Depuis quelques années, un nombre croissant de publications remettent en cause le rôle des graisses saturées dans la survenue des maladies cardiovasculaires, allant jusqu'à les disculper complètement. J'ai perdu le compte de toutes les études que j'ai pu lire sur le sujet, mais l'étude récente la plus explicite est sans doute celle des Dr Gerhard Spiteller, de l'Université de Bayreuth (Allemagne) et Mohammad Afzal, du département de Biologie de l'Université du Koweit.
jamon iberico
© CC BY-SA 3.0Le « jambon ibérique » : sa consommation depuis des temps immémoriaux n'a jamais entraîné le moindre effet néfaste sur la santé.
Spiteller est docteur en chimie organique, une science fondamentale dont tout étudiant souhaitant entrer en fac de médecine doit maîtriser les bases. Dans une étude des plus fascinantes, Spiteller démontre pourquoi une compréhension élémentaire de la chimie organique impose de rejeter « l'hypothèse des lipides » - selon laquelle une consommation élevée de graisses saturées et un taux élevé de LDL (le « mauvais » cholestérol) seraient les principales causes de l'athérosclérose et des maladies coronariennes - car, d'un point de vue chimique, cette théorie est parfaitement inepte. Autrement dit, si les médecins et les nutritionnistes prenaient la peine d'appliquer leurs connaissances de base en chimie organique, il serait bien embarrassant pour eux de continuer à soutenir le mythe du cholestérol.

Le titre de l'étude est révélateur : « L'action des radicaux peroxyles, de puissants réactifs délétères, explique pourquoi ni le cholestérol ni les acides gras saturés ne sont responsables de l'athérogenèse et des maladies liées à l'âge. (Spiteller & Afzal, 2014). Dans leur compte-rendu, les auteurs détaillent la façon dont les acides gras polyinsaturés (polyunsaturated fatty acids, ou PUFAs) produisent, en s'oxydant, des radicaux libres délétères extrêmement inflammatoires. Pour information, les PUFAs sont des types de graisses instables que l'on retrouve dans les huiles végétales telles que les huiles de maïs, soja, lin, coton, colza, cacahuète et sésame. Ces radicaux oxydent le cholestérol, entraînant une réduction apparente des niveaux de cholestérol dans l'organisme. Ce phénomène a été exploité par l'industrie alimentaire et les scientifiques promouvant le mythe du cholestérol dans le but de justifier la consommation d'huiles végétales riches en PUFAs pour réduire les niveaux de cholestérol.

Les auteurs de cette étude expliquent également que les graisses saturées sont les graisses les moins vulnérables à l'oxydation en raison de leur stabilité :
En outre, les acides gras saturés appartiennent aux rares composés organiques qui, sous certaines conditions physiologiques (températures), sont capables de résister à l'attaque des radicaux. (Ibid, p. 11)
Les auteurs montrent également qu'une augmentation de la consommation de graisses saturées par les femmes souffrant de maladies coronariennes avérées est associée à un ralentissement de la progression de l'athérosclérose coronarienne, tandis que la consommation de graisses polyinsaturées et de glucides est associée à une accélération de la progression de la maladie. Les auteurs soulignent le fait que les PUFAs ne sont pas anti-athérogéniques mais la source de radicaux réactifs. Ils ajoutent que les autorités médicales, en établissant leurs directives alimentaires censées favoriser la santé, ont largement ignoré le fait que les PUFAs sont altérés par l'homogénisation et, surtout, que leurs esters de cholestérol finissent par s'oxyder, se transformant alors en oxydes de cholestérol toxiques, ce qui entraîne l'athérogenèse.

En fait, les docteurs Spiteller et Afzal affirment qu'un facteur de risque majeur de l'athérogenèse semble être la consommation de graisses surchauffées, en particulier lorsqu'on avance en âge, comme le montre la forte augmentation de marqueurs de péroxydation lipidique dans le sérum de sujets âgés, comparé aux sujets plus jeunes. Les auteurs soulignent également que les ischémies myocardiques et le diabète se rencontrent rarement chez les Groenlandais restés fidèles à leur mode d'alimentation traditionnel consistant essentiellement en des produits d'origine animale (phoque et poisson). Enfin, les auteurs établissent que les acides gras saturés résistent à la dégradation oxydative et, par conséquent, ne peuvent induire l'athérogenèse. Cet élément objectif impose une modification des directives alimentaires, concluent-ils. J'encourage tous ceux qui ont un penchant scientifique à consulter les travaux de Spiteller. Quelque 130 études qu'il a menées sont indexées dans la base de données médicales PubMed.

En bref, il est fort probable que la consommation d'huiles végétales entraîne l'oxydation et l'inflammation de l'organisme entier, dont les artères. Plus vous êtes âgé, plus ces PUFAs seront inflammatoires pour votre organisme. Qu'importe si leur consommation fait baisser votre taux de cholestérol ; ce dernier sera inflammatoire et provoquera un vieillissement accéléré de vos organes, y compris de votre cerveau. Les personnes qui ont des taux de cholestérol élevés en conséquence de leur consommation de graisses saturées souffrent beaucoup moins d'inflammation. Non seulement les archives historiques viennent à l'appui de ces conclusions, mais l'expérience et le b.a.-ba de la chimie organique démontrent qu'il ne peut en être autrement. Grand-Maman avait raison : avalez-moi ce bouillon d'os bien gras, c'est bon pour vous ! Les graisses saturées sont bonnes pour la santé, tandis que les huiles végétales, en particulier lorsqu'elles sont chauffées, jouent très probablement un rôle majeur dans le dépôt et l'accumulation de plaques adipeuses le long des parois artérielles : c'est-à-dire dans la survenue de l'athérosclérose.

Force est de constater que les directives alimentaires actuelles et l'obsession du cholestérol qu'il faut « réduire à tout prix » trahissent une ignorance honteuse de la chimie organique chez les médecins, nutritionnistes et praticiens de santé conventionnels. À quoi bon passer des années en fac de médecine, si c'est pour aboutir à des professionnels de santé incapables de mettre en application leur propre formation de base, de faire preuve de pensée critique, et de faire passer les intérêts de leurs patients avant ceux des entreprises pharmaceutiques ?

En parlant de conflits d'intérêts...

Le mois dernier, l'American Heart Association (AHA) a publié un nouveau rapport du Presidential Advisory [Comité consultatif - NdT] dans la prestigieuse revue Circulation. Ses conclusions sont les suivantes :
« Nous concluons fermement que la réduction de la consommation de graisses saturées et leur remplacement par des graisses insaturées, en particulier les graisses polyinsaturées, permettront de diminuer l'incidence des maladies cardiovasculaires. (Sacks et al., 2017)
Les auteurs de ce Comité consultatif ont des conflits d'intérêts dans le secteur agroalimentaire. Nina Teicholz, journaliste d'investigation et auteur du bestseller mondial The Big Fat Surprise, attire notre attention sur un détail qui fâche :

Jetons un œil au lien qu'elle fournit dans son tweet :
Bayer et les semences de soja LibertyLink protègent la santé cardiaque des Américains

RESEARCH TRIANGLE PARK, N.C. [2 mars 2017] - Dans le cadre de son initiative visant à promouvoir la santé cardiaque et à améliorer le bien-être des agriculteurs américains à travers le pays, Bayer est fier d'annoncer son soutien à l'American Heart Association (AHA). Cette initiative, qui se poursuivra sur toute l'année 2017, soutient le mouvement de l'AHA Healthy for Good™, qui vise à inciter tous les Américains à adopter un style de vie plus sain et à faire changer les choses durablement et dès aujourd'hui, grâce à des actions toutes simples qui feront toute la différence demain.

Pour chaque paquet de semences de soja LibertyLink vendus en 2017, Bayer versera 5 cents au Mouvement Healthy for Good de l'AHA, pour un total de 500 000 $ de dons. Outre les dons monétaires pour soutenir cette cause, Bayer aidera à sensibiliser le public à la santé cardiaque à travers le pays, par le biais d'activités éducatives destinées aux agriculteurs au sein des communautés rurales.
Comme c'est noble de leur part ! Il se trouve qu'en septembre 2016, Bayer et Monsanto ont annoncé la signature d'un accord stipulant le rachat de Monsanto par Bayer. Si vous n'avez pas entendu parler des semences de soja Roundup Ready de Monsanto, jetez un œil à ces articles : Comme nous l'apprend Nina Teicholz, un régime faible en cholestérol fut pour la première fois officiellement recommandé au public par l'American Heart Association en 1961, à une époque où seul 1 adulte américain sur 7 était obèse. Aujourd'hui, plus d'1 adulte américain sur 3 est obèse. Au cours des cinquante dernières années, l'obésité (et le diabète) ont explosé aux États-Unis, et durant cette période, le changement majeur dans les habitudes alimentaires des Américains fut l'abandon des graisses au profit des glucides, et des graisses saturées au profit des huiles végétales.

Aujourd'hui, nous avons BigAgra (Monsanto) qui s'allie à BigPharma (Bayer) pour donner de l'argent à l'American Heart Association sous le noble prétexte que les huiles végétales seraient bonnes pour la santé. Mais nous ne sommes pas dupes.

Je compatis pleinement à la frustration de Nina Teicholz lorsqu'elle écrit :
« À mes yeux, les directives publiées en juin par l'AHA sont déconcertantes. Comment les scientifiques de l'AHA, qui ont analysé les mêmes études que moi, peuvent-ils persévérer de plus belle dans leur position anti-graisses ? Avec un cardiologue, j'ai passé en revue l'étude de l'AHA jusque dans ses moindres détails, et j'en suis arrivée à cette conclusion : cette étude est probablement moins motivée par la science rationnelle que par une attitude biaisée de longue date, par des intérêts commerciaux et par le besoin de l'AHA de renouveler ses conseils en matière de « santé cardiaque » - les mêmes vieux conseils qu'il nous rabâche depuis bientôt 70 ans.
Il est essentiel de prendre conscience des biais cognitifs et des conflits d'intérêts qui nous rendent aveugles aux faits criants. Comme le déclare le Dr John Ioannidis, directeur du Prevention Research Center de l'Université Stanford :
Il y a des gens qui souffrent et qui meurent à cause de thèses médicales fallacieuses qui ne sont pas le fruit du charlatanisme, mais d'erreurs commises dans le domaine de la recherche médicale. (Begley, 2011, para. 3)
Citations

Begley, S. (2011, January 24). "Why almost everything you hear about medicine is wrong". Extrait de http://www.newsweek.com/why-almost-everything-you-hear-about-medicine-wrong-66947

Sacks, F. M., Lichtenstein, A. H., Wu, J. H., Appel, L. J., Creager, M. A., Kris-Etherton, P. M., . . . Horn, L. V. (2017). "Dietary Fats and Cardiovascular Disease: A Presidential Advisory From the American Heart Association." Circulation, 136(3). doi:10.1161/cir.0000000000000510

Spiteller, G., & Afzal, M. (2014). "The action of peroxyl radicals, powerful deleterious reagents, explains why neither cholesterol nor saturated fatty acids cause atherogenesis and age-related diseases". Chemistry - A European Journal, 20(46), 14928-14945. doi:10.1002/chem.201404383

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