séisme graphique
© Photo d'illustration - (Photo: FREDERICK FLORIN/AFP via Getty Images)
Il y a une vingtaine d'années, les scientifiques découvraient un nouveau type d'événement sismique, dont le fonctionnement est encore mal compris. Il s'agit des séismes lents. Contrairement aux séismes classiques qui ne durent que quelques secondes, les séismes lents s'étalent sur plusieurs semaines, voire des mois.

Généralement, quand on entend le mot « séisme » on pense immédiatement à un tremblement de terre, à des secousses ébranlant le sol et causant des dégâts, plus ou moins importants. Les séismes sont en effet le résultat d'une libération brutale d'énergie associée à un mouvement brusque le long d'un plan de faille. Ils sont intimement liés à la tectonique de plaques et à l'accumulation de contraintes que subissent les roches de la croûte terrestre.

Des séismes classiques caractérisés par une rupture brève et violente

Ces séismes, que l'on va ici dire « classiques », se produisent alors de manière récurrente, plus ou moins régulière. Cette récurrence s'illustre par le cycle sismique, qui comporte une période de chargement (accumulation) de contraintes. Durant cette période dite intersismique, la faille est bloquée et les roches vont se déformer en réponse à la charge tectonique. Au-delà d'un certain seuil, les roches ne peuvent cependant plus endurer de déformation élastique supplémentaire : c'est la rupture. Les blocs glissent brusquement le long de la faille. Il s'agit de la période cosismique. La quantité d'énergie libérée lors de ce mouvement va définir la magnitude du séisme.
cycle sismique
© R. LACASSIN, WIKIMEDIA COMMONS, CC BY-SA 4.0DÉTAIL DU CYCLE SISMIQUE : CHARGEMENT DES CONTRAINTES TECTONIQUE AVEC DÉFORMATION PLASTIQUE DES ROCHES TANDIS QUE LA FAILLE EST BLOQUÉE, PUIS RUPTURE BRUTALE DU PLAN DE FAILLE (SÉISME) ET RÉ-ÉQUILIBRATION DES CONTRAINTES.
Si le cycle sismique d'une faille peut aller de 10 à 1 000 ans environ, la durée d'un séisme n'est, elle, que de quelques secondes, généralement moins d'une minute. Les séismes sont donc des événements extrêmement brefs, qui peuvent s'avérer très violents.

Une redéfinition des séismes

Pourtant, depuis une vingtaine d'années, on entend de plus en plus parler de séismes lents. Leur découverte a d'ailleurs remis en question la vision très figée du cycle sismique décrit ci-dessous, et questionné l'idée qu'il ne se passait rien, par définition, pendant la période de chargement des contraintes.

Les séismes lents ont été identifiés pour la première fois en 2001 au niveau de la zone de subduction des Cascades, au large du Canada. Rapidement, d'autres ont été détectés au Japon, en Nouvelle-Zélande, au Mexique... Toujours, donc, sur des zones de subduction, qui sont caractérisées par l'enfoncement d'une plaque océanique sous une plaque continentale.

Les zones de subduction sont bien connues pour leur potentiel sismogène. Environ 80 % des séismes les plus puissants du globe se produisent en effet sur les différentes zones de subduction qui parcourent la planète.
subduction plaque tectonique
© CHRISTOPH BURGSTEDT, ADOBE STOCKSCHÉMA ILLUSTRANT UNE ZONE DE SUBDUCTION.
L'apport des GPS pour comprendre les séismes lents

Mais grâce aux progrès dans la précision des mesures GPS et au développement des réseaux d'instruments qui permettent un monitoring en continu sur de vastes régions, les scientifiques ont pu observer la survenue d'autres types d'événements, qui étaient passés inaperçus jusque-là.

En pratique, les mesures GPS servent à quantifier la déformation du sol. Dans le cas d'une zone de subduction, si les stations GPS situées sur la plaque continentale se déplacent toutes à la même vitesse et dans le même sens que la plaque océanique plongeante, cela signifie qu'il n'y a pas de déformation et que les deux plaques glissent tranquillement l'une sur l'autre de manière régulière. Mais lorsqu'on enregistre un contraste de vitesse entre certaines stations, cela signifie que la plaque continentale se déforme, en réponse à un blocage de la faille en profondeur. On sait alors que les contraintes tectoniques s'accumulent. Au moment de la rupture, les stations GPS enregistrent alors, durant quelques secondes seulement, un mouvement inverse, qui correspond au relâchement de la tension accumulée dans la plaque continentale. Cet épisode très bref correspond au séisme.

Des séismes qui passent inaperçus

Mais à partir de 2001, les scientifiques ont commencé à observer ce comportement sur des périodes beaucoup plus longues : les stations enregistraient ainsi un changement de direction non pas sur quelques secondes, mais sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois ! De là est née la définition des séismes lents.

En fonction de la quantité de mouvement enregistrée par les GPS, il est donc possible d'établir une magnitude pour ce nouveau type de séisme. Ainsi, il est apparu que certains sont de magnitude supérieure à 7. Or, du fait que la libération d'énergie s'étale sur plusieurs semaines ou mois, ces événements passent totalement inaperçus. Un séisme lent de magnitude 7,5 a ainsi été enregistré au Mexique, sans être ressenti par la population, alors que le séisme « classique » de Haïti en 2010, de magnitude 7,3 a causé des dégâts considérables et la mort de 200 000 personnes.

QU'EST-CE QU'UN GLISSEMENT LENT ? © GNS SCIENCE, YOUTUBE
Si les données commencent à s'accumuler sur les séismes lents, elles sont encore trop peu nombreuses pour permettre de bien comprendre ce phénomène. Le lien avec les séismes classiques reste en effet à clarifier. Les séismes lents agissent-ils comme une soupape de sécurité, relâchant la pression accumulée et évitant ainsi la survenue de séismes plus destructeurs ? Ou bien ont-ils au contraire la capacité à déstabiliser une zone bloquée à proximité, déclenchant ainsi un séisme classique plus tôt que prévu ?

L'installation de nouveaux équipements GPS et le suivi en continu des régions les plus sismogènes devraient permettre de répondre à cette question dans les années à venir.