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© Agricultural Research ServiceParthenium histerophorus
« L'invasion du parthenium : nouveau problème environnemental pour le Népal », s'inquiète un chercheur lors de la Conférence sur la Biodiversité et le Changement climatique dans l'Himalaya, réunie mi-décembre 2010. (1) Il y a de quoi se faire du souci. Le Parthenium Hysterophorus, une plante toxique originaire des tropiques américains, dévore les terrains vagues, les bords de routes, l'abord des rivières, préférant plutôt les surfaces laissées à l'abandon. C'est une espèce invasive qui colonise rapidement tout espace, aux dépends d'une végétation utile installée depuis longtemps.

En peu de temps, elle peut réduire un pâturage à presque rien, privant les troupeaux de nourriture. Elle menace les récoltes, pour là encore, pratiquement les éliminer si on la laisse faire.

Chez l'homme, son pollen est à l'origine de troubles respiratoires, allergies, sinusites, asthme, de maladies de la peau, et d'affections oculaires. Chez les animaux, elle réduit la production de lait et leur fait perdre du poids.

Heureusement, mis à part quelques chèvres, les troupeaux ne la consomment généralement pas. Et pour donner la mesure du dynamisme de l'espèce, chaque graine arrive à maturité en 4 à 6 semaines, et peut produire entre 10.000 et 25.000 nouvelles graines.

Sans doute venue d'Inde, elle débarque au Népal dans les années 50. Elle s'y développe rapidement dans les années 90. Elle y reproduit ses habitudes de colonisation, bords de route, prairies et jachères, ou terrains vagues dans villes principales, Kathmandu, Hetaunda, Narayangargh, ou Butwal.

Petit problème, le parthenium n'a pas vraiment d'ennemis naturels. C'est sans doute pour cette raison que les Autorités du Népal ont mis un certain temps à répondre à la question « Comment s'en débarrasser ? ». La réponse arrive d'Inde en 2009.

Le Zygogramma Bycolorata, un scarabée mexicain est utilisé comme agent biologique pour limiter l'invasion d'une espèce bien implantée dans le Sud de l'Asie, Inde, Bengladesh, Bhutan, Sri Lanka, ou Pakistan .(1) A Islamabad, la capitale, elle squatte les terrains vagues, mettant en péril la production de plantes médicinales, précieuses aux populations.(3) Dans ces no- man's land urbains, le parthenium s'accommode fort bien de la présence d'autres espèces invasives. La plante a le sens de l'adaptation.

Pulvérisation et délation.

En Australie, les Autorités ont répondu plus fermement à la question « Comment s'en débarrasser ? ». S'il n'est pas conseillé d'arracher les plants isolés à la main, il est recommandé d'agir efficacement, en multipliant les traitements, chimique, biologique, mécanique.

Sans oublier les herbicides, sauf contexte fragile. Dans le Queensland, où le parthenium s'est établi depuis longtemps, il est décrété « Espèce Parasite, Catégorie 2 ». Surveillé de près dans tout le pays, il obtient le rang de « Mauvaise herbe de signification nationale. » L'Australie redoute l'essaimage, question d'échelle territoriale.

Repéré en 1955 pour la première fois, le parthenium teste le Queensland, avant de descendre dans le New South Wales, en 1982.Et quand, vingt ans après son apparition sur le continent, on découvre une colonie de parthenium dans le Northern Territory, courant sur quelques kilomètres d'une bordure d'autoroute, la réponse est immédiate. Pulvérisation au sol, pulvérisation aérienne, et extraction à la main. Ce qui n'empêchera pas de voir réapparaître l'espèce invasive, de manière ponctuelle, dans certaines zones du Northern Territory.

L'Etat du South Australia, à priori épargné, est placé sous haute surveillance par les Autorités sanitaires. En Australie, où l'on craint que son contact avec les troupeaux affecte la qualité de la viande bovine, tout est bon pour combattre le parthenium. Y compris la délation : « Si vous croyez avoir vu cette plante, contactez immédiatement la direction de la gestion des mauvaises herbes. ».

Massaï Mara

Le voyage se prolonge en Afrique orientale, Tanzanie, Ethiopie, Ouganda, où le parthenium est tracé, échantillonné, prêt à être ciblé. La plante y présente des densités assez inquiétantes. L'Ethiopie bénéficie déjà de l'aide du Zygogramma Bycolorata, et du Listronotus Sitosipennis, un charançon nuisible au Parthenium Hysterophorus, deux agents biologiques en provenance d'Afrique du Sud.(5).

La tension monte d'un cran au Kenya, où l'espèce se développe dans de nombreuses parties du territoire, menaçant la superficie des pâturages, les récoltes de sorgho, et l'équilibre des parcs naturels.

Quand on la soupçonne de vouloir s'installer dans la Réserve Nationale du Maasaï Mara, regardée comme l'un des plus beaux spectacles terrestres, très cotée au catalogue de la biodiversité et sur le marché du safari, l'alerte est donnée. Pas question de perturber ce vaste paysage de savanes, espace de migrations pour les gnous, les zèbres, et les gazelles, habitat des éléphants, des léopards, et des singes, espace de liberté pour les oiseaux, autruches et grues couronnées, pour les reptiles, pythons, crocodiles, et varans.

On a trouvé du parthenium dans certaines parties de la rivière Mara, et le long de quelques pistes qui sillonnent le parc. Portée par le vent, les véhicules, le mouvement des machines, ou l'eau, l'espèce pourrait s'y étendre sans retenue. Les conditions écologiques y seraient favorables. Et la perte de pâturages, broutés par les animaux, pourrait préparer le terrain. « Si rien n'est immédiatement entrepris pour nettoyer les zones infectées dans le Massaï Mara, il n'est pas irréaliste de s'attendre à une réduction de la vie sauvage à long terme, conséquence d'une expansion rapide du parthenium.», avertit Geoffrey Howard, en charge des espèces invasives pour l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature. (IUCN) (2)