Ce samedi la manifestation contre l'instauration de nouvelles mesures sanitaires battait son plein et beaucoup de manifestants scandaient les propos du Président de la République. Il est vrai que la violence et l'injure qui ressortaient de l'interview présidentielle ne pouvaient que concentrer toute l'attention, mais il ne faudrait cependant pas négliger la teneur du débat parlementaire ayant eu lieu quelques jours auparavant. Nous vous proposons de revenir, à froid et avant l'examen du projet de loi par le Sénat, sur les interventions les plus cruelles.

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Pour cela nous pouvons faire confiance à Olivier Véran pour ouvrir le bal : « Aucun projet de loi ne fera entendre raison à celles et ceux pour qui le combat antivaccinal est devenu l'occasion d'acquérir consistance et reconnaissance, de se dire héroïque ou résistant à peu de frais. »

Les non-vaccinés sont responsables de la mise en danger de la santé des vaccinés

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Alors que les soignants de toute la France vont entamer un mouvement de grève ce lundi 11 janvier, certains députés et le ministre de la Santé - en plus du Président de la République - ont une réponse toute trouvée à tous leurs maux. La faute aux non-vaccinés. Pourtant les revendications avancées ne font aucunement part de la vaccination : augmentation du budget consacré à l'hôpital, revalorisation des carrières, recrutement du personnel supplémentaire, arrêt des fermetures de services, réouverture de lits, gouvernance des hôpitaux plus ouverte, égalité d'accès, d'accueil et de prise en charge de qualité pour la population sur tout le territoire.

Lors de la séance de Questions au gouvernement du 4 janvier, le Ministre de la santé est interrogé sur l'état des lieux des hôpitaux et la question des déprogrammations. Voici sa réponse : « À chaque fois qu'un Français voit ses soins déprogrammés, c'est pour permettre l'hospitalisation en urgence d'un patient non vacciné. »

L'accusation est implacable, d'une extrême violence. Les non-vaccinés sont responsables de la mise en danger de la santé des vaccinés, c'est le Ministre des solidarités de la Santé qui le dit publiquement. Ses propos seront complétés par ceux de plusieurs autres députés en séance.

Le député de l'Eure-et-Loir M. Philippe Vigier (Modem) reprend à son compte la tribune du professeur Grimaldi « celles et ceux qui font le choix de ne pas être vaccinés, s'ils doivent être respectés, doivent au moins respecter les autres, et que leur sort ne doit pas hypothéquer celui des autres ».

Le député du Haut-Rhin Olivier Becht (Agir Ensemble) s'inquiète quant à lui du message envoyé « aux 50 millions de Français qui ont fait le geste de la vaccination et sont aujourd'hui victimes de déprogrammations à l'hôpital [...] parce que 5 millions de personnes ont fait le choix de la non-vaccination et devront, malheureusement, être admises à l'hôpital ou en réanimation ? ».
  1. Patrick Mignola, député Modem de Haute-Savoie, accuse « ce sont bien les personnes non vaccinées qui garnissent les services de réanimation, et qui conduisent à la déprogrammation d'autres interventions médicales. Ne divisons pas encore davantage la société. Qu'en sera-t-il si, demain, des personnes qui en auront besoin ne peuvent pas être admises à l'hôpital, parce que des non-vaccinés occupent des lits - alors que l'hospitalisation de ceux-ci aurait pu être évitée ? ».
Le député du Nord LR Sébastien Huyghe semble lui aussi avoir une solution toute trouvée et récidive sa proposition de franchise de soins à faire payer aux non-injectés, mais pas sûr qu'avec cette mesure les demandes des futures soignants grévistes soient satisfaites.

La non-vaccination : entre infantilisation et deshumanisation

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D'après le député Philippe Chalumeau (LREM), les non-vaccinés « constituent de fait un important réservoir de diffusion du virus » - terme normalement plus approprié en épidémiologie animale - qu'il faudrait ramener à la raison.

Pour Olivier Becht, cela doit se faire par le biais de la loi qui, soit protège, soit punie (un des premiers cours que l'on reçoit à la faculté de droit explique pourtant que la loi a seulement vocation à punir ou à autoriser ...) et se positionne en grand protecteur des déraisonnables « une nation comme dans une famille, il faut parfois protéger les gens alors même qu'ils ne le souhaitent pas ».

Autre acte de mansuétude, de la part cette fois du député Patrick Mignola, qui a la grandeur d'âme de faire la différence « entre les antivax - qui peuvent se montrer violents ou menaçants, et mettre en cause les fondements communs de notre société -, et ceux qui hésitent encore à se faire vacciner »qu'il veut « convaincre de franchir le pas et de participer à une protection collective ».

Toutes ces déclarations dignes de sermon de curée du dimanche seraient promptes à faire sourire si elles ne posaient pas les fondations d'une situation qui pourrait dégénérer, qu'encore une fois Olivier Veran ne se prive pas d'illustrer.

Lorsque Madame la député Valérie Six (UDI) s'inquiète des contours flous de la vaccination pour les enfants et adolescents, il s'empresse de lui répondre « Il reste encore des adolescents qui ne sont pas vaccinés. Il s'agit pour l'essentiel - ou en tout cas pour une partie non négligeable d'entre eux - d'enfants d'adultes non vaccinés [...] Les adolescents qui pourraient demain se retrouver privés de restaurant ou de cinéma parce qu'ils ne sont pas vaccinés ont en général des parents qui eux-mêmes, ne vont pas au restaurant ou au cinéma parce qu'ils ne sont pas vaccinés. Par conséquent, la question ne se pose pas - ou vraiment à la marge. »

Vous serez ravis d'apprendre bonnes gens que les libertés de vos enfants sont « à la marge ». On se serait bien contenter de cette seule remarque mais Éric Woerth renchérit plus tard dans les débats en expliquant qu'un passe vaccinal aussi complet que possible était nécessaire pour tous « lequel permettra d'ailleurs à tous les jeunes de pratiquer leurs activités sportives [...] Il permettra aux moins de 16 ans - même si nous aurions préféré fixer le seuil à 18 ans - de pratiquer une activité sportive sans en disposer. Passé cet âge, ils devront en assumer les conséquences ».

Il est intéressant de voir le Ministre du budget puis du travail des deux premiers gouvernements François Fillon, maintenant député de l'Oise et Président de la Commission des Finances de l'Assemblée Nationale, aussi à l'aise sur la question de la responsabilité pour l'exiger aux plus jeunes d'entre nous ...

A toutes les questions remettant en cause l'efficacité du vaccin, son stade expérimental, l'immunité collective par la vaccination, le nombre de doses nécessaires restantes, le Ministre ne répondra jamais sur le fond, méprisera toujours, et surjouera l'émotion, se disant « sans voix » et choquer que l'on puisse remettre en cause l'efficacité d'un vaccin déjà inoculé à des « milliards d'humains », brandissant des statistiques et des chiffres que l'avenir démontrera : « dans les services de réanimation, pour un malade vacciné ayant effectué son rappel, il y a vingt malades non vaccinés. » ; « si nous poursuivions ainsi [le rythme de vaccination] pendant 70 ou 75 jours, nous parviendrions à protéger toute la population française contre les formes graves » ; « les personnes non vaccinées représentent moins de 10 % de la population ; pourtant, elles cumulent plus de 40 % des décès, plus de 45 % des hospitalisations et plus de 50 % des réanimations ».

Toutes ces attaques et cette langue de bois caractérisée était largement prévisible, c'est pourquoi la stratégie de l'opposition restera la plus grande interrogation au sortir du vote de ce projet de loi.

Mais que fait la police ?

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Bien sûr, le débat parlementaire ne s'est pas fait qu'à charge et certains groupes d'opposition et députés non-inscrits se sont ardemment battus jusqu'au bout pour éviter la catastrophe. Seulement pour bon nombre d'entre eux ils n'étaient pas présents lors du péché originel du premier vote sur l'instauration du passe sanitaire. Le premier Ministre ne cache pas la véritable stratégie et l'a rappelé en séance le 4 janvier, le passe vaccinal n'est qu'une suite logique. Les actes sont plus importants que les mots et cette vérité est encore plus vraie dans l'hémicycle.

Pour rappel, même si nous sommes dans un régime hyperprésidentiel, le parlement n'est pas dénué de pouvoirs. On entend souvent planer la menace « d'un 49-3 », mais L'article 49 de notre Constitutionn'a pas qu'un seul alinéa. Sur la gravité de la mise en application de cette loi et connaissant la composition de l'Assemblée (268 députés LREM sur 577), il aurait permis de mettre en cause la responsabilité du gouvernement par la voie d'une motion de censure. Encore aurait-il fallu réunir le courage d'au moins un dixième des membres de l'Assemblée Nationale, et quand on voit que certains députés, bien qu'ayant débattu contre le texte, se sont abstenus lors du vote final ...

Nous vous invitons à rejoindre notre campagne de shaming pour faire savoir à vos députés que leur comportement à l'occasion de ce vote se sanctionnera dans les urnes.