Agressions et règlements de comptes se multiplient, faisant redouter que la violence ne s'enkyste dans la ville.

Bordeaux

Police, France, Bordeaux
Des policiers effectuent des contrôles dans la cité du Grand-Parc, le 15 septembre à Bordeaux.
Bonnaud Guillaume/PHOTOPQR/SUD OUEST/MAXPPP
Tout au long de l'été, les faits divers, souvent des agressions avec arme blanche, ont alimenté les débats et inquiété les esprits bordelais. Au point d'en faire un sujet politique majeur, l'équipe sortante de droite fustigeant «l'inaction» du nouveau maire écologiste, Pierre Hurmic. Lui-même défend que la situation ne «date pas d'hier» et «s'est dégradée depuis plusieurs mois».

Le fait est que les violences, avec ou sans armes, ont augmenté de 30% depuis la fin du confinement, selon des chiffres de la police, cités par la procureur de la République Frédérique Porterie. Cela équivaut à une quarantaine d'agressions à l'arme blanche à Bordeaux, depuis le mois de mai. Sur un an, l'augmentation serait de 10 à 30% selon les quartiers. Le nombre de cambriolages a aussi explosé dans certains secteurs. «Il faut sortir à la fois de l'angélisme et de l'affolement généralisé», résume la magistrate. Car, à Bordeaux, ville historiquement calme, la situation sécuritaire n'est pas comparable à celle d'autres grandes villes comme Toulouse, Marseille ou Grenoble.

Mais de nouveaux faits, jusqu'alors rares, se sont développés, comme des règlements de comptes, des guerres de territoires entre bandes rivales, «où les forces de l'ordre sont de plus en plus prises à partie, par des gens plus armés qu'autrefois», détaille Frédérique Porterie. On observe aussi la multiplication d'agressions dans le centre-ville, une «délinquance plus visible», qui diffuse un sentiment d'insécurité jusqu'alors méconnu des Bordelais. Audrey, une habitante du quartier Saint-Michel touché par le phénomène, évoque des «bagarres sur la place, des agressions violentes et gratuites. On fait tous davantage attention en rentrant le soir». Guillaume, gérant d'un bar dans le même quartier, a plusieurs fois dû recueillir dans son établissement des jeunes femmes effrayées, affirmant être suivies. «Il y a pas mal de jeunes qu'on ne connaît pas, qui traînent. Ils essaient de choper des sacs en terrasse, et sont susceptibles de péter les plombs...»

Mineurs non accompagnés

L'explosion démographique de la ville n'est pas étrangère au développement de la délinquance. Mais les autorités lient aussi le problème à plusieurs dizaines de mineurs non accompagnés (MNA), ou nommés comme tels car il est souvent difficile de prouver leur âge. Ils vivent la plupart du temps dans des squats, refusent les mesures éducatives et d'insertion mises en place par les services sociaux du département (qui gère localement 1350 jeunes étrangers), et de collaborer avec la justice, agissent souvent sous l'effet de drogues. Arrivés d'Espagne, ou chassés d'autres grandes villes où les réseaux de délinquance sont plus implantés, ils se seraient sédentarisés à Bordeaux pendant le confinement. «C'est un phénomène nouveau, qu'il faut endiguer rapidement», préconise la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine, Fabienne Buccio. Face à «ces gens qui arrivent dans un état insoutenable», Amine Smihi, le nouvel adjoint à la tranquillité publique, la sécurité et la médiation à Bordeaux prône bien sûr la prévention. Mais aussi «une réponse collective ferme».

C'est ainsi que le maire Pierre Hurmic a annoncé, il y a quelques jours, plusieurs mesures : la création prochaine d'une brigade canine et d'une brigade VTT, le rapprochement de la brigade équestre, éloignée du centre-ville, et surtout, un important recrutement pour la police municipale, qui compte actuellement 165 agents. «Il faudrait doubler nos effectifs sur six ans, et recruter immédiatement 20 agents», souhaite Amine Smihi, car «nous avons découvert à notre arrivée un service de police municipale complètement démuni». Face aux demandes récentes de politiques de tous bords et de la préfète, le ministère de l'Intérieur vient de donner son accord pour déployer une demi-compagnie de CRS à Bordeaux dès la fin du mois de septembre, jusqu'au 10 octobre. Un renfort temporaire, que beaucoup voudraient voir pérennisé. Car «le dispositif national policier n'est plus à la hauteur de la métropole que Bordeaux est devenue», argumente Amine Smihi. «Nous sommes à un tournant et il faut agir», pose Fabienne Buccio.

En février dernier, après avoir durci le ton face aux porteurs d'armes (ils sont désormais systématiquement déférés), le procureur avait de son côté proposé la création d'un groupement local de traitement de la délinquance, qui s'est réuni pour la première fois cette semaine. Son but est de faire travailler ensemble la municipalité, la préfète, le directeur départemental de la sécurité publique et la Protection judiciaire de la jeunesse. «Il y aura des actions ciblées, avec des procédures identifiées et des réponses personnalisées», explique Frédérique Porterie. Pour tenter d'endiguer un phénomène qui peut, sans doute, encore l'être.