Au lendemain de l'attentat du 14 juillet à Nice, Sandra Bertin, à la tête de la vidéosurveillance de la ville, avait affirmé avoir subi des pressions de la part du ministère de l'Intérieur dans le cadre de la rédaction de son rapport sur le dispositif de sécurité déployé sur la Promenade des Anglais, où avait eu lieu l'attaque. Une déclaration qui avait provoqué une vive polémique puisque Bernard Cazeneuve avait porté plainte pour diffamation. Le procès se tiendra le 7 juin prochain. Mais la policière vient d'apprendre que la plainte qu'elle avait déposée pour abus d'autorité a été classée sans suite par le procureur de Nice. Entretien.

Sandra Bertin
Comment jugez-vous la décision du procureur de Nice de classer sans suite votre plainte pour abus d'autorité ?

Je ne suis guère surprise. Nous savons tous que si la magistrature assise dispose d'une liberté quasi-totale, concernant la magistrature debout, c'est un peu plus délicat. C'est pourquoi dans les plus brefs délais nous saisirons un juge d'instruction qui pourra instruire à charge et à décharge avec toute la latitude que cette enquête devrait nécessiter.

Subissez-vous des pressions encore aujourd'hui ?

Les pressions que j'ai pu subir, je les ai dénoncées. Je qualifie cette plainte (la plainte déposée par le ministre de l'Intérieur pour diffamation) déposée à mon encontre comme le paroxysme des pressions menées post-attentat. D'ailleurs, rappelons que le parquet de Paris avait classé cette plainte et que c'est dans le cadre d'une citation directe que je comparais devant les tribunaux parisiens.

Que pensez-vous de la première audience qui a eu lieu la semaine dernière où l'on a annoncé l'ouverture du procès au 7 juin ?

Je ne pense rien de particulier concernant cette audience qui était une audience de procédure. En revanche les nombreux fourgons de CRS prévus pour encadrer la manifestation de soutien (manifestation qui a d'ailleurs fait l'objet d'une interdiction devant le tribunal), je ne vous dirai pas ce que j'en pense car je vais être désagréable... Quand on sait que selon l'IGPN, une manifestation de 30 000 personnes n'a visiblement pas un dispositif sous dimensionné lorsqu'aucune force mobile n'est affectée sur place... J'ai toutefois pu parler avec les agents (CRS) qui m'ont assuré de leur soutien et qui semblaient navrés de s'être vus confier cette mission.

Dans quel état d'esprit aborderez-vous le procès ?

J'aborderai le procès d'une manière tout à fait sereine. Je déplore que le ministre ait pu se sentir atteint par la réalité que j'ai relatée et qu'il se soit senti visé personnellement.

Etes-vous soutenue par la profession ?

Concernant les soutiens, je suis soutenue par la police municipale, de nombreux agents de la police nationale et un nombre incalculable de citoyens qui a conscience que lorsqu'on occupe un poste comme le mien, avec les responsabilités que cela implique, on ne s'amuse pas à parler à tort et à travers.

Vous êtes toujours en poste ?

Oui je suis toujours en poste.

Qu'est-ce que cette affaire a changé pour vous ?

Cette affaire a changé ma façon de voir les choses et d'aborder la vie d'une manière générale. A vie, je serai marquée par les horreurs que j'ai vues, et à vie je serai marquée par ce que l'on a fait ensuite, par ce que l'on a essayé de me faire dire ou faire.

Qu'attendez-vous du procès ?

J'attends du procès et d'une manière générale des affaires en cours d'instructions, que la vérité soit révélée. Les Français ont droit à la vérité, les Niçois ont le droit de savoir.

Maintenez-vous qu'un haut-fonctionnaire du ministère soit intervenu auprès de vous au lendemain de l'attentat ?

Je maintiens absolument tout ce que j'ai dit.

Avez-vous donné son nom ?

J'ai donné les noms à la Justice dans le cadre de mon signalement.