Une étude récemment publiée dans PLOS One, revue scientifique diffusée exclusivement en ligne, révèle que la couverture médiatique des études scientifiques laisse bien souvent à désirer. En effet, selon les chercheurs, là où les journalistes vont souvent relayer les résultats d'une étude initiale (première du genre sur un sujet donné), ils ne s'intéressent que très occasionnellement aux études ultérieures. Problème : Il n'est pas rare que leurs résultats ne viennent finalement invalider ceux de l'étude initiale.

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© Flickr/ NASA Goddard Space Flight Center
Les résultats de l'étude mentionnée dans cet article seront peut-être finalement démentis par une étude ultérieure. En effet, il n'est pas rare de trouver dans la presse des articles qui présentent les résultats « surprenants », « intrigants », voire parfois « alarmants » d'une « nouvelle étude » — et cela a parfois pu se produire sur 8e étage.

Les diverses disciplines qui composent la science étant complexes et, parfois, contradictoires, il convient toujours de prendre avec précaution les résultats d'une étude isolée. Ainsi, comme le rappellent quatre chercheurs de l'université de Bordeaux/CNRS, auteurs d'une étude publiée fin février dans la revue scientifique PLOS One, et remarquée par les équipes du site d'information américain Vox, les études initiales ne devraient pas se voir accorder beaucoup de crédit. Et pour cause, même lorsqu'elles ne partent pas de postulats erronés et sont réalisées dans des conditions idéales, il convient d'attendre les résultats d'études ultérieures et les méta-analyses (NDLR, il s'agit ici de recueillir et de synthétiser, de la manière la moins biaisée possible, les résultats de plusieurs études dans le but d'aboutir à une conclusion définitive) qui pourront en découler avant de pouvoir véritablement tirer des conclusions.

Problème : la pratique est en désuétude dans les médias. Comme le soulignent les résultats de l'étude, les journalistes ont tendance à s'intéresser aux découvertes scientifiques — et pour cause, sous réserve de trouver un titre un peu accrocheur, ces dernières ont de fortes chances d'attirer l'attention du lecteur. Pourtant, même quand ils n'emploient pas de gros raccourcis et retranscrivent fidèlement les résultats — ce qui est malheureusement loin d'être toujours le cas —, un problème demeure : ils ne mentionnent que rarement le caractère incertain de ces études et ne s'intéressent qu'encore plus rarement aux résultats d'études ultérieures — alors qu'elles démentiront presque la moitié du temps ceux de l'étude initiale. Les journalistes « informent rarement le public quand [des études initiales] sont invalidées », commentent les auteurs de l'étude. Si 13% des études initiales sont couvertes dans la presse, ce n'est le cas que de 2,4% des études ultérieures. Les études initiales sont donc cinq fois plus susceptibles d'être médiatisées.

Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs ont passé au crible les résultats de plus de 4700 études dans le domaine de la science biomédicale. Ils ont ensuite utilisé la base de données « Dow Jones Factiva » pour étudier la couverture médiatique dont elles ont fait l'objet. Parmi ces dernières, 3% ont été médiatisées (156 études) au travers de 1475 articles différents. Les chercheurs bordelais se sont ensuite attelés à comparer les résultats des études à ceux des méta-analyses et, sans surprise, seuls 48,7% de ces études ont vu leurs résultats confirmés par des méta-analyses. Une majorité, 51,3%, a été invalidée.

S'en est-il suivi une couverture médiatique ? Seulement quatre articles de presse ont mentionné la réfutation de ces études. De même, seules cinq des 306 méta-analyses examinées par les chercheurs ont fait l'objet d'un article. Enfin, les études avec des résultats nuls ne représentaient que 13% de celles mentionnées dans les médias.

Co-auteur de l'étude, le neurobiologiste François Gonon est directeur de recherche au CNRS de Bordeaux. Depuis 2010, il s'intéresse avec son équipe à la distorsion des observations biomédicales dans les médias. Contacté par 8e étage, il a détaillé la démarche : « Spécialiste de la dopamine, j'ai été effaré par certains articles que j'ai pu lire dans la presse traditionnelle il y a environ 8 ans. À cette époque, les médias expliquaient que l'hyperactivité, notamment, était due à un manque de dopamine, ce qui est faux. Plutôt que de pester contre la presse, j'ai cherché à comprendre pourquoi les médias véhiculaient de telles théories ».

Le scientifique tient néanmoins à préciser que les journalistes ne sont pas les seuls coupables. En effet, ils ne sont qu'un des rouages d'un écosystème médiatique ayant besoin de titres digestes simples et accessibles, et qui apportent de préférence une information nouvelle, pour survivre. Quelque chose qui n'est par définition que peu compatible avec la science, domaine où la connaissance est accumulée sur une longue période de temps avec beaucoup de doutes et de nuances. De plus, la communauté scientifique partage également une partie de la responsabilité. « Il se trouve que bien souvent, ce sont les chercheurs eux-mêmes (NDLR, un phénomène auquel le manque de financements dans la recherche n'est probablement pas étranger) et les centres de recherches qui sont à l'origine des exagérations scientifiques que l'on peut lire dans la presse. Les instituts mettent en avant auprès des organes de presse des découvertes toutes relatives », conclut-il.