L'INSEE a publié le 30 septembre les chiffres de la dette publique française à la fin du second trimestre 2016 : 2 170,6 milliards d'euros, en hausse de 31,7 milliards en un trimestre, à 98,4% du PIB. Nous empruntons à des taux très bas, en raison de la politique de la BCE, mais un jour les taux progresseront et ce jour-là, la bombe de la dette explosera. Et les dégâts seront d'autant plus forts que les réformes n'auront pas été faites.

En 20 ans, la dette est passée de 55% à 98,4% du PIB

Tous les discours sur la « maitrise des finances publiques » ou la « disparition du trou de la Sécu » ne résistent pas un instant face à la réalité que les chiffres de l'INSEE ne peuvent dissimuler : la dette publique française, au sens de Maastricht, continue sa course folle. Les graphiques ci-dessous en disent plus qu'un long discours. En pourcentage du PIB, on est passé en 20 ans de 55% à 98,4% du PIB. Depuis près de 15 ans, nous sommes au-dessus des 60% prévus par les traités européens. La course folle ne s'est en rien ralentie depuis l'élection de François Hollande (300 milliards de plus).

French debt
© Source : INSEEDette au sens de Maastricht des administrations publiques


La dette progresse de 700 à 2 170 milliards

Exprimée en milliards d'euros, la progression est encore plus spectaculaire : la dette a été multipliée par trois en 20 ans ! Au sens de Maastricht, elle est passée de 700 milliards à 2 170,6. L'astuce de l'INSEE, qui consiste à évaluer une dette nette, en en retirant les titres détenus par l'Etat actionnaire (203 milliards, moins de 10% de la dette) ne change guère la situation et l'Etat n'a-t-il pas mieux à faire de notre argent que de détenir des participations !

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© Source : INSEEDette au sens de Maastricht et dette nette

La dette publique : 68 689 Euros par ménage

Les chiffres trimestriels montrent que le ralentissement annoncé n'était que provisoire : la dette est repartie à la hausse depuis le début de l'année. Et ce ne sont pas les dépenses publiques prévues à l'approche des élections qui calmeront le jeu (y compris les fameux TGV d'Alstom !). Ces chiffres globaux, donc abstraits, représentent en réalité une dette publique de 34 345 euros par habitant et de 68 689 euros par ménage ! La comparaison est pertinente, car qui remboursera, sinon les contribuables ?

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© Source : Comptes nationaux base 2010 - Insee, DGFiP, Banque de FranceLa dette de Maastricht des APU en fin de trimestre et sa répartition par sous-secteur
(en milliards d’euros)

Le tableau ci-dessus montre aussi que l'Etat, via le déficit budgétaire, est le principal responsable de la dette (80% environ), mais que les dettes des collectivités locales et de la sécurité sociale ne sont pas négligeables non plus. Tout cela ne concerne que la dette au sens de Maastricht, et non l'ensemble des engagements de l'Etat, les fameux engagements hors bilans tels que les retraites à venir des fonctionnaires. Et la hausse a lieu en dépit des astuces du Trésor pour en diminuer le montant, en en transférant la charge vers le futur, comme l'IREF l'a expliqué (6 juillet 2016, La triche du Trésor pour réduire la dette publique).

D'autres pays ont réduit leur dette, grâce aux réformes

Pour réduire la dette publique, il faut revenir à l'équilibre budgétaire, afin de ne plus emprunter, et de rembourser peu à peu. Les Allemands l'ont fait : nous avons montré il y a deux semaines que la dette allemande est passée de 81% du PIB en 2009 à 69% aujourd'hui et elle sera à 60% en 2020. Le Danemark l'a fait (46,4% en 2011, 40,2% en 2015) comme la Suède (48,2% en 2005, 43,4% en 2015, alors qu'elle était à 80% il y a 20 ans !) ou les Pays-Bas (68,2% en 2014, 65,1% un an plus tard). En France, sans réduction drastique des dépenses, la course folle se poursuivra.

Les faibles taux masquent la gravité de la situation

Cette situation est immorale, puisqu'il faudra un jour rembourser, par des recettes fiscales, ce qui pèsera sur l'avenir. On parle beaucoup du développement durable, mais on oublie l'endettement durable, qui ruinera les générations suivantes. Nous ne le voyons pas, car les taux d'intérêt sont au plus bas, en raison de la politique de laxisme monétaire de la BCE (Quantitative easing et taux de base quasi-nuls) : la France emprunte aujourd'hui, à 10 ans, à un taux de l'ordre de 0,2% ; les taux sont même négatifs pour les échéances inférieures à 5 ans. Même avec 2 170 milliards de dette, la charge en intérêt est contenue, bien que déjà énorme (44,5 milliards dans le budget 2015, autant que l'enseignement scolaire- 48 milliards).

La hausse des taux fera exploser la bombe de la dette

Un jour, inéluctablement, les taux augmenteront : crise financière, changement de cap des politiques monétaires des banques centrales, crise de confiance. Quelle importance, car, pour la dette actuelle, les taux sont déjà fixés ? C'est oublier que l'échéance moyenne est de l'ordre de dix ans. En gros, chaque année un dixième de la dette arrive à échéance et, faute de remboursement, il faut emprunter à nouveau.

En dix ans, c'est toute la dette qu'il faut avoir remplacée. Or 1% de taux d'intérêt en plus, c'est plus de 20 milliards. Le Portugal emprunte déjà à 3,4% : ça ferait pour la France 60 milliards de plus et, il y a 20 ans, nous empruntions à 8%. Qui peut croire que l'économie va éternellement fonctionner avec des taux d'intérêt nuls, voire négatifs ? Evidemment, ils remonteront un jour, et la bombe de la dette française explosera. Mais le gouvernement a des préoccupations plus immédiates : ne fâcher personne d'ici l'élection présidentielle. Pourquoi se préoccuper de l'après 2017 ?