« On nous enfume ». Près de 72 heures après la disparition du Boeing 777 de Malaysia Airlines entre Kuala Lumpur et Pékin, plusieurs spécialistes confient au HuffPost leurs doutes quant aux explications fournies par les autorités en charge de l'enquête.

Mer de Chine
© Inconnu
Des aviateurs perdus en plein vol, le Triangle des Bermudes, la légendaire série télé Lost : Les Disparus... l'avion reste le moyen de transport le plus sûr mais traîne dans son sillage des légendes entretenues par des cas restés en partie inexpliqués. Ni corps ni débris, ni boites noires... l'échec des recherches pour retrouver le vol MH370 illustre le malaise des autorités malaisiennes et une situation tout à fait exceptionnelle.

Soupçonnant les responsables de l'enquête de dissimuler un échange radio entre le cockpit et les contrôleurs aériens, Bernard Marck, spécialiste de l'histoire de l'aviation, n'a pas souvenir d'un vol moderne avec lequel le contact aurait été complètement et définitivement perdu.

L'histoire de l'aviation offre bien quelques exemples de disparitions mystérieuses. « Dans les années 50', plusieurs avions Comet (du constructeur britannique Havilland Aircraft Company, ndlr) ont disparu en vol sans laisser de traces. On a découvert par la suite que des fissures se formaient au niveau des hublots, entraînant une décompression qui faisait exploser l'appareil comme une baudruche ».

Autre disparition, plus ancienne encore, rappelée par 20Minutes.fr, celle en 1948 du DC-3 de la compagnie Airborne Transport malgré une bonne météo et une visibilité correcte (comme pour le Boeing 777 de Malaysia Airlines). L'épave n'ayant pas été retrouvée, le bureau d'enquête américain avait conclu qu'il n'y avait pas assez d'informations pour expliquer les circonstances de la disparition.

« Où sont les boîtes noires ? » du vol MH370, interroge Germain Chambost, ancien pilote de chasse, journaliste et écrivain, membre de l'Académie nationale de l'air et de l'espace. « On ne saura pas avec certitude ce qu'il s'est passé tant qu'on ne les aura pas retrouvées. Les boîtes noires continuent à émettre même en cas d'explosion de l'appareil, de toute évidence les autorités se moquent de nous. D'autant plus que le Boeing 777 est très bon avion, très fiable ».

« Après le crash du Rio-Paris, l'autonomie des batteries a été augmentée au-delà de 30 jours », précise-t-il, rappelant que depuis une quinzaine d'années les boîtes noires des avions accidentés ont systématiquement été retrouvées. En juin 2009, il avait fallu près d'une semaine pour retrouver les premiers débris du vol Air France. Et près de deux ans pour retrouver les boîtes noires.

À la différence du vol MH370, l'AF447 avait laissé des traces grâce aux messages automatiques ACARS (messages d'anomalies, de pannes ou d'arrêt de système). Vingt-quatre messages avaient ainsi été envoyés en quatre minutes. Pour l'instant, Malaysia a indiqué que l'avion était doté d'un système ACARS avec transmission automatique de messages. Mais la compagnie n'a pas précisé si des messages avaient bien été réceptionnés. Cela ne signifie pas nécessairement qu'il n'y en a pas eu, notent les spécialistes.

Bernard Marck abonde dans le même sens. « Les autorités, la compagnie, et le constructeur sont trop mystérieux, notamment au sujet des boîtes noires ». « Depuis une dizaines d'années, poursuit Germain Chambost, les avions ont à bord un système de surveillance appelé ADS-B qui émet en permanence la position de l'appareil grâce au positionnement par satellite type GPS. Ce système est tellement précis qu'il a permis de réduire à moins de 300 mètres les écarts entre les avions ». Difficile dès lors d'expliquer une perte totale de contact avec l'appareil de la Malaysia Airlines.

Interrogés par l'AFP, d'autres spécialistes se disent « stupéfaits » et n'excluent ni l'hypothèse d'un attentat ni celle d'un accident rarissime. Les enquêteurs « peinent à trouver des éléments matériels », explique Chris de Lavigne, vice-président du cabinet de conseil Frost & Sullivan, spécialiste d'aéronautique. Pourtant, indique-t-il, le golfe de Thaïlande, où l'avion aurait pu s'abîmer compte tenu de sa trajectoire, « est un lieu de trafic maritime dense » ce qui augmente a priori les chances de retrouver une épave ou des morceaux de l'avion.

Les ultimes observations radar confirment que l'avion effectuait un virage peu avant de disparaître des écrans. « Il reste à déterminer si (le virage) était prévu par le plan de vol ou si l'avion a essayé de faire demi-tour », observe Gerry Soejatman, expert indépendant basé en Indonésie. « Il faut faire montre de prudence : ce virage indiqué par le radar, est-ce un demi-tour ou une chute ? », poursuit-il. « S'ils savent que l'avion a entamé un demi-tour, ils doivent être capables de déterminer sa position quand le contact a été perdu », souligne quant à lui Germain Chambost.