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© PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSEDes centaines de camions paralysaient alors le centre-ville d’Ottawa depuis plusieurs semaines.
Le recours historique à la Loi sur les mesures d'urgence par le gouvernement Trudeau pour mettre fin au « convoi de la liberté » en 2022 n'était pas justifié, selon un jugement rendu par la Cour fédérale mardi. Le gouvernement fera appel.

Le juge Richard Mosley estime que le recours à cette législation d'exception « ne portait pas les caractéristiques du caractère raisonnable - justification, transparence et intelligibilité - et n'était pas justifié ». Le convoi de la liberté ne constituait pas une menace à la sécurité nationale.

« On était convaincu que c'était la bonne décision », a réagi la vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland, rapidement après que le jugement eut été rendu public. « Et aujourd'hui, je continue d'être convaincue qu'on a fait la bonne chose. »

La vice-première ministre, Chrystia Freeland
© PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNELa vice-première ministre, Chrystia Freeland
L'Association canadienne des libertés civiles et plusieurs groupes opposés aux mesures sanitaires avaient contesté le recours à la Loi sur les mesures d'urgence en février 2022. Le centre-ville d'Ottawa, près du parlement, était alors paralysé par des centaines et parfois des milliers de camions depuis trois semaines sans que la police municipale n'intervienne.

D'autres camions bloquaient également le pont Ambassador à Windsor et des postes frontaliers ailleurs au pays dont celui de Coutts, en Alberta.

« On se rappelle de nos discussions avec l'administration américaine quant à la sécurité nationale et économique qui était menacée », a évoqué le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, lors d'une mêlée de presse en marge de la retraite du Conseil des ministres.

« Et moi je me rappelle très bien quand les services de renseignement et de police nous ont informés qu'à Coutts en Alberta, ils avaient découvert deux bombes artisanales, 36 000 munitions et en même temps, ils ont déposé des accusations aussi sérieuses que complot pour meurtre », a-t-il ajouté.

Or, le juge Mosley écrit que le potentiel qu'un acte de violence grave soit commis n'était pas suffisant pour recourir à cette législation. Il note qu'il « n'y avait aucune preuve d'une "cellule endurcie" similaire ailleurs au pays, seulement des spéculations, et que la situation à Coutts avait été résolue sans violence ».

Les manifestants avaient commencé à quitter les lieux après la découverte d'une cache d'armes par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) la veille du décret pour recourir à la loi.

Le premier ministre Justin Trudeau a affirmé à l'époque avoir l'obligation d'utiliser cette « mesure exceptionnelle » pour la première fois depuis son adoption, en 1988, pour rétablir l'ordre, préserver la confiance des Canadiens envers leurs institutions et protéger la réputation du Canada auprès de ses alliés comme étant un pays où la primauté du droit est respectée.

Elle avait mené à la suspension de certaines libertés civiles en interdisant les rassemblements publics au centre-ville de la capitale fédérale, en interdisant les blocages. Elle donnait également des pouvoirs supplémentaires aux corps policiers comme celui d'exiger la coopération d'entreprises de remorquage pour enlever les camions. Les comptes de participants au convoi de la liberté avaient également été gelés par leurs institutions bancaires.

C'était la première fois depuis son adoption en 1988 qu'un gouvernement invoquait la Loi sur les mesures d'urgence. Celle-ci a remplacé la controversée Loi sur les mesures de guerre qui avait été utilisée par le premier ministre Pierre Elliott Trudeau lors de la crise d'Octobre.

La décision du juge Mosley tranche avec celle rendue par la Commission sur l'état d'urgence qui avait donné raison au gouvernement Trudeau. Le juge Paul Rouleau avait alors dit en arriver à cette conclusion « à contrecœur » dans son volumineux rapport.