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© David Blackwell (licence creative commons)
Quand le ministère de la Culture fête la parution de « 1984 » un jour après le vote de la loi renseignement... avant de faire disparaître les traces ! Orwellien, non ?

Le 10 juin 1949 paraissait le célèbre roman d'anticipation de George Orwell 1984. Bien qu'empruntant au genre « science-fiction », le livre évoquait le présent, et décrivait à travers un futur post-nucléaire l'émergence d'États totalitaires en conflit permanent pour asseoir leur domination respective. Le héros de l'histoire, Winston, est citoyen d'un de ces États, Océania. Il tombe amoureux de Julia après une séance publique de haine contre l'Ennemi public numéro 1 de l'État, Emmanuel Goldstein. Le quotidien de Winston est surveillé, encadré par un État omnipotent qui prend prétexte de la guerre pour ne reconnaître aucune liberté aux citoyens. Le ministère de la Vérité qui emploie Winston est en fait un ministère de la propagande qui découpe et retravaille l'histoire et la langue communes pour les rendre conformes à l'idéologie officielle du régime. Du sommet à la base de l'ordre social, Big Brother, le lider maximo d'Oceania, observe et surveille les individus par l'intermédiaire de télécrans, version angsoc des caméras de surveillance.

1984 n'est pas seulement un roman distrayant, c'est une charge contre le stalinisme, sa bureaucratie meurtrière et son État de surveillance. Et c'est là que le bât blesse. Hier, en France, le sénat a adopté la loi renseignement conçue dans l'urgence, d'abord pour répondre au terrorisme, puis étendue à un certain nombre d'autres cas laissés à la discrétion de ses commanditaires. Plusieurs fois, son potentiel liberticide a été dénoncé, à droite comme à gauche. Plusieurs fois, la presse française, mais aussi étrangère, a tiré la sonnette d'alarme sur le danger que ce projet fait peser sur les libertés publiques.

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Visiblement, certaines personnes au ministère de la Culture en ont conscience, et se sont aperçues du mauvais goût consistant à célébrer l'anniversaire de 1984 le jour suivant l'adoption d'une loi typiquement orwellienne. En effet, le ministère de la Culture l'avait communiqué ce matin sur son compte Twitter... communication qui a ensuite disparu. Ce ministère, l'espace d'un instant, s'est donc rêvé en ministère de la Vérité : le tweet ne convenant pas à la propagande gouvernementale, il fut censuré. Heureusement, Orwell n'avait pas prévu l'invention d'internet et au lieu de tomber dans l'oubli, le tweet fut enregistré et tourne encore sur les réseaux sociaux. Sans doute une démonstration supplémentaire de l'obsolescence (programmée) de l'État omnipotent !