Sans supplémentation et savants calculs, le végétalisme conduit à la mort. Manger de tout en quantité raisonnable est l'option qui présente le moins de risques pour bien grandir d'abord, et bien vieillir ensuite.
philippe legrand
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S'opposant au fait que l'on puisse exploiter et tuer des animaux, plusieurs associations « vegan » ont manifesté au Salon de l'agriculture. De nouvelles attaques qui ont amené l'ensemble des syndicats agricoles (JA, Coordination rurale, FNSEA et Confédération paysanne) à faire front commun pour afficher leur ras-le-bol de cette « culpabilisation des consommateurs » et « stigmatisation des éleveurs. »

Attaques qui finissent par accroître le doute dans l'esprit des consommateurs, de moins en moins enclins à manger de la viande. Et à mettre mal à l'aise l'ensemble des filières de productions animales. Invité à l'occasion des 70 ans de l'entreprise Michel, Philippe Legrand, directeur du laboratoire de biochimie - nutrition humaine de l'AgroCampus Rennes et de l'unité Inra associée, a apporté un regard purement scientifique dans ce débat virulent. Sans même parler du plaisir lié à une alimentation diversifiée incluant des produits animaux.

Règle principale : l'homme est omnivore. « Les végétaliens, qui excluent de leur alimentation tous les produits animaux, se mettent en danger. Pour les enfants, les adolescents et les personnes âgées, c'est une prise de risque insensée », déclare Philippe Legrand, qui depuis plus de 30 ans collabore à des recherches sur la nutrition humaine.

Délit de maltraitance nutritionnelle

Aujourd'hui en France, des signaux d'alarme commencent à apparaître par rapport au végétalisme. « Il y a eu des cas d'enfants en dénutrition avancée, et des morts liées à ce type de régime. Nous devons agir suffisamment tôt pour résoudre ce problème qui survient pourtant au sein des classes sociales les plus élevées. » Des scientifiques en lien avec l'Anses souhaitent l'instauration d'un délit de maltraitance nutritionnelle. Pour l'expert, il y aura sans doute un plafond à cet accroissement de végétaliens et végétariens. Est-il atteint ? On ne le sait pas encore.

Philippe Legrand ne défend pas non plus une trop forte consommation de viande. « Nous ne sommes pas obligés de consommer de la viande ou du poisson à tous les repas, mais il n'y a aucune raison de s'en passer dans une journée. » Et d'ajouter : « Ne pas manger suffisamment de produits végétaux comporte aussi des risques. » Sans doute qu'à l'avenir la consommation de viande pourrait baisser en Europe, mais ces produits pourront être exportés. « Partout dans le monde et depuis toujours, l'apport de produits carnés résout les problèmes de nutrition. »

Les végétaliens doivent leur survie à la chimie

Reste qu'il est difficile de communiquer avec des gens radicalisés pour qui il ne suffit pas d'admettre que l'homme mange des produits animaux depuis des millions d'années. Selon Philippe Legrand, s'adresser plutôt à l'entourage peut être une solution. Face aux attaques, les professionnels des filières animales peuvent aussi s'intéresser aux traumatisés du végétalisme, les faire témoigner. Parmi les arguments contre ce type d'alimentation, le plus fort est le manque de vitamine B 12, qui est présente exclusivement dans les produits animaux. « Les végétaliens doivent obligatoirement être complémentés. Sinon, c'est la mort. Ils doivent donc leur survie à la chimie. Le comble, c'est que ces suppléments sont produits par des levures souvent OGM... ».

« N'éliminez rien »

S'agissant du fer, il y en a dans les végétaux, mais il est beaucoup moins assimilable et en quantité moindre. « Pour compenser 100 g de viande, il faudrait manger 12 kg de mâche. » De plus, les besoins en vitamine A ne sont pas couverts avec des végétaux uniquement. Autre point de friction : protéines animales versus protéines végétales. Là encore, l'avantage revient de loin aux premières contenant beaucoup plus d'acides aminés essentiels, par ailleurs plus digestibles. « Un végétalien motivé peut réussir à vivre, mais il devra trouver les plantes capables d'équilibrer son menu et faire des calculs savants. »

Sans compter qu'il lui sera très difficile de bien vieillir. Nourrissant le cerveau et jouant un rôle contre les maladies dégénératives, les acides gras omega 3 sont présents en bonne quantité dans les poissons et les viandes. Les produits laitiers fournissent le calcium nécessaire à la croissance et la densité osseuse, et aussi des vitamines A et D. « Chez les femmes qui avaient rejeté les produits laitiers étant jeunes et qui ont plus de 50 ans aujourd'hui, on a fait le lien avec davantage de fractures osseuses. » Enfin, la science actuelle est loin de connaître tous les secrets d'un bon vieillissement. Alors autant manger de tout en quantité raisonnable pour rester en bonne santé le plus longtemps possible.


« Viandes et cancer, une erreur »

Questionné sur l'étude faisant un lien entre consommation de viandes et cancer colorectal, Philippe Legrand pense que c'était une erreur. « Dans cette étude, les rats mangeaient une très grande quantité de viande, sans consommation de végétaux. Or des interactions existent entre ces aliments, avec les produits laitiers également. C'est vrai que le fer ferreux des viandes peut conduire à abimer la paroi intestinale, mais il faut aussi voir ses bienfaits. Sans fer, il n'y a pas de vie. Cela nous amène à la question de la juste dose. »