Traduction : Info-Palestine.eu - Claude Zurbach

Image
Les eaux usées débordent dans les rues de Gaza tandis que l’Égypte renforce son blocus, collaborant ainsi activement avec l’occupant israélien. Sur la photo, un homme porte son jeune garçon pour l’aider à traverser le flot nauséabond - Photo : Reuters/Mohammed Salem
La dernière torture infligée à Gaza pourrait sembler juste une nouvelle façon d'humilier ce territoire pour le plus grand plaisir d'Israël, de l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, et du gouvernement égyptien sous la coupe des militaires... Mais quelque chose de bien plus sinistre se prépare.

Cette fois-ci, la punition collective appliquée à Gaza prend la forme d'eaux venues des égouts qui inondent de nombreux quartiers de cette zone déshéritée et en pleine pénurie énergie, d'une surface de 360 ​​km2 (139 milles carrés) sur lesquels vivent 1,8 million d'habitants. Même avant la récente crise résultant d'une grave défaut d'approvisionnement d'électricité et de la disparition du carburant jusque-là fourni en contrebande à travers la frontière égyptienne, Gaza était lentement mais sûrement rendue inhabitable. Un rapport bien documenté des Nations Unies déclarait l'année dernière que si aucune initiative urgente n'était prise, Gaza serait « invivable » d'ici 2020 . Depuis que le rapport a été publié en août 2012, la situation n'a fait qu'empirer.

Au fil des années, surtout depuis le durcissement en 2007 par Israël du blocus imposé à Gaza, le monde s'est habitué à deux réalités : une coalition à l'extérieur visant à affaiblir et à vaincre le Hamas dans la bande de Gaza, et à l'intérieur la capacité étonnante de Gaza à résister à ce siège inhumain, au blocus et à la guerre.

Deux guerres infâmes illustrent cet fait : la première est la guerre de 22 jours menée par Israël l'hiver 2008-2009 (massacrant plus de 1400 Palestiniens et en blessant plus de 5500) et la seconde est la guerre plus récente de novembre 2012 (huit jours de combats qui ont tué 167 Palestiniens et six Israéliens). Lors de la deuxième guerre, le président égyptien Mohammed Morsi, élu démocratiquement, était encore au pouvoir, et pour la première fois depuis de nombreuses années, l'Égypte s'est tenue aux côtés des Palestiniens. Pour cette raison, et aussi grâce à la fermeté de la résistance palestinienne, le territoire assiégé et attaqué a par miracle soutenu le choc. Gaza a célébré sa victoire, et Israël est resté un peu à distance - tout en s'abstenant bien évidemment, d'honorer sa part de l'accord du Caire qui consistait à lever un peu les restrictions économiques appliquées sur la bande de Gaza.

En termes relatifs , les choses semblaient s'améliorer pour Gaza. Le passage de Rafah entre Gaza et l'Égypte était assez largement ouvert, et les gouvernements de l'Égypte et du Hamas étaient en constantes discussions pour trouver des solutions économiques durables à de nombreux maux de du petit territoire. Mais l'éviction du président Morsi le 3 juillet par le général Abdel Fatah al-Sisi, a changé la donne. L'armée égyptienne a lancé une répression féroce, et s'est vengée en fermant le passage de la frontière et en détruisant 90 à 95 % de tous les tunnels qui servaient jusque-là de bouée de sauvetage et qui lui avaient permis à la bande de Gaza de résister au siège israélien.

Les espoirs se sont volatilisés rapidement, et la situation dans la bande a empiré comme jamais auparavant. Naturellement , le Caire a trouvé à Ramallah un allié prêt à l'aider et qui n'a jamais cessé de comploter avec Israël afin de s'assurer que ses rivaux du Hamas soient réprimés, en même temps que toute la population du territoire assiégé.

Citant des responsables de Gaza, le New York Times a rapporté le 21 novembre que 13 stations d'assainissement dans la bande de Gaza ont soit débordé, soit sont près de déborder, et que plus d'un million de mètres cubes d'eaux usées non traitées s'écoulent chaque jour vers la mer Méditerranée. « Le service de l'assainissement pourrait bientôt ne plus être en mesure de pomper de l'eau potable pour les foyers de Gaza, » indique le journal.

Farid Ashour, directeur des services d'assainissement et de fourniture d'eau dans les municipalités côtières de Gaza, a déclaré au même moment que la situation était « catastrophique ». « Nous n'avons jamais fait face à une situation aussi dangereuse que cette fois-ci, » dit-il. Mais la situation n'a aucune raison d'être dangereuse ou catastrophique comme elle l'est actuellement. Il a tout simplement été voulu qu'il en soit ainsi.

La seule et unique centrale électrique de Gaza a été la cible prioritaire des avions de guerre israéliens pendant des années. En 2006, elle a été détruite dans un raid aérien israélien, puis rouverte un an plus tard, pour être ensuite à nouveau détruite. Et elle était loin d'être à pleine capacité quand elle fonctionnait encore récemment, fournissant à peine 30% des besoins en électricité de Gaza qui s'élèvent à 400 mégawatts. Cent vingt mégawatts viennent d'Israël , et près de 30 mégawatts venaient d'Égypte. Le total était loin des besoins de base de la bande de Gaza, mais en tout cas, Gaza survivait. Après l'éviction de Morsi et la répression militaire égyptienne, la pénurie est maintenant à 65 % du total nécessaire.

Dans une interview avec l'agence de nouvelles humanitaire des Nations Unies (IRIN), James W. Rawley, le coordinateur humanitaire pour les territoires palestiniens occupés, dépeint une situation hallucinante où la crise impacte « tous les services essentiels, y compris les hôpitaux, les cliniques, les service s'occupant des eaux usées et les stations de pompage de l'eau. »

Les Israéliens de leur côté, n'ont eu aucun souci à se faire depuis depuis la dernière confrontation militaire avec le Hamas. « L' année dernière a été une bonne année », a déclaré, selon The Economist, le commandant de la division d'Israël qui « surveille » la bande de Gaza, le brigadier Michael Edelstein. En raison de la forte baisse du nombre de roquettes tirées depuis la bande de Gaza en représailles des attaques israéliennes et du siège qui se poursuit (50 roquettes cette année, comparativement à 1500 l'an dernier), « les enfants dans les villes frontalières d'Israël peuvent dormir dans leurs lits, pas dans des abris, et ne vont plus à l'école en autobus blindés », selon l'édition datée du 16 novembre.

« Mais la promesse du côté israélien d'aider à relancer l'économie de Gaza n'a pas été tenue »,indique le journal. Israël a fait tout ce qui était en son pouvoir pour que la bande de Gaza reste dans une situation de crise, bloquant les exportations et empêchant même les panneaux solaires d'entrer dans le territoire sous blocus afin que les Palestiniens assiégés ne puissent produire leur propre électricité. « Durant ce temps, la bande de Gaza est en train de mourir sur pied. »

Prêts à tout pour trouver des solutions à court terme, le Premier ministre de Gaza, Ismaïl Haniyeh, a lancé de nouveaux appels à Mahmoud Abbas pour un gouvernement d'union. « Ayons un seul gouvernement, un seul parlement et un Président », a déclaré Haniyeh dans un récent discours, cité par l'agence Reuters. Un porte-parole du Fatah, Ahmed Assaf, a rejeté l'appel car « il ne contenait rien de nouveau ». Pendant ce temps, l'Autorité palestinienne décidait de mettre fin à la subvention sur le carburant livré à Gaza via Israël, augmentant de 79 cents le prix déjà situé à 1,62 dollar US le litre. Selon Ihab Bessisso de l'Autorité palestinienne, la décision d'annuler l'exemption de la taxe sur le carburant de la bande de Gaza a été prise parce que l'envoi de carburant à meilleur marché à Gaza « était injuste pour les habitants de Cisjordanie ».

Mais le souci d'équité a peu à voir là-dedans. Selon The Economist , Al Monitor et d'autres médias, des efforts égyptiens sont aujourd'hui déployés pour remettre en selle Mohammed Dahlan, l'ancien chef de la sécurité de la bande de Gaza et chef du Fatah , afin d'accélérer l'effondrement attendu du gouvernement du Hamas. Al Moniteur a rapporté le 21 novembre que Dahlan - un commandant du Fatah chassé par le Hamas en 2007 en raison, entre autres, de ses liens étroits avec le renseignement israélien - avait rencontré le général al-Sisi au Caire. Évidemment , le but est de renverser le Hamas dans la bande de Gaza. Mais la question est de savoir comment ? Certains « suggèrent qu'une brigade palestinienne soit rassemblée dans al-Arish et marche sur la bande de Gaza pour, avec le soutien égyptien, vaincre le large éventail de forces mises sur pied par le Hamas dans la dernière décennie ».

Avec les Frères musulmans et Morsi chassés de la scène, au moins pour l'instant, la bande de Gaza est plus vulnérable que jamais. Certains des partisans d'Abbas et de Dahlan pensent certainement que le moment est venu de donner le coup de grâce à leurs adversaires dans le petit territoire assiégé.