Il y a tout juste cinquante ans, en 1969, sortait l'un des films les plus célèbres du cinéaste Costa-Gavras, Z. Une simple lettre, la dernière de l'alphabet, au sens pourtant sans équivoque, celui de l'espoir et de la révolte, que le cinéaste vient ici nous transmettre dans une œuvre forte et marquante.
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Synopsis : Un député progressiste est assassiné dans un pays méditerranéen. Le juge chargé de l'enquête dévoile la participation de l'armée et de la police.
Très rapidement, les différentes parties prenantes à l'intrigue nous sont exposées : le gouvernement militaire, les forces de l'ordre, le parti de l'opposition, avec ses représentants et ses adeptes, et le peuple dans son ensemble.

La situation exposée ici par Costa-Gavras est tout droit issue de la réalité, notamment celle de la dictature des colonels en Grèce, ce qu'il ne manque pas de mentionner : « Toute ressemblance avec des événements réels, des personnes mortes ou vivantes n'est pas le fait du hasard. Elle est volontaire. » Fort de son engagement politique et de sa liberté artistique, il nous fait alors découvrir tous les sombres rouages du régime qui a mis à genoux sa terre natale.

La manière de filmer du cinéaste est presque celle d'un reporter. Le personnage d'Yves Montand est montré dans son quotidien, dans les coulisses du pouvoir, mais presque jamais de manière très solennelle ni glorificatrice. C'est là tout le but de Costa-Gavras, qui cherche, ni plus, ni moins, à montrer la vérité telle qu'elle est, à exposer la réalité des situations. C'est ainsi que le juge, incarné par Jean-Louis Trintignant, occupe une place importante dans le récit, et joue le rôle du trouble-fête, de celui qui ira chercher là où les autres ne voudront, ou ne pourront aller chercher. En somme, Z, c'est une immersion dans une société corrompue et dirigée par un petit groupe soumettant le peuple au moyen de pressions financières et politiques.

Le système que nous montre Costa-Gavras est effrayant dans sa capacité à gangrener toutes les strates de la société, et à agir sur elles. Il ne s'agit pas que d'une petite oligarchie constituée de haut-gradés cherchant à défendre leurs propres intérêts. C'est tout un réseau qui se développe à la verticale, jusqu'à manipuler le peuple lui-même, en faisant pression sur lui, n'hésitant pas à menacer de simples commerçants d'agir en la faveur du pouvoir pour pouvoir maintenir leur activité. Le découpage du film, qui n'est volontairement pas linéaire, permet de prendre conscience de cette machination géante, de comprendre, petit à petit, comment un peuple peut être soustrait à une doctrine par un petit groupe d'individus. Et, même si le parti pris de Costa-Gavras est clair, il n'y a aucune forme de triomphalisme ou de glorification qui émane de Z. Au contraire, le constat s'avère beaucoup plus alarmant et négatif.

Dans Z, la lutte est permanente, c'est un combat pour la survie et le maintien de la liberté, où s'exprime la volonté de ne pas laisser la dictature s'imposer, mais où la victoire n'est qu'illusoire ou, au mieux, temporaire. Le visionnage du film de Costa-Gavras m'a, par ailleurs, rappelé celui du très bon 1987 : When the day comes, diffusé au dernier Festival du Film Coréen à Paris, qui n'a pas connu de sorties en salles françaises, mais qui se trouve être de très grande qualité, et qui suit un schéma très proche de celui de Z, ici transposé à celui de la dictature sud-coréenne des années 80. La preuve que l'histoire racontée par Costa-Gavras ne s'arrête ni à un pays ni à une époque. Une réalité qui n'est pas si éloignée que cela de notre époque, qui fait peur, et que Costa-Gavras vient ici imprimer sur pellicule pour que nous n'oubliions jamais.