Image
© InconnuMargaret Chang, directrice générale de l'OMS
Pour la première fois, la directrice de l'OMS Margaret Chan a accepté de rencontrer l'ONG « Pour l'indépendance de l'OMS » qui manifeste depuis 2007 devant le siège de l'organisation.

C'était la seconde rencontre en quatre ans, la première au plus haut niveau. Hier la directrice générale de l'Organisation mondiale pour la santé (OMS), Margaret Chan, recevait six représentants des quelque trois cents militants qui se relaient chaque jour à Genève depuis le 26 avril 2007 pour que l'OMS rompe son silence sur les dangers du nucléaire.

L'ONG Pour l'indépendance de l'OMS demande que l'organisation internationale s'émancipe du pacte qui la lie à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et du droit de veto qu'exerce celle-ci depuis 1959 sur tout ce qu'elle voudrait entreprendre dans le domaine de la santé publique et de la radiation ionisante.

Pas de conflit d'intérêts

A la différence de la dernière réunion, en 2009, entre les activistes et l'OMS, où celle-ci a été représentée par des fonctionnaires de niveau moyen, cette fois sa délégation a été menée par la directrice générale, la doctoresse Margaret Chan, accompagnée de quatre chefs du sommet de la hiérarchie.

La directrice générale a profité de l'occasion pour assurer que l'accord de collaboration avec l'AIEA ne nuisait nullement à l'indépendance de l'OMS. Il n'est donc aucunement question de réviser cet accord. Mais «le dialogue va se poursuivre dans le cadre du mandat de l'OMS», précise dans un communiqué cette dernière.

Seule concession aux critiques: l'OMS annonce l'ouverture d'une enquête sur la non-parution des actes de la conférence de Kiev en 2001 sur les conséquences sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl.

Mais, surtout, selon l'activiste Alison Katz, qui a assisté à la rencontre, l'OMS a pour la première fois admis qu'il n'existe aucun seuil en dessous duquel une radiation ionisante serait sûre.

Sur la plupart des questions techniques, la doctoresse se serait toutefois réfugiée derrière son manque de formation dans le domaine. Malgré cela, aucun spécialiste ne figurait au sein de la délégation, observent les militants.

Sur la situation à Fukushima, la doctoresse a confirmé le refus de l'OMS de divulguer les informations en provenance des stations de surveillance de radiation mises sur pied par le traité de non-prolifération nucléaire pour détecter une quelconque radiation issue d'un essai nucléaire. Selon l'ONG, la directrice a justifié ce silence en affirmant que la radiation mesurée ne pouvait pas nuire à la santé.

Fukushima, une affaire locale

Reconnaissant le besoin d'entreprendre des études épidémiologiques sur les effets de Fukushima, la doctoresse Chan est toutefois passée comme chat sur braise sur le fait que ces études auraient dû être entreprises dès la première heure, afin que les données de base sur les doses auxquelles les victimes ont été exposées soient établies. Interpellée sur le manque de personnel qualifié pour mener de telles études, elle a déclaré que, avec un déficit de 320 millions de dollars, l'OMS a dû licencier quelque trois cents employés. Pour un éventuel appui au Japon, elle a renvoyé aux experts de... l'AIEA!

De toute manière, selon elle, Fukushima ne constituerait aucunement un danger pour la santé au-delà de la zone d'interdiction de 30 kilomètres, s'agissant d'une affaire strictement limitée à une petite partie du territoire nippon et sans répercussions pour le reste de la planète.

Rémy Pagani, mandaté par le Conseil administratif de la Ville de Genève, a assisté à la réunion. Selon Pour l'indépendance de l'OMS, avant de partir, sa véhémence n'a pas manqué d'impressionner la directrice générale. Le magistrat aurait notamment prédit que, si l'OMS continuait dans la même voie, elle risquait de se décrédibiliser face au monde entier.

En conclusion, Alison Katz a résumé la rencontre ainsi: «On est partis avec la même impression de vide, d'impuissance, d'incompétence.» L'ONG, qui maintiendra sa vigie, ne perd pas espoir d'inscrire la question nucléaire à l'ordre du jour de la prochaine assemblée de l'OMS, notamment sous la pression des Verts allemands.

Affaire à suivre.