Neeters
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Au Japon, certains refusent de devenir agent des télécoms, policier ou réalisateur, ils ont choisi de ne pas perdre leur vie à la gagner. Un véritable blasphème dans le deuxième pays le plus riche du monde où le travail est une religion.

Au Japon, pays du "salary man" ("employé" en VF), dévoué à la cause de son patron, une génération de travailleurs précaires revendique son droit à la précarité et refuse la course au "toujours plus", radicalisée par le Premier Ministre Koizumi et sa politique ultra-libérale qui pousse tout le monde à travailler plus quitte à gagner moins.. Refusant de payer un loyer, certains d'entre eux vont jusqu'à dormir dans les cafés Internet ou se réfugient dans les karaokés ! Parcours de neeters :

Membre d'un collectif de Neeters activistes (de l'acronyme NEET: Neither Employment Education or Training), le tokyoïte Hajime Matsumoto, 33 ans, a pris le maquis avec sa fronde des "Révolutionnaires Amateurs" et lutte contre le consumérisme en organisant à Noël des soupes populaires en plein quartier des grands magasins. Arrestations, et pour certains placements en hôpital psychiatrique : ils paient le prix fort pour leurs actes de résistance. À une demi-heure du centre ville, Matsumoto gère 2 magasins qui vendent uniquement des produits d'occasion ou recyclés. Une pratique révolutionnaire dans un pays où règne la dictature du neuf : dans ces endroits, le Neet peut manger pour moins de 2 euros.

Après avoir subit le traitement de choc de la rue et de l'hôpital psychiatrique , Koji Tsukino, poète et écrivain, est devenu le porte-parole de cette communauté qui remet l'anticapitalisme à la mode. Il ne se sépare jamais de son pyjama à carreaux, symbole de son rejet du travail.

Awasé 30 ans n'est pas mariée, n'a pas d'enfant et aucun emploi fixe. Il y a 3 ans, elle plaque son job d'employée de bureau qui lui prenait 15 heures par jour pour faire le tour du monde. Depuis, elle vit de petits boulots. En co-location dans un foyer, elle a transformé ce box où se retrouvent les amateurs de karaoké en bureau et dessine les planches de son premier manga inspiré de ses voyages et de son expérience de Neet.

Pour exprimer sa révolte Karin Amamiya s'est tournée à ses débuts vers l'extrême droite. Chanteuse d'un groupe ultranationaliste, séduite un temps par la secte Aum, elle est en 99 l'héroïne du documentaire "The New God" avant de devenir l'une des têtes de proue du mouvement Neet. La situation de son frère, travaillant 18 heures par jour sans la moindre pause repas, lui a fait faire ce virage à 180 degrés : fini les lavages de cerveau. Amamya importe d'Europe le concept de « précariat », mixe de précarité et de prolétariat. Elle écrit plusieurs livres dont "Laissez-nous vivre ! Les jeunes qui deviennent des réfugiés", et devient l'une des plus ardentes activistes du mouvement Neet.

Avec le mouvement NEET, le Japon redécouvre une contestation laissée en berne depuis 1972 et le tragique fait divers de l'Armée Rouge Japonaise. Cette année-là, le groupe armé d'extrême gauche réunit pour un entraînement au mont Asama est acculé au massacre collectif par ses supérieurs : la cause révolutionnaire est alors discréditée. C'est l'objet du dernier film de Koji Wakamatsu 72 ans, l'enfant terrible du cinéma japonais : "United Red Army", qui compte parmi les spectateurs, un bon nombre de Neet.