Quand un jeune enfant frappe un autre enfant ou le fait pleurer, les adultes ont le choix : soit ils répriment par une gifle, soit ils donnent des leçons de morale pour dire que ce n'est pas bien, soit ils demandent à l'enfant pourquoi il fait cela afin d'engager le dialogue avec lui. Quand un type vous dit que deux et deux font cinq, soit vous le prenez pour un fou, soit vous lui prouvez qu'il a faux ou soit vous lui demandez comment il arrive à cette conclusion. Quelque soit la situation, le sens de l'empathie me pousse toujours à m'efforcer d'opter pour la dernière solution bien que nos sens instinctifs de déconsidération de l'autre peuvent parfois nous faire revenir plutôt à la première solution. Une fois cette attitude acquise et développée, on se sent prêt à cultiver le débat contradictoire plus exactement le dialogue sur un sujet de controverse en est facilité par la pensée même que les idées que nous véhiculons peuvent être remise en question.
débat Athènes
© Inconnu
La perfection dans cette exercice est atteinte me semble-t-il par la maxime que l'unique leçon à donner aux autres c'est de leur dire de ne pas en donner. Ne vaut-il mieux pas construire sa propre morale plutôt que quelqu'un d'autre la construise à votre place et ce dès le plus jeune âge ? Voilà pour les considérations de base. Mais sont-elles appliquées aux débats de société ?

Je suis un belge qui vit maintenant depuis deux ans en France que je découvre autrement que par les médias et la politique. Comme un observateur extérieur, je me suis toujours demandé pourquoi le front national avait acquis autant d'importance en France alors que nous les belges confinés dans un petit pays attachons plus d'importance à l'Europe, ce qui explique qu'en Wallonie les partis extrémistes ont moins d'importance ... du moins jusqu'à présent. Je croyais alors que les français devenaient des incorrigibles anti-européens arrogants, voire fascistes, faisaient souvent la gueule et qu'il y avait plus de violence qu'en Belgique. Aujourd'hui, je me dois de constater que les élites politico-médiatique portent une grande part de responsabilité dans cette description déprimante qu'ils donnent de la France. Ils entretiennent en permanence un climat de peur, de haine et de souffrance qui peut faire oublier aux français leur empathie, leur altruisme et générosité auxquels tout être humain est aturellement
enclin.

La peur du front national, le chômeurs dépendants, les immigrés profiteurs, les capitalistes méprisants, le négationisme, la violence dans les banlieues balaient en un instant tous ces nobles instincts qui font de cette espace francophone un formidable lieu de culture.

Les médias ont cette manie d'attribuer des étiquettes simplistes sur les différents acteurs de la vie publique. En gros, c'est comme dans les films, il y a les bons et il y a les méchants et les politiciens nous promettent qu'ils combatteront les méchants. Quelle que soit la réthorique, fusse-t-elle la plus élaborée par des démonstrations de spécialistes en tout genre, il y aura toujours un ennemi qu'il faut éliminer car celui-là ne veut pas se conformer aux principes et valeurs de la république. Sans doute les français sont toujours vus comme des veaux, pas assez éduqués pour comprendre les dangers immédiats et donc se suffisent d'explications simplistes, sans doute que les médias ne veulent pas perdre leur temps à s'étendre sur la nature profonde de notre être, sans doute que les politiciens ont leurs consignes de parti de ne pas se fourvoyer dans des débats qui pourraient aller à l'encontre de leur idéologie. La réalité est là : la particratie et le communautarisme l'emportent désormais sur la débatocratie. Etrange car le troisième pouvoir démocratique qu'est la justice devrait nous cultiver à cette pratique du débat rencontré dans les prétoires mais le qualificatif "contradictoire" s'oublie vite dès lors qu'un point de vue est exposé. Le fait d'avoir une opinion sur tout nous rend orgueilleux au point de ne pas reconnaitre des points de vue opposés.

Il en résulte des joutes verbales pathétiques d'hommes de média qui doivent bien fatiguer les présentateurs pourtant aguerris de nos télévisions.

Il ne reste plus donc qu'à se réfugier sur internet pour comprendre ce qu'un interlocuteur n'a pas pu ou a été empêché de dire durant ces discussions inabouties et à adopter le moins mauvais des points de vue faute de pouvoir d'exprimer le sien lors d'une élection. A moins de regarder les débats comme un match de catch, notre lassitude vis-à-vis du pouvoir politico-médiatique nous pèse lourdement à force d'avaler des idéologies, des principes et des valeurs au point de perdre nos sens naturels d'altruisme. Pourtant, s'émouvoir des souffrances et des crimes est beaucoup plus beau quand il est le résultat d'un acte spontané que quand il devient un devoir prescrit par ce même pouvoir.

Mais peut-on encore respirer l'air de la liberté quand un employé des chemins de fer ne peut pas aider spontanément une vieille dame à monter dans le train de peur des représailles de son chef ou qu'un enseignant doit se conformer de façon strict à la politique de l'éducation nationale sans pouvoir proposer un certain nombre d'idées sur la transmission de son savoir ou encore qu'un inventeur ne peut pas développer sa trouvaille à cause de lois absurdes ou de lobbys psycho-rigides. Dans ces conditions les énergies vives d'une nation s'en trouvent considérablement amoindries et renforcent de facto un sentiment de crise.

Et comme ça devient de plus en plus insupportable de subir cette morale permanente, voilà que le front national soi-disant extrémiste nous promet exactement le contraire du fascisme c-à-d la liberté d'expression. En réaction, les partis traditionnels nous ressortent les mêmes arguments d'avant la seconde guerre mondiale pour justifier l'erreur que ces pauvres citoyens font en votant pour ce parti : la peur et la menace du racisme. Dans cet univers suréaliste, tout est bon pour culpabiliser son adversaire et de ne plus le voir comme un être humain doué de bonté, de le diaboliser pour éviter ce qu'on devrait faire normalement en démocratie un débat réellement contradictoire respectueux de l'autre, même si il est étiquetté rouge-brun.

Notamment, les problèmes de l'immigration et de l'état de dépendance des pays pauvres par rapport aux pays riches méritent mieux qu'un combat de tranchées basé sur le mépris.

Au 21e siècle, la haine de la haine utilisée par les associations anti-racistes pour s'opposer à toute idée conspirationiste ne fonctionne plus. La ficelle de la propagande nous entrainant dans la vindicte face au fascisme et au racisme est usée à force d'utilisation intempestive et rabaisse le monde du pouvoir traditionnel pour le mettre au même niveau que le front national. Pathétique.

Notre société grandirait si à côté d'être dans l'empathie des gentils ou des victimes, on tentait de façon égale d'être dans l'empathie des supposés méchants ou bourreaux. Non pas pour justifier leurs méfaits mais parce qu'elle engagerait enfin un dialogue plus harmonieux entre ce que tout oppose.

Les actes spontanées de regret et d'excuses de mauvais comportements s'en trouveraient démultipliés et augmenteraient la faculté de vivre ensemble.

Mais peut-on croire encore aujourd'hui que tout être quel qui soit n'aime pas haïr ou doit-on en permanence se sentir supérieur au point de finir comme un idiot utile face au soi-disant mal prôné par une quelconque propagande ? Quel que soit ma place dans l'échelle sociale, mon libre arbitre ne m'empêche pas un jour de m'égarer dans des abominations mais c'est un moindre mal de l'exposer de façon vulnérable dans un débat contradictoire que le passage à l'acte.

J'aurais tant voulu salué l'initiative de François Fillon ou de toute autre politicien de droite ou de gauche de s'intéresser de près aux personnes qui votent front national, d'engager avec eux un véritable dialogue contradictoire, tout comme Elisabeth Lévy et tant d'autres d'oser discuter avec Dieudonné M'bala M'bala et ses soutiens mais un cordon sanitaire est là en France pour nous rappeler qu'il existe un royaume des infréquentables avec lequel il ne faut pas se salir faute d'y entrer définitivement. Moi-même pour le fait d'oser en parler dans ce billet et qu'une agence des services secrets pourrait m'espionner sur internet pour avoir surfer plusieurs fois sur des sites de soi-disant bras cassés, me serais-je déjà compromis de trop ? Si tel est ainsi que devons-nous faire de ces millions de Français avec leurs présupposées pensées malsaines, les jeter aux oubliettes de la république ? J'ai beau me scruter au plus profond de ma conscience, je me sens ni un lâche, ni dans l'angélisme d'oser encore percevoir leur bonté humaine et leur empathie, acte indispensable à l'amorçage d'une relation teintée de bonne volonté.

En particulier, je me suis demandé pourquoi, dans un esprit de fraternité, peu de musulmans français ont exprimé une vive émotion face aux crimes commis notamment par leur coreligionnaire Mohammed Merah à ces propres concitoyens. Aujourd'hui, je formule l'hypothèse que la possibilité n'existe pas à ceux-ci de s'exprimer librement et de pouvoir dire les insanités les plus choquantes sur le gouvernement français ou Israël.

Cette tragédie est l'illustration de cette France silencieuse, qui reste silencieuse sur la société pas seulement par respect mais aussi par la peur de l'autre, de sa stigmatisation jusqu'au jour où cela devient assourdissant. Alors on pète un cable, on passe à l'acte de façon totalement irrationelle.

Sans pouvoir d'expression élargi dans l'espace public, celle-ci se réduit à la sphère familiale ou des loisirs qui défoulent. Après tout quand il faut la fermer au boulot, alors défonçons-nous librement sur son conjoint ou ses enfants avec tout ce que cela implique.

Gageons que l'espace francophone retrouvera une liberté d'expression tout aussi grande de celle que l'on trouve par exemple au Etats-Unis. Car cette crainte d'absence de débat réel devient une véritable menace pour l'humanité dès lors que les problèmes de société deviendront toujours plus complexes comme le réchauffement climatique et la surpopulation mondiale avec toutes ces conséquences : énergie renouvelable, pollution, extinction des espèces, immigrations massives...

A ce moment, il faudra réellement s'expliquer sans s'affronter si on veut éviter de nouveaux conflits
planétaires.