L'Inde prépare sa riposte. Au lendemain de l'attaque, jeudi 14 février, d'un convoi militaire qui a tué au moins 40 soldats indiens dans l'Etat du Jammu Cachemire, le premier ministre indien Narendra Modi a annoncé, vendredi 15 février au matin, que les responsables devront en « payer le lourd prix ». « Je garantis au pays qu'une puissante réponse sera apportée », a ajouté son ministre de l'intérieur, Rajnath Singh.
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© InconnuRevendiqué par un groupe islamiste, cet attentat-suicide visait un convoi de quelque 2 500 membres d’une force paramilitaire indienne près de Srinagar.
L'Inde n'avait pas connu une attaque-suicide aussi meurtrière contre son armée au Cachemire depuis le début de l'insurrection en 1989. Celle-ci a été revendiquée par le groupe Islamiste Jaish-e-Mohammed (JeM) basé au Pakistan, qui a fait savoir à des médias locaux que l'assaillant était un jeune Indien du Cachemire, âgé seulement d'une vingtaine d'années.



En début d'après-midi, un véhicule rempli d'explosifs a foncé vers un bus qui faisait partie d'un convoi militaire transportant près de 2 500 soldats. L'attaque a eu lieu sur une autoroute reliant la ville de Jammu à Srinagar, la capitale du Cachemire indien. Les images diffusées montrent des carcasses de véhicules calcinées, jonchées de débris sur plusieurs dizaines de mètres à la ronde.

Organisation officiellement bannie par le Pakistan

Le groupe islamiste JeM, qui se bat pour un rattachement de la partie indienne du Cachemire au Pakistan, est l'un des plus actifs dans cette région. Il a organisé la première attaque-suicide contre des soldats indiens en 1999, puis l'attaque contre le Parlement de New Delhi en 2001 qui a failli déclencher une guerre entre l'Inde et le Pakistan.

Le ministère des affaires étrangères indien a accusé, jeudi, Islamabad de soutenir cette « organisation terroriste » en la laissant « opérer et développer ses infrastructures terroristes » sur son territoire. Des accusations aussitôt rejetées par Islamabad qui s'est dit « préoccupé » par cette attaque. Le Pakistan a toujours démenti soutenir cette organisation qu'il a officiellement bannie en 2002, même si son chef y vit en liberté. En 2017, les Etats-Unis ont échoué à placer Masood Azhar sur la liste noire des terroristes de l'ONU, à la suite d'un veto de Pékin, proche allié d'Islamabad. L'Inde a de nouveau appelé la communauté internationale, jeudi soir, à ce que son nom soit placé sur la liste noire des terroristes de l'ONU.
« La tentation du gouvernement, et particulièrement en année électorale, est de choisir une riposte musclée pour venger les meurtres, mais il doit soupeser les différentes options et faire son choix avec attention », avertit le quotidien Hindustan Times dans son édition de vendredi.
Le Cachemire, l'une des régions les plus militarisées au monde

Lorsque 19 soldats indiens avaient été tués en septembre 2016 lors d'un assaut contre leur base militaire d'Uri, attribué par New Delhi au JeM, M. Modi avait ordonné des « frappes chirurgicales » de l'autre côté de la frontière au Pakistan. Mais au-delà de la mise en scène médiatique et du gain politique dont a bénéficié M. Modi, cette riposte n'a pas ralenti l'activité des insurgés. A seulement quelques mois des élections indiennes prévues en avril et mai, l'attaque de jeudi s'est invitée dans le débat politique et la réponse de M. Modi à cette crise risque de peser sur ses chances de réélection. Randeep Singh Surjewala, le porte-parole du parti du Congrès dans l'opposition, a estimé sur Twitter que l'« horrible attaque » de jeudi était « la preuve de l'échec total du gouvernement de M. Modi en matière de sécurité ».

Si de nombreux pays et médias indiens ont immédiatement condamné un « acte terroriste », certains habitants au Cachemire y voient plutôt un « acte de guerre » contre une armée indienne accusée d'être une force d'occupation. Avec près de 600 000 soldats déployés dans la région, le Cachemire est l'une des régions les plus militarisées au monde. Depuis 2015, le nombre de victimes n'a cessé d'augmenter, surtout parmi les civils et les insurgés, sans aucune solution politique en vue. La torture y est pratiquée à huis clos. Comme l'ont révélé les câbles diplomatiques publiés par WikiLeaks en 2010, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a dénombré au Cachemire six formes de torture, allant de l'électrocution aux jambes écartées à 180 degrés ou à la suspension au plafond. L'accès aux journalistes étrangers y est désormais restreint et nécessite un permis des autorités indiennes.