La maladie, la mort, la pénurie, l'épidémie, la peur, la surveillance, les écrans. Bien avant le Covid, le grenoblois avait déjà tout écrit !
Dans « Le monde enfin », paru il y a 14 ans, un virus inconnu, ultra-rapide, le "Piscra", ravage le monde. Avec ce livre, Jean-Pierre Andrevon fait oeuvre de visionnaire.
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Jean-Pierre Andrevon et l'un de ses chats dans son repaire d'écrivain
Aujourd'hui, nous sommes juste en train de vivre dans son univers, en pleine science-fiction.

Quand la réalité dépasse la -science- fiction

Jean-Pierre Andrevon, 82 ans, a écrit pas moins de 170 livres depuis « Les hommes-machine contre Gandahar » paru en 1969.
C'est l'un des pères de la SF française. Dans la plupart des ses récits, l'Homme n'échappe pas à la catastrophe. Qu'il a lui-même engendrée.
« Je crois que j'ai fait le tour de toutes les catastrophes... atomique, climatique, pandémie, etc... j'ai rien écrit sur le météore qui nous tombera sur la tête... faudra que j'y pense un jour ! » nous dit-il, non sans malice.
JPA n'est pas désespéré, ni même pessimiste, plutôt du genre lucide, tendance fataliste. Ce qui l'obsède vraiment, de livre en livre, et depuis 50 ans, ce sont les retombées sociales des crises. Plus que jamais avec le Covid.

Dans son livre « Les retombées », il décrit les atteintes aux libertés, l'enfermement, la surveillance. Ça ne vous rappelle rien ?

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Vivons-nous dans un livre d'Andrevon ?

Avec la crise du Covid, on peut se poser la question. JPA nous souhaite : "bienvenue en dystopie" ! La dystopie, c'est le contraire de l'utopie, une sorte de « pire des mondes », « une société dont les dirigeants veulent faire le bonheur des citoyens contre leur volonté » explique-t-il.

L'écrivain dénonce : "on nous enferme, on nous bombarde d'interdits, on nous contraint... la dystopie est là ! »

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Dans son tout dernier livre, « Anthologie des dystopies », un essai quasi-encyclopédique des livres et films sur la question, JPA explique :
« la dystopie, c'est-à-dire la tyrannie, on l'a tellement sous les yeux qu'elle finit par devenir invisible, pour ne pas dire acceptable. La SF n'invente rien. Pensez au nazisme, au stalinisme, au maoïsme, au religieux totalitaire. La meilleure des dystopies, la plus subtile, c'est quand on l'accepte de bon coeur. Au moins au début. Combien d'allemands n'ont pas suivi Hitler jusque dans les ruines de Berlin ? »
Et quand on lui objecte que la France d'aujourd'hui n'est pas l'Allemagne des années 30, il répond :
« Bien sûr qu'on ne peut pas comparer le nazisme avec la crise actuelle, mais je dis attention, quand on commence à surveiller, à ficher, à vouloir mettre en place du tracking, le puçage des individus n'est pas bien loin. Ca va arriver, à plus ou moins long terme, j'en suis certain ».
Et il cite Aldous Huxley, l'auteur du "Meilleur des mondes" :
"pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s'y prendre de manière violente. Il suffit de créer un conditionnement collectif puissant. Il produira une telle intégration que la seule peur sera celle d'être exclu du système".
Le jour d'après, ce sera comment ?

Ne souhaitons pas que le jour d'après le Covid ressemble aux romans de JPA. Sous sa plume, généralement, tout le monde meurt à la fin ! Son approche radicale peut néanmoins nous aider à réfléchir à l'avenir. Peut-être même à éviter la prochaine catastrophe. La définitive.
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Anarchiste, écologiste de la première heure, JPA vit confiné toute l'année ou presque. Dans son repaire d'écrivain niché sur les pentes de la Bastille, à l'abri des regards, entre ses chats et ses livres innombrables, il scrute l'avenir avec inquiétude.

« Le changement climatique, c'est beaucoup, beaucoup plus grave que le Covid ! » affirme-t-il.
« Si on ne change pas de cap, on est foutus. On le sait, on a tous les chiffres, toutes les preuves. On nous dit : le monde d'après la crise, ce sera différent ! Mais moi j'ai bien peur qu'on reparte comme avant. Les avions, les voitures... pourtant, on n'a pas le choix! »

JPA, auteur de science-fiction, serait-il un lanceur d'alerte ?

Il s'interroge : « on se borne à donner un petit coup de pouce au présent. Les premiers textes de SF sur la destruction par l'homme de son environnement datent des années 50. Est-on entendu ? A-t-on une utilité quelconque ? »

Et le spécialiste du futur ajoute : « La vérité sur le futur est double : on a bien raison de le craindre, mais on peut aussi essayer de le changer ». « Nous nous battons contre des forces gigantesques et entre les mots au présent et les actes au futur, il y a souvent, hélas, une sérieuse distance. Le futur n'est jamais écrit. Il faut l'écrire au présent ».

Coronavirus : à Grenoble, l'auteur de science-fiction Jean-Pierre Andrevon avait imaginé la pandémie Reportage : JC Pain, G. Ragris, M. Ducret / Intervenant : J-P Andrevon
La liste de JPA spéciale confinement

Dans son "Anthologie des dystopies", JPA nous livre une somme sans équivalent des « futurs malheureux ».

Il a passé en revue des centaines d'oeuvres incontournables mais aussi méconnues parmi lesquelles vous trouverez forcément votre bonheur... ou votre malheur.

Voici donc quelques-uns de ses livres et films préférés que vous pourrez découvrir ou re-découvrir pendant le confinement :

« Le dernier homme » de Mary Shelley (1823), « le premier roman sur la pandémie » écrit par la « mère » de Frankenstein

« Métropolis » de Fritz Lang (1926), « le premier grand film dystopique » écrit par la femme du célèbre réalisateur (elle embrassera aussi le nazisme)

« 1984 » de George Orwell (1948), un classique de "la tyrannie acceptée" à travers Big Brother

« Le meilleur des mondes » d'Aldous Huxley (1932) sur le pire des mondes possibles

« Fahrenheit 451 » de Ray Bradbury (1953), ou "comment l'on en vient à brûler les livres"

JPA cite aussi les films « Gattaca », « Blade runner », « Brazil ». Vous avez l'embarras du choix !

Mais qui est vraiment Jean-Pierre Andrevon ?

JPA est né le 19 septembre 1937 à Jallieu en Isère, comme Frédéric Dard. Même origine, mais humour différent !

Une enfance à la campagne, sous le signe de la guerre et de l'Occupation.

Il quitte les études, c'est-à-dire le lycée Champollion de Grenoble, dès 16 ans, pour aller travailler aux Ponts et Chaussées pendant quatre ans.

Retour à Champollion... mais comme enseignant après un passage diplômant aux Arts Décoratifs.

Journaliste, peintre, cinéaste, et auteur-compositeur-interprète, il dispute la finale de la "Fine fleur de la chanson" en 1968.

C'est finalement l'écriture qui va le faire connaître. Nouvelles, romans, essais, il publie depuis 1969 jusqu'à quatre ouvrages par an.

Chez les plus grands éditeurs français et dans les revues comme Charlie Hebdo ou L'Ecran fantastique.

JPA a reçu le le Prix de la SF pour la jeunesse en 1982 et la Grand-Prix de la SF française en 1990.