Franck, Nice
© Photo Sébastien Botella"J’étais prêt à mourir en fait! J’étais lucide et prêt à mourir pour l’arrêter", témoigne Franck.
L'homme a jeté son scooter sous les roues du camion, s'est agrippé à la cabine et a frappé le tueur à mains nues. Il raconte son geste hors du commun dans un entretien à Nice Matin.

Des témoins disaient l'avoir vu passer sous les roues du camion meurtrier. Depuis la macabre soirée du 14 juillet, on était sans nouvelles du motard dont le geste héroïque avait fait le tour des réseaux sociaux. Sur des images tournées par un journaliste allemand, à voir dans le début de la vidéo ci-dessus, on voit un motard poursuivre le camion, puis jeter son véhicule, un 300 cm3, sous ses roues. Nice Matin a retrouvé l'auteur de ce geste hors du commun, qui a accepté de donner un entretien exclusif à «son journal». Il s'appelle Franck, a la cinquantaine et est employé de l'aéroport de Nice, sur la piste. Son témoignage est édifiant.

Ce jeudi soir, Franck a manqué le feu d'artifice. Il décide alors d'aller manger une glace avec sa femme. Il prend la promenade des Anglais avec son scooter. Là il voit la foule qui commence à courir dans son dos, puis le camion le dépasser à toute allure. Il voit les corps voltiger, tomber un par un. «J'ai tout de suite compris. J'ai alors décidé d'accélérer. Ma femme, derrière moi, me tirait le bras et me demandait où j'allais. Je me suis arrêté. Je lui ai dit: dégage! Et j'ai accéléré à fond.»

Il dépose sa femme et se lance à la poursuite du camion. À ce moment, il n'a qu'une idée en tête: son fils, qu'il sait être sur la place Masséna, vers laquelle se dirige le camion. «Je voulais à tout prix l'arrêter», raconte-t-il. «J'étais dans un état second mais à la fois lucide. Je suis donc parvenu à me mettre sur sa gauche, mon objectif était d'atteindre la cabine. Quand j'étais à son niveau, je me suis posé la question: qu'est-ce que tu vas faire avec ton pauvre scooter? C'est alors que je l'ai jeté contre le camion. J'ai continué à courir après lui. Je me souviens être tombé puis reparti à toutes jambes. Je ne sais plus ce que je faisais. Et finalement je suis arrivé à m'accrocher à la cabine.»
« J'ai tout de suite compris. J'ai alors décidé d'accélérer. Ma femme, derrière moi, me tirait le bras et me demandait où j'allais. Je me suis arrêté. Je lui ai dit : dégage ! Et j'ai accéléré à fond.»
Il arrive au niveau de la fenêtre du camion, qui était ouverte, et commence à frapper à mains nues le visage du terroriste. «De la main gauche», alors qu'il est «droitier», précise-t-il. «Il ne disait rien. Il ne bronchait pas». Mohamed Lahouaiej Bouhlel saisit alors son arme de poing et tente de lui tirer dessus. Mais, miraculeusement, il n'y parvient pas. «Il me visait, appuyait sur la gâchette, mais ça ne marchait pas.» Le terroriste lui assène alors un coup de crosse sur le crâne. Franck tombe du marchepied, puis remonte. Finalement, le pistolet fonctionne, et il tire un coup en l'air. Franck lâche la cabine, et s'aplatit au sol, alors qu'un échange nourri de coups de feu a lieu entre le terroriste et les policiers. «Il était déterminé», juge-t-il, et «sans doute entraîné car le coup qu'il me met à la tête est bien placé.»

Un geste qui a ralenti le camion

Ensuite, comme Gwenaël, Niçois armé d'un petit couteau qui a voulu aussi arrêter le camion, il est interpellé par la police. «Je me suis fait interpeller par la police, qui devait, logiquement, penser que j'étais un terroriste. (...) Et puis quand les choses se sont calmées, on m'a présenté comme étant le témoin principal». Choqué, Franck vomit à plusieurs reprises, il pleure. Il s'en est sorti avec un gros hématome, des douleurs à la main, une côte cassée et un petit enfoncement de la cage thoracique.

Selon divers témoignages, son geste héroïque a permis de ralentir le camion, ce qui a laissé aux policiers la possibilité de tirer sur le tueur. «Une personne dans la foule a sauté sur le camion pour essayer de l'arrêter, c'est à ce moment-là que les policiers ont pu neutraliser le terroriste», jugeait Eric Ciotti dans une interview sur Europe1 dès le lendemain du drame.

Depuis une semaine, après les nombreuses rumeurs courant sur son compte (certains affirmant qu'il était mort), et les multiples sollicitations reçues sur sa page Facebook, c'est son avocate qui lui a conseillé de parler à Nice Matin. «Dans cette actualité noire, son geste est un des rares messages positifs», explique-t-elle, contactée par Le Figaro. «Il est traumatisé, il se rend compte du geste qu'il a fait. Il aurait aimé faire plus. Il a fait ça pour ses enfants», ajoute-t-elle.

Pour le moment Franck n'a pas été contacté par les autorités pour être récompensé pour son geste. Mais la mairie de Nice affirme qu'elle fera «certainement» quelque chose en faveur du motard, sans avoir encore déterminé quelle forme prendra la reconnaissance de la ville. D'autres héros lors de récentes attaques ont été récompensés: Lassana Bathily, l'employé de l'Hyper casher qui avait caché, en janvier 2015, des clients au sous-sol du magasin attaqué par Amedy Coulibaly, avait reçu la nationalité française, tandis que les quatre héros qui avaient stoppé un tireur dans le Thalys, l'été dernier, avaient reçu la Légion d'honneur.


Le témoignage de l'autre personne (Alexandre Migues) qui a essayé d'ouvrir la porte du camion :