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Au fil des années, un insecte nuisible a réussi à développer une résistance à la toxicité d'une certaine variété de maïs OGM. Aujourd'hui, les champs sont à nouveau ravagés. Voici la preuve que la nature est capable d'évoluer pour survivre ! Bien que nous comprenons que cela puisse causer des problèmes vis-à-vis de la nourriture, nous sommes heureux de voir que la vie triomphe après tout.Lorsque le
maïs Bt a été conçu pour la première fois, il a été annoncé comme étant l'arme parfaite pour lutter contre le plus grand fléau dévoreur de maïs : la chrysomèle des racines du maïs. En 1996, quand cette variété génétiquement modifiée a été plantée, les populations de ces insectes invasifs ont massivement diminué, ce qui a permis aux agriculteurs d'économiser des milliards de dollars. Pourtant, les années passant, des chercheurs ont exprimé leurs inquiétudes quant au fait que la
chrysomèle pouvait devenir résistante au maïs Bt. Les fermiers n'ont pas écouté ces avertissements et aujourd'hui, l'animal dévaste les cultures à nouveau.
Le
maïs Bt représente 75 % de la production de maïs aux Etats-Unis. Très efficace il y a 15 ans, il est censé tuer les chrysomèles grâce à une protéine qui cible les intestins de l'animal. Cette substance nommée
endotoxine Bt Delta détruit les parois intestinales de l'insecte et laisse ainsi un passage aux bactéries qui y vivent. Elles se répandent alors dans tout le corps et causent une infection létale. Selon une
étude publiée dans le magazine
Proceedings of the National Academy of Sciences, certaines chrysomèles supportent très bien cette protéine.
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L'étude explique que la résistance à la toxine a commencé à se développer car certaines plantes produisent de plus faibles quantités de poison. Les doses réduites continuaient à tuer une partie des insectes, mais les plus résistants ont survécu, se sont reproduits et ont enfanté des générations d'individus résistants également. Avec le temps, ne sont restées que les chrysomèles les plus fortes. Cela n'aurait pas dû être un problème si sérieux car les agriculteurs ont pour obligation de conserver des zones appelées « refuges », dans lesquelles ils font pousser du maïs classique. Ces lieux sont essentiels car ils abritent des insectes toujours vulnérables aux toxines Bt. Lorsque ces populations s'accouplent avec les individus immunisés, cela diminue la résistance de leur progéniture. Pourtant, de nombreux fermiers ont abandonné l'idée de créer des zones « refuges » du fait de leurs trop faibles revenus. Les compagnies qui achètent le maïs ne font pas évoluer les choses non plus.
Bien que les chrysomèles résistantes se retrouvent toujours en plus grand nombre, le maïs Bt va rester la norme, car il continue d'être efficace contre d'autres types d'insectes. Cela va obliger les agriculteurs à utiliser plus de pesticides, avec les conséquences sur l'écologie et notre organisme que nous connaissons. Enfin, le recours à l'utilisation d'insecticides augmente les coûts d'entretien des cultures, donc les prix du produit final.
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Cette espèce d'insecte résistant aux maïs génétiquement modifiés nous prouve que nous ne réglerons pas les problèmes à coup de pesticides et autres produits chimiques. L'homme a effectivement besoin de produire sa nourriture, mais nous devons maintenant trouver d'autres solutions plus subtiles pour y parvenir. Pensez-vous que nous arriverons un jour à mettre au point une agriculture en harmonie avec la nature ?
Avec l'augmentation des surfaces cultivées avec des plantes transgéniques produisant des protéines insecticides, les insectes développent toujours plus de résistances. C'est le constat que dressent un chercheur du Cirad et ses collègues de l'université de l'Arizona dans une synthèse de la littérature scientifique publiée récemment. Mais pourquoi, dans certains cas, les insectes s'adaptent-ils en moins de deux ans et, dans d'autres, n'y parviennent-ils toujours pas au bout de quinze ans ? Tout est question de gestion de la résistance, car les agriculteurs ont les moyens de retarder son apparition, encore faut-il qu'ils les mettent en œuvre. Depuis 1996, les agriculteurs du monde entier ont semé plus de 400 millions d'hectares de maïs et de cotonniers génétiquement modifiés pour produire les protéines insecticides de la bactérie Bacillus thuringiensis (Bt). Ces plantes, dites Bt, ont permis de réduire l'utilisation des insecticides chimiques, mais elles ont aussi entraîné, comme la théorie de l'évolution le prévoit, l'apparition d'insectes résistants. Avec le recul, il est désormais possible d'évaluer la rapidité avec laquelle les insectes deviennent résistants et, surtout, de comprendre pourquoi. En 10 ans, 5 fois plus de cas d'insectes résistants Un chercheur du Cirad et ses collègues de l'université de l'Arizona viennent de publier une synthèse de la littérature scientifique sur cette question, dans laquelle ils analysent 77 études concernant le suivi, au champ, de la résistance aux cultures Bt. Ils ont retenu 24 cas dans huit pays, portant sur 13 espèces d'insectes nuisibles (lépidoptères et coléoptères) ciblés par six toxines Bt. Ils sont partis du principe qu'une population était considérée comme résistante lorsque 50 % de ses individus étaient devenus résistants, c'est-à-dire capables de survivre à l'ingestion de ces toxines. Les auteurs ont ainsi recensé cinq cas de résistance aux cultures Bt en 2010, contre un seul en 2005. Trois de ces cinq cas (Diabrotica virgifera virgifera et Spodoptera frugiperda sur le maïs, Helicoverpa zea sur le cotonnier) se situent aux États-Unis, où les agriculteurs cultivent près de la moitié des superficies mondiales de plantes Bt, les autres (Busseola fusca sur le maïs et Pectinophora gossypiella sur le cotonnier) sont apparus en Afrique du Sud et en Inde. Si l'augmentation des cas de résistance s'explique par l'extension des superficies cultivées en plantes Bt, qui sont passées de 1,1 à 66 millions d'hectares entre 1996 à 2011, et donc par la durée cumulée d'exposition des ravageurs aux toxines, les auteurs constatent aussi des disparités dans la rapidité avec laquelle ces résistances apparaissent. Des insectes toujours sensibles au bout de 15 ans Dans certains cas, la résistance est apparue en deux ans, alors que, dans d'autres, elle n'est toujours pas détectée au bout de quinze ans. Les auteurs ont donc analysé les conditions dans lesquelles cette résistance apparaît, mais surtout les facteurs qui retardent son apparition. Ils confirment, tout d'abord, que, en accord avec la théorie de l'évolution, l'efficacité des cultures Bt a des chances de durer si les gènes de résistance sont initialement rares dans la population d'insectes et si l'hérédité de cette résistance est récessive, c'est-à-dire si seuls les insectes qui possèdent deux copies du gène de résistance survivent sur les plantes Bt. Les zones refuges retardent l'apparition de résistances Mais surtout, ils montrent que l'efficacité des cultures Bt se maintient d'autant plus que des mesures sont prises pour gérer l'apparition des résistances. Ainsi, ils démontrent l'intérêt des zones « refuges ». Ces zones, cultivées à proximité des cultures Bt, hébergent des plantes non modifiées, qui ne possèdent donc pas les gènes Bt et ne produisent pas de toxines. Elles permettent aux insectes sensibles aux toxines de survivre et de s'accoupler avec les insectes résistants pour donner des descendances sensibles. L'installation de ces zones refuges est un élément clef de la lutte contre les insectes nuisibles. Leur nombre doit être précisément calculé en fonction de la dose de toxine produite par la culture Bt et de la fréquence initiale des gènes de résistance dans la population d'insectes. C'est ainsi qu'il sera possible de retarder l'apparition de la résistance avec peu de refuges si la dose de toxine est élevée et la fréquence des gènes de résistance faible. Dans le cas contraire, il sera nécessaire d'installer de nombreux refuges faute de quoi la résistance évoluera rapidement. Or, les auteurs de l'étude constatent que, bien souvent et malgré des réglementations contraignantes, les agriculteurs n'installent pas ces refuges en nombre suffisant pour contrer l'évolution de la résistance. En Australie, où la réglementation a été appliquée strictement, moins de 1 % d'individus résistants ont été recensés dans les populations de H. armigera et de H. punctigera sur le cotonnier Bt, alors que, dans le sud des États-Unis, où la réglementation était beaucoup moins contraignante, plus de 50 % d'individus résistants ont été détectés pour certaines populations de H. zea, dans les mêmes conditions. Les plantes transgéniques aux 2 toxines Enfin, les auteurs observent que, depuis dix ans, les agriculteurs sont passés de la culture de plantes transgéniques de première génération, qui produisent une seule toxine Bt, à celle de plantes qui en produisent deux. Mais, là encore, il s'agit de prendre des précautions pour garantir l'efficacité de ces plantes, dites « pyramides ». Elles fonctionnent, en effet, mieux si elles ne sont pas cultivées en même temps que des plantes produisant une seule toxine, comme c'est le cas en Australie, et si la résistance à l'une des toxines ne s'est pas déjà installée, leurs avantages étant alors considérablement réduits, comme en témoigne la résistance de H. zea à l'une des toxines du cotonnier Bt aux États-Unis. La gestion de la résistance reste la pierre angulaire de la lutte contre les ravageurs Même avec cet arsenal de moyens de lutte, la gestion de la résistance demeure essentielle. L'adaptation des insectes aux cultures Bt est inéluctable et ces cultures verront leur efficacité anéantie, à plus ou moins brève échéance, par les résistances développées par les insectes. Il s'agit donc de retarder l'apparition de ces résistances en mettant en œuvre une gestion intégrée des ravageurs, qui associe plantes transgéniques et dispositifs de maîtrise de la résistance des populations d'insectes.