Traduction : Info-Palestine.eu - Marie Meert

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La bande de Gaza est privée de centrale électrique depuis le début du mois, quand celle-ci est tombée en panne par pénurie de carburant, conséquence du blocus de 7 années imposé au territoire par Israël, avec le soutien de l'Egypte. La centrale n'avait été rouverte que l'an dernier, après avoir été visée par une frappe israélienne pendant l'attaque de 2006 contre Gaza. Cette centrale fournit environ 30 % de l'électricité de la bande, tandis que le reste vient d'Israël et d'Egypte.

BETHLEHEM - Les eaux usées ont envahi les rues d'un quartier au centre de Gaza, le manque de carburant et la fermeture de la seule centrale électrique ayant entraîné la défection de la principale usine traitement des eaux usées.

Mercredi soir, les habitants du quartier de Sabra à Zaitoun dans le centre de la ville ont eu la surprise de découvrir leurs rues inondées d'eau charriant ordures et déchets, aggravant encore leurs souffrances dues aux pannes de courant croissante

Le manque de carburant a peu à peu plombé la vie des Gazaouis, à mesure que les centrales électriques et les pompes s'arrêtaient, leur coupant l'accès aux nécessités élémentaires du quotidien.

Même les transports à travers ce territoire de 41 km de long sont devenus impossibles, les conducteurs étant obligés de faire la queue pendant des heures pour avoir un peu de carburant.

Les flots d'eaux sales dans le centre de Gaza font de la traversée des rues un cauchemar pour les habitants.

Ezz Al Zanoon, un photographe habitant Zaitoun expliquait à Ma'an ce mercredi soir que le manque d'électricité avait provoqué la panne de l'usine de traitement.
« Quand les pompes sont tombées en panne, les eaux sales ont inondé les rues. Jusqu'à maintenant (vendredi soir), on a toujours de l'eau dans les rues. Les rues sont fermées, les enfants ne peuvent pas jouer dehors, les gens ne peuvent pas aller travailler. Tout est affecté », ajoute-t-il.

« On a peur, ce n'est pas une vie »

Ma'an a interviewé Al-Zanoon au téléphone pour savoir comment les Gazaouis se débrouillaient au milieu des difficultés croissantes.
« L'électricité disparaît pendant 12 heures d'affilée, puis elle revient pendant 6 heures, puis à nouveau rien pendant 12 heures » dit Al Zanoon.

Même si beaucoup d'habitants de Gaza, hommes d'affaires et services publics, ont des générateurs pour pallier les pannes d'électricité, le manque de carburant les empêche de fonctionner. Ce qui bloque tous les aspects de la vie quotidienne.

« Après 8 heures du soir, il n'y a plus personne dans les rues. Partout il y a la peur, il n'y a aucune vie. La nuit, il n'y a pas de lumières dans la rue, pas de voitures, il n'y a rien. Nous ne pouvons même pas nous déplacer dans la bande de Gaza, aussi petite soit-elle. Il n'y a même plus de carburant pour les voitures » décrit-t-il.

« Tout a changé »

« Comme je n'ai pas de courant, la plupart du temps, je ne peux pas travailler, ni à la maison, ni à l'atelier. Je prends des photos et après je ne peux rien faire, il faut que j'attende que l'électricité revienne. Il y a deux jours je suis allé à l'hôpital pour une opération. Pendant que j'étais là, il y a eu une coupure d'électricité pendant 10 minutes. Même si l'hôpital dispose d'un générateur, par manque de carburant il ne fonctionnait pas. Dans un hôpital, le courant ne peut pas disparaître pendant 10 minutes, tout le système et toutes les machines s'éteignent aussi. Si la crise ne se résout pas très vite, nous n'aurons bientôt plus que 4 heures d'électricité d'affilée » ajoute Al Zanoun.

« De quoi sommes-nous coupables ? »

La pénurie de carburant signifie aussi que l'eau devient une ressource de plus en plus rare dans la bande de Gaza : pour beaucoup d'habitants. elle ne coule plus que deux heures par jours.

"A Zeitoun où je vis, la station d'eau municipale distribue l'eau de deux à quatre heures du matin, alors tout le monde reste éveillé toute la nuit pour profiter de l'eau dès qu'elle arrive. Mais quelquefois, s'il n'y a pas d'électricité, l'eau n'arrive pas. Et donc tout le monde attend jusqu'au petit matin, et rien ne se passe. Les gens sont des victimes. Plus personne ne peut même plus penser à la politique. Tout ce qu'ils ont en tête, c'est : comment avoir de l'eau ? Comment vais-je laver mes enfants ? C'est de cela que les gens parlent, ils ne peuvent pas penser à des questions politiques. De quoi sommes-nous coupables ? Les gens ne pensent plus à la nation, tout ce qu'ils peuvent envisager, c'est comment survivre et comment résoudre leurs problèmes. Les gens sont terrifiés » souligne-t-il.

« Quand Sisi est arrivé, Gaza a été détruit »

« Jusqu'au mois de juillet de cette année, » affirme Al Zanoun, la vie à Gaza s'était nettement améliorée par rapport aux pires années du blocus israélien. Mais quand les militaires égyptiens ont renversé le Président Morsi et ont commencé à démolir les tunnels qui procuraient l'essentiel pour vivre dans la bande de Gaza assiégée, tout a changé.

Aujourd'hui, on manque de nourriture, de médicaments et de médecine, de tout. Mais il y a un an, tout allait bien. Après les troubles en Egypte, Gaza est mort. Quand le Général Sissi est arrivé, Gaza a été détruit. Tous les checkpoints et passages ont été fermés, plus rien n'entrait. Tout était fermé. L'Egypte nous avait permis de compter sur elle, et ensuite elle a tout coupé. Elle est la cause de notre pénurie de carburant ».

Mais dans l'esprit d'Al Zanoun, le blâme n'incombe pas à la seule Egypte.
« J'en veux au gouvernement de Gaza, à l'Autorité palestinienne et à l'occupation israélienne, ce sont les trois principaux facteurs de la crise en plus de l'Egypte. Ils travaillent pour leur propre compte et l'occupation israélienne profite de tout cela ».

« Nous voulons seulement vivre des existences dignes »

Jusqu'au mois de juillet, les tunnels vers l'Egypte procuraient le nécessaire vital au territoire paralysé par le blocus israélien. Ce blocus qui est appliqué depuis 2006 restreint les importations et les exportations et a entraîné un déclin économique majeur ainsi qu'une crise humanitaire importante. L'an dernier la situation s'était améliorée, les tunnels ont connu un renouveau commercial après la révolution égyptienne.

Les autorités en charge de l'énergie reprochent à l'Egypte la destruction de nombreux tunnels reliant Gaza à l'Egypte ces derniers mois. Ils reprochent aussi à l'AP du Fatah de taxer trop lourdement le carburant pour la bande de Gaza. Mais les habitants de Gaza ne s'occupent pas tellement de répartir les fautes entre les nombreuses parties, car quand la centrale ferme, l'eau n'est plus disponible et les eaux usées inondent les rues de la ville.

« Je ne crois pas en un seul parti. Nous ne voulons pas de problèmes ni de guerres avec qui que ce soit. Nous voulons juste vivre nos vies, avoir de l'électricité, de l'eau, pouvoir communiquer et nous déplacer librement. Nous demandons une vie, pas une guerre, et une existence digne. Nous aimons la vie. Nous aimons la paix. Nous voulons vivre une vie digne » déclare Al Zanoun.