Scènes d'affrontements, cocktails molotov, pavés et gaz lacrymogène : la violence des mobilisations contre la Loi Travail aurait été délibérément manipulée par l'exécutif pour détourner l'attention du fond du débat, accuse un CRS. Alors que la contestation gronde partout en France depuis plusieurs mois contre le projet de réforme du Code du travail, les forces de l'ordre sont mises à rude pour encadrer des manifestations souvent émaillées d'incidents.

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© Rennes MULTIMEDIA
Mais selon un CRS, qui a décidé de se confier à l'hebdomadaire français Le Journal Du Dimanche, le gouvernement ferait preuve d'une étrange bienveillance à l'égard des casseurs. Il prend l'exemple de la manifestation du 9 avril à Paris, qui avait dégénéré en jets de projectiles contre la police, transformant la place de la Nation en un véritable champ de bataille, comme l'avait constaté notre correspondant sur place.


« On avait un signalement précis » d'un groupe hostile de jeunes cagoulés, « des ultras connus des services de renseignement », explique le policier, sous couvert d'anonymat. « On s'est dit qu'on n'allait pas les laisser passer... On n'a jamais reçu l'ordre. Au lieu de ça, on les a laissés progresser tranquillement. Ce jour-là, un collègue officier a été blessé gravement à la jambe par un tir de mortier. »

Pour le CRS, cette passivité des autorités n'est pas anodine. En effet, il s'agirait pour le gouvernement d'utiliser les casseurs afin d'éloigner les projecteurs du fond du débat, le projet de Loi Travail: « Une manifestation qui se passe bien, on parle du fond. Quand vous avez des casseurs, on se focalise sur les violences et les vitres cassées. »


Or, poursuit-il, «ces gars-là sont entre 200 et 300 maximum (...) il suffirait de les interpeller avant le départ des cortèges, pas la peine d'être un grand tacticien pour comprendre ça», avant de confier : « J'ai l'impression d'être devenu un pion politique. »


Et parmi les victimes de cette manœuvre politicienne dénoncée par le policier, on retrouve en première ligne les CRS, régulièrement pris à partie dans les manifestations. Si le slogan «CRS avec nous !» était en vogue après les attentats, il s'est aujourd'hui mué en « Tout le monde déteste la police ! », conclut tristement l'homme.

Ce nouveau témoignage intervient quelques jours après que le secrétaire général du syndicat Alliance Police nationale, Jean-Claude Delage, a lui aussi accusé l'État de laxisme envers les casseurs.
« L'État doit prendre ses responsabilités, ne pas nous laisser attendre des heures face à des casseurs identifiés, qu'on pourrait même peut-être préventivement assigner à résidence dans le cadre de l'état d'urgence ou interpeller », avait-il expliqué sur les ondes de Radio France.
Interrogé sur les raisons de ce manque de fermeté, il avait précisé : « Je pense que ça vise aussi à discréditer le mouvement social et syndical parce qu'évidemment, lorsque des syndicalistes manifestent contre un texte et qu'il y a des casseurs qui cassent tout dans le quartier, que les riverains sont exaspérés et que la police ne peut pas rapidement intervenir, et bien ça discrédite aussi quelque part le mouvement social ».