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© Alex Proimos, licence Creative Commons
L'État qui fixe les prix, contrôle et sanctionne est en train d'étouffer le secteur de la santé.

La Loi santé avec son tiers payant généralisé doit permettre à l'État, par le biais de l'assurance maladie, de contrôler totalement le financement des soins, y compris le paiement des consultations des médecins. Ce point très important pose le problème de l'indépendance médicale : si le médecin dépend financièrement de la CPAM, il devra faire ce qu'elle demande. Et cela a déjà commencé.

La première partie de l'étau est le tarif de la consultation, fixé par l'État. L'étau se resserre avec les contrôles et les sanctions. Nombreux sont les médecins libéraux qui reçoivent des courriers de la CPAM les sommant de se justifier sur leurs prescriptions : pour certains médicaments, il leur faut demander au préalable un accord de la Sécurité sociale qui les autorise sous certaines conditions. Ce n'est pas nouveau. Mais ces demandes d'accord se font plus nombreuses et plus pressantes.

Premier problème : certains n'ont jamais prescrit ce médicament. Il y a du désordre dans les dossiers de la CPAM, ce qu'on savait déjà. Deuxième problème : parmi ceux qui l'ont prescrit, beaucoup n'ont fait que renouveler le traitement du patient, ce qui impose aussi une demande d'accord de la Sécu, qui considère dès lors que le médecin a commis une erreur en ne formulant pas une demande « préalable ». Troisième problème : ces médicaments ont eu une autorisation de mise sur le marché (la fameuse AMM) par le Ministère de la Santé, qui est le donneur d'ordre financier de l'Assurance Maladie : pourquoi alors avoir délivré une autorisation en sachant que la Sécurité Sociale ne prendrait jamais en charge leur remboursement et souhaite même les remplacer par d'autres qu'elle considère comme tout aussi efficaces et moins chers ? Car quatrième problème : la CPAM s'autorise à remettre en cause la prescription médicale, certes avec l'aval d'un médecin conseil, mais qui ne connaît ni le patient, ni le cas précis du dossier médical, ni, pourrait-on dire, la pratique médicale tout court.
« Il s'agit de privilégier des traitements plus efficients tout en garantissant la même qualité et efficacité de traitement. L'existence d'alternatives thérapeutiques (...) présentant une efficacité équivalente dans les mêmes indications et le respect des bonnes conditions de prescriptions (...) permettent en effet de garantir à tous les patients un traitement sûr et efficace, pris en charge par l'assurance maladie » (1).
Bien entendu le traitement souhaité par la CPAM est « plus efficient ». Il est surtout moins cher. Quel patient a envie de se faire soigner parce que c'est moins cher, tout en payant des cotisations sociales toujours plus élevées ? Voilà comment se resserre la deuxième partie d'un étau : des demandes de justifications, voire des avertissements, et la mise en place de contrôles « récurrents » pour vérifier que l'attitude du médecin change. Le patient ne s'en rend pas encore compte parce qu'il n'est pas encore touché par ces changements.

Et le médecin n'est pas tout seul dans sa galère, le pharmacien subit les mêmes pressions : des courriers lui annoncent désormais qu'il ne sera pas payé parce qu'il n'a pas délivré de génériques en nombre suffisant, l'Assurance Maladie considérant que le pharmacien ne respecte pas le contrat « tiers-payant contre générique ». Le marché de dupes commence enfin à être percé à jour.

Le tout dans des termes qui laissent rêveur quant aux suites possibles : « Je sollicite l'implication de votre officine », « « comptant sur votre investissement personnel », « j'attire votre attention sur la nécessité de respecter cette mesure sauf à vous exposer à des actions contentieuses »... Si certains continuent à ne jurer que par la sacro-sainte vertu de la sécurité sociale, qu'ils restent dans son giron et ne viennent pas ensuite se plaindre d'avoir une rémunération à la hauteur de ce que peut fournir la Sécu, dont la gestion est absolument catastrophique. Ils signent avec un organisme en faillite, qui non content de les avoir à disposition veut maintenant les soumettre en les menaçant : « des contrôles récurrents seront engagés » et « les facturations seront mises sous contrôle dans un délai de deux mois ». Quand le tiers-payant généralisé permettra à la CPAM de payer (ou pas) le médecin, la main-mise sera complète.

Pour ceux qui ont encore un espoir et l'envie de soigner en toute liberté, ils peuvent trouver là l'occasion de promouvoir la libéralisation du secteur de la santé. On ne peut pas indéfiniment geindre contre son bourreau et continuer à lui demander l'aumône. Puisque la libéralisation de certains secteurs est dans l'air du temps, les médecins doivent demander une mise en concurrence des organismes d'assurance maladie afin que chacun puisse choisir la protection qui lui convient au prix qui lui convient. C'est à eux que revient la responsabilité de cautionner ou de dénoncer un système qui ne rembourse plus correctement et qui oblige le patient à cotiser de plus en plus auprès de mutuelles qui ont de toute façon signé des accords avec l'Assurance Maladie et qui n'ont donc rien de concurrentiel. Ils doivent reprendre enfin leur liberté : car les pressions n'en sont qu'à leur commencement.

Notes :

1. Toutes les citations de l'article sont extraites de courriers envoyés par l'Assurance maladie à des médecins et des pharmaciens.