infractions ne représentaient que « la partie émergée d'un iceberg plus grand ».

« Je suis heureux que la NSA prenne des mesures pour réparer ses erreurs. Mais c'est aussi le signe que nous pouvons et devons en faire plus pour protéger les Américains qui sont innocents et sans lien avec le terrorisme de la surveillance de l'Etat, intentionnelle ou pas », a déclaré mercredi Mark Udall, membre de la commission du Renseignement, et qui sonne l'alarme depuis des années sur la NSA.

Le sénateur républicain Bob Corker a quant à lui écrit au président Obama pour que le directeur de la NSA, le général Keith Alexander, revienne s'expliquer devant les sénateurs à la rentrée parlementaire, en septembre.

Depuis juin, 19 propositions de loi ont été déposées au Congrès par des élus frustrés du manque de transparence entourant les nombreux programmes de surveillance de la NSA, selon un décompte de l'association de défense des libertés civiles ACLU.