Paroles de Gueules Noires, Témoignages de mineurs
"Dans ces galeries, vous savez, on a l'impression d'être enterré vivant"...
Paroles de Gueules Noires est l'unique témoignage sonore de mineurs et de leurs femmes, pour que la mémoire d'un métier, d'une culture, d'une collectivité ne s'efface pas. Ces témoignages nous font entrer de plain-pied dans l'aventure humaine de la France industrielle du XXe siècle. Ils nous invitent à transmettre l'histoire. Il suffit d'un micro, d'une main pour le tendre, pour dessiner le monde de la mine. Avec des bouts de vies, des bouts de bruits enregistrés en Lorraine, dans le Nord, en Aquitaine, dans les Cévennes...
"Les chevaux comptaient les wagonnets... Vous en mettiez neuf au lieu de huit, ils s'arrêtaient..."
Ce recueil de paroles de gueules noires constitue à l'évidence un véritable exploit. En effet, dans notre région du nord de la France, qui a compté jusqu'à 250 000 mineurs lors de la nationalisation des houillères en 1946, nous employons volontiers le terme de "taiseux" pour désigner celui qui ne parle pas. Le Nord n'a jamais été bavard, ni particulièrement loquace, non plus que volubile, et les mineurs plus que les autres encore, sont des "taiseux". Il y a plusieurs raisons à ce silence sourd des mineurs.

D'abord, leurs conditions de travail les isolaient totalement les uns des autres ; les postes étaient distants de plusieurs mètres, le bruit, l'obscurité et la poussière achevaient cet isolement. Seul le court moment du briquet les rassemblait mais les bouches étaient occupées à autre chose qu'au bavardage. Ensuite, de génération en génération, les mineurs avaient pris l'habitude de taire la dure réalité de leurs conditions de travail ; ils n'étaient pas hommes à se plaindre et surtout, ils veillaient tendrement à ne pas inquiéter leurs mères, femmes ou enfants. Beaucoup d'épouses d'anciens mineurs sont fortement émues lorsqu'elles découvrent, à l'occasion de la visite de notre circuit minier, cette pénible réalité du travail de leurs "hommes", fils ou maris.

Enfin, des siècles de luttes sociales ont instauré une véritable défiance vis-à-vis de l'entreprise, les "zouillères" comme ils l'appelaient, et la crainte de déplaire, voire de perdre des avantages matériels durement acquis, comme la mise à disposition du logement, nouent encore aujourd'hui les langues, même plusieurs années après la fin de l'activité minière. J'ai donc envie de dire que le monde du silence, c'est aussi le monde souterrain. Il fallait pourtant que la parole se libère pour ne pas perdre la mémoire de ces hommes et de ces femmes qui, à force de courage et d'abnégation, ont permis le développement industriel de notre pays. Ce recueil donc, avec ses vérités mais aussi ses doutes, ses joies mais aussi ses chagrins, ses voix mais aussi ses silences, ce recueil comme un bel hommage rendu à la grande humanité des gueules noires.

André DUBUC - Directeur Général du Centre Historique Minier

Chez Cultura : Paroles de Gueules Noires