« Ils ont pris des télévisions dans les maisons. Pourquoi faire ? Nous n'avons même pas d'électricité. »
Jonathan Salayco, 13 ans, marchait tranquillement dans une rue de Tacloban, une petite voiture à la main, lorsqu'il a été attaqué au couteau. Le garçon assure qu'il ne faisait rien de mal mardi soir en se promenant de nuit dans les ruines quand deux inconnus ont fondu sur lui, lui entaillant la gorge et le poignardant dans le ventre, avant de disparaître sans laisser une trace.

Des volontaires transportant des corps de victimes du Typhon qui a ravagé la ville de Tacloban, dans le centre des Philippines.
© Philippe Lopez/AFPDes volontaires transportant des corps de victimes du Typhon qui a ravagé la ville de Tacloban, dans le centre des Philippines.
Après le typhon qui a ravagé des régions entières du centre des Philippines, l'anarchie se développe dans cette ville qui fait partie des plus meurtries.

« Il tenait toujours sa petite voiture », raconte Mina Joset, une infirmière de la Croix-Rouge à l'hôpital de Tacloban où il a été emmené mercredi matin. « Pour un garçon comme lui, ce sont des blessures très graves », poursuit-elle, mais faute d'équipement médical adapté dans l'hôpital débordé, les médecins n'ont pu que les panser provisoirement. Heureusement, le garçon et sa famille ont pu être transportés en hélicoptère militaire vers une autre île pour qu'il soit soigné plus avant.

Le typhon Haiyan pourrait avoir fait des centaines, voire des milliers, de morts à Tacloban, capitale de l'île de Leyte, qui a subi de plein fouet vendredi des vents de plus de 300km/h et des vagues de cinq mètres.

Ses habitants, privés d'électricité, d'eau et de nourriture malgré l'acheminement, lent, de l'aide humanitaire, oscillent désormais entre le désespoir, la colère et la peur, après des pillages.

Des survivants affamés et désespérés cherchent à se procurer à manger par tous les moyens, tandis que des pillards s'en prennent aussi à des produits loin d'être de première nécessité, comme des télévisions.

Les pillages, plus terrifiants que le typhon

Pour rétablir l'ordre, les autorités ont déployé quelque 2 000 policiers, soldats et membres des forces spéciales et érigé des barrages routiers sur l'île, espérant décourager les criminels. Un couvre-feu a également été instauré. Malgré tout, mercredi, des coups de feu ont poussé à l'annulation d'un enterrement collectif de victimes de la catastrophe, selon le maire de Tacloban.

Alors que le typhon, l'un des plus puissants à avoir jamais touché terre, a tué dix de ses voisins, pour le docteur Corazon Rubio, « ce qui fait peur, ce sont les pillages ». « Ils ont pris des télévisions dans les maisons. Pourquoi faire ? Nous n'avons même pas d'électricité », lance-t-elle avec désespoir.

Des propriétaires de magasins, terrifiés, ont pris la fuite, craignant que leurs familles ne soient prises pour cible. « Les commerces de Tacloban partent tous (...) pour des raisons de sécurité », confirme Alfred Li, patron de la chambre de commerce locale. Il raconte comment des bandes organisées sont entrées par effraction dans des entrepôts, emportant les biens les plus chers, tandis que des pilleurs isolés prenaient le reste.

Mais le porte-parole du président, Ramon Carandang, s'est voulu rassurant. « De nombreux compte-rendus de pillages ou de viols se sont révélés faux », a-t-il souligné sur la chaîne de télévision ABS-CBN.

Selon l'officier de police Julian Bagawayan, 150 membres de sa brigade de police antiémeute venue de Manille patrouillent à Tacloban pour faire respecter le couvre-feu en place depuis lundi soir. « Nous sommes ici pour arrêter les gens qui pillent des biens et entrent dans les maisons par effraction », explique-t-il. Si nous voyons des gens traîner après la tombée de la nuit, nous leur conseillons de rentrer. S'ils refusent, il y a des lois qui s'appliquent. »