Anxiété, troubles alimentaires, dépression... Le Covid-19, et plus particulièrement la longue période de confinement qu'il a entraîné, ont créé ou amplifié les troubles psychologiques chez les Français, comme le montre une étude relayée par le Journal du Dimanche le 28 juin.
Depression confinement
© Inconnu
Ce sont des soignants à bout, des jeunes parents débordés, des télétravailleurs ultra connectés ou des patients dont les troubles psychiques se sont amplifiés. L'épidémie de Covid-19 n'a pas été sans effet sur la santé mentale des Français, comme l'atteste une nouvelle étude, relayée le 28 juin par le Journal du Dimanche. Alors qu'elle est encore à l'état de relecture par les pairs, cette étude, dirigée par Pierluigi Graziani pour les universités de Nîmes et d'Aix-Marseille, a déjà récolté 3 763 témoignages, via un questionnaire en ligne.

Augmentation des troubles psychiques

Les premiers résultats de l'étude sont explicites : 15,1 % des participants ont déclaré avoir un niveau d'anxiété pathologique et 26,5 % un niveau de dépression pathologique. Ce seuil « pathologique » est atteint lorsque « les participants dépassent un score anormalement élevé (en répondant aux questions), même si ce score n'est pas directement lié à un tableau clinique officiel », explique Jonathan Del Monte, maître de conférence à l'université de Nîmes et auteur de l'étude.

Les chiffres relevés par cette étude sont particulièrement élevés, alors qu'habituellement, les troubles anxieux concernent environ 10 % de la population, et 15 à 20 % pour la dépression. 27 % des participants feraient également face à des risques suicidaires, qui sont souvent la conséquence de pathologies comme la dépression.

Le questionnaire, relayé sur les réseaux sociaux, a atteint des publics âgés de 18 à 87 ans, répartis sur l'ensemble du territoire français. Les chercheurs ont pris soin de ne pas le partager à des patients déjà suivis pour des troubles psychiques, pour ne pas fausser les résultats. En revanche, l'étude comporte un biais genré, puisque 82 % des répondants sont des femmes. « Les précédentes études - sur le SRAS notamment - en majorité chinoises, ont montré que les femmes étaient plus impactées par le confinement », nous précise Jonathan Del Monte.

Le confinement en cause

Une autre étude de Santé publique France, réalisée auprès de 2 000 internautes durant le confinement, confirme que les femmes sont davantage concernées par les symptômes d'anxiété. Pour autant, elle montre aussi que plus d'un quart (27 %) des répondants de l'échantillon ressentaient un état d'anxiété, un chiffre qui reste toujours au dessus des statistiques antérieures à l'épidémie. Par ailleurs, Santé publique France évoque d'autres facteurs de risque, comme un âge inférieur à 50 ans, le fait d'être dans une situation financière difficile, d'être en situation de télétravail, d'être parent d'enfant de 16 ans ou moins, d'avoir un proche ayant des symptômes évocateurs du Covid-19, etc.
Prévalence de l'anxiété au cours des premières vagues de l'Enquête CoviPrev en France Métropolitaine, du 23 au 25 mars, puis du 30 mars au 1er avril 2020
© France Santé
Ces chiffres correspondent aux résultats d'études étrangères menées lors de précédentes pandémies, comme l'a montré un article récent publié dans la revue scientifique The Lancet. Celui-ci compile une vingtaine de recherches scientifiques sur des personnes ayant vécu en quarantaine et ayant développé des troubles comme le stress post-traumatique, à Taïwan et à Hong Kong en pleine épidémie du SRAS (2002-2003), ou encore en Sierra Leone, pays touché par Ebola en 2018.

Des troubles psychiques sur le long terme

Or les épidémies compliquent l'accès aux soins, en ajoutant aux barrières financières une distanciation physique de longue durée. C'est pourquoi des lignes d'écoutes ont été créées en France, comme InPsy, ou CovidÉcoute, en complément du développement des téléconsultations. Mais malgré le succès de ces plateformes, celles-ci n'ont pas absorbé toute la demande.

Jonathan Del Monte analyse :
« On est dans une phase ambiguë. Les psychologues s'attendent à une augmentation des consultations après le confinement, mais celle-ci n'a pas forcément lieu car les patients attendent pour consulter. Or, plus ils attendent, plus ils ont de risques de développer des formes chroniques, et plus il sera difficile de les soigner. »
Le chercheur réfute en tout cas la pertinence du « syndrome de la cabane » , notion qui vise à expliquer l'explosion des troubles par une peur temporaire du déconfinement : « Les anciennes études montraient déjà que les troubles psychiques liés au confinement pouvaient perdurer pendant trois ou quatre ans ».
Manifestation pour la santé, la sécu et le progrès social du 16 juin 2020 à Paris
© Paolo Breizh sur FlickrManifestation pour la santé, la sécu et le progrès social du 16 juin 2020 à Paris
C'est d'ailleurs pour répondre à cette « urgence psychiatrique » que la Fondation FondaMental a lancé, le 26 mai, une campagne d'appels aux dons afin de soutenir la recherche en psychiatrie, les actions de soin et de prévention. « Face à la recrudescence [des troubles psychiques], le recours précoce aux soins est essentiel. Pourtant, les préjugés et la peur entourant la psychiatrie sont un premier obstacle à lever », souligne le communiqué, qui alerte aussi sur l'arrivée de nouveaux patients « dans les mois à venir ».

À quelques jours de la fermeture du Ségur de la Santé, et alors que les soignants sont de nouveau dans la rue ce mardi 30 juin pour demander 6,3 milliards d'euros supplémentaires pour l'hôpital, le futur de la santé et de la psychiatrie sont plus que jamais entre les mains du gouvernement.