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© EMMEVI PHOTO/MAXPPP La comptabilisation des revenus générés par les activités illicites pourrait augmenter le PIB de plus de 3 %

L'intégration de l'économie souterraine au PIB est une obligation européenne. Mais de nombreux pays résistent, dont la France. Plus pour longtemps ?

Comme l'Italie et le Royaume-Uni, la Belgique vient de déclarer qu'elle allait désormais intégrer l'argent issu de la prostitution et du trafic de drogue au calcul de son produit intérieur brut (PIB). Les annonces successives de ces pays de l'Union européenne ont étonné, tant l'idée semble surprenante, mais elles résultent pourtant d'une obligation européenne. En février dernier, Eurostat, un institut statistique communautaire rattaché à la Commission européenne, a édité un règlement qui impose aux États membres de prendre en compte les activités illicites dans le calcul de leur PIB. Si certains pays se sont précipités, ravis de trouver un nouveau moyen de gonfler leur croissance, d'autres sont frileux, voire réfractaires, à l'idée d'intégrer les revenus de l'économie souterraine à leur PIB.

Un souci d'équité

La France, et donc l'Insee, se refuse à incorporer l'argent généré par des activités "exercées sous la contrainte" à sa richesse effective. Pourtant, l'enjeu d'un tel calcul est important. Tout d'abord, il permettrait à la France de doper sa croissance, puisque, d'après les estimations, le PIB français augmenterait de plus de 3 %. D'autre part, Bruxelles avance principalement un souci d'équité, puisque, la participation des États membres au budget européen étant calculée en fonction du PIB, il n'est pas équitable que certains pays prennent spontanément en compte l'économie souterraine, comme les Pays-Bas, alors que d'autres contribuent moins au budget européen, grâce à un PIB moins élevé.

Aux Pays-Bas, la prostitution et la drogue ont ajouté 2,6 milliards d'euros en 2010 à l'économie du pays, soit 0,4 % du PIB, et pour cause : la prostitution et la consommation de cannabis y sont légales, les professionnelles déclarent donc leurs revenus au fisc, et les revenus générés par le commerce du cannabis sont officiellement connus. En plus, le pays prend en compte la consommation estimée d'héroïne et de cocaïne qu'elle intègre dans son PIB. De la même manière, aux États-Unis, l'application de ce calcul a permis une hausse de plus de 3 % du PIB en juillet 2013.

Scrupules

Mais comment calculer ce qui est dissimulé ? S'inspirant du mode de calcul néerlandais de la consommation de drogues illégales, la Commission préconise d'évaluer, pour la drogue, le nombre d'utilisateurs, la consommation moyenne, et de s'intéresser au cours de ces drogues. Pour la prostitution, Eurostat propose de calculer le coût de la location des lieux de prostitution ainsi que celui des achats de préservatifs et de "vêtements de travail".

Mais l'évaluation des activités illicites n'est pas le seul problème que ce règlement européen entraîne, ce dernier pose avant tout un problème éthique. Un pays pourrait en effet ne pas avoir intérêt à combattre des activités qui contribuent à sa richesse nationale... Sans parler du fait qu'il n'est pas très moral d'améliorer la santé économique d'un pays grâce à la prostitution ou au trafic de drogue.

Mais foin de l'éthique ! La France a jusqu'au 30 septembre pour transposer ce règlement. Si elle se refuse encore à le faire, elle s'expose à une condamnation par la Cour de justice de l'Union européenne, donc à une forte amende, et à une injonction de transposer le texte. Une aubaine pour le gouvernement, qui verra, contraint et forcé, ses objectifs de croissance enfin réalisés.