Traduction : Vincent pour ReOpenNews

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Pendant ce temps, les Afghans ne trouveront pas la démocratie sous les ruines de leurs maisons.
Le président Barack Obama a annoncé mercredi soir à la Maison Blanche son projet de retirer 10.000 militaires américains d'Afghanistan avant la fin de cette année, ainsi que la totalité des 33.000 éléments des forces de renfort d'ici la fin de l'été prochain. Jusque-là, près de 70.000 soldats resteront dans ce pays ravagé par la guerre, deux fois plus que lorsqu'Obama a pris ses fonctions. En 2014, déclare-t-il, notre transition vers un rôle de soutien en Afghanistan sera total.

Cette décision intervient après un long débat au sein de l'administration sur l'ampleur et le rythme du retrait. Mais les limites du débat à Washington sont trop étroites pour inclure une solution à long-terme à l'enlisement qui dure depuis 10 ans.

La pression exercée par les deux partis politiques a également pesé de tout son poids dans la décision d'aujourd'hui. Les Républicains ont fait part de leurs préoccupations concernant l'effort de guerre actuel, alors qu'un nombre croissant de Démocrates ont fait pression sur Obama pour un retrait total des troupes. Le peuple américain est pessimiste à propos de la guerre et 73% préfèrent un retrait substantiel pour cet été.

D'autres facteurs ont causé une diminution du soutien à l'effort de guerre. L'exécution d'Oussama ben Laden le mois dernier a ôté pour de nombreuses personnes tout objectif dans cette guerre. De plus, des responsables américains se sont engagés dans des négociations avec les Talibans dans l'objectif d'un règlement politique au conflit, qui pourrait inclure un accord de partage du pouvoir avec les leaders Talibans. Cela a conduit un certain nombre de personnes à douter de la nécessité de combattre contre ceux avec qui nous coopérons également.

Tandis que ces arguties sur le rythme de retraits partiels font les gros titres, les préoccupations sur une présence militaire permanente en Afghanistan sont croissantes. Le président afghan Hamid Karzaï a déclaré publiquement que ses entretiens avec les responsables américains incluaient la possibilité du maintient des troupes au-delà de 2014, année qui fixait officiellement le retrait total de toutes les forces étrangères. Des délibérations secrètes ont inclus apparemment un accord sécuritaire à long terme par lequel les militaires américains resteraient pour les décennies à venir.

Mais les coûts humains et économiques sont bien trop importants pour justifier un autre satellite militaire pour l'empire états-unien. La guerre en Afghanistan coûte au contribuable américain plus de deux milliards de dollars par semaine, ce qui est effrayant pour un électorat en proie à une récession économique grave. Le mécontentement croissant au sujet de la dette et du déficit renvoie à une responsabilité politique pour de telles dépenses.

La violence dans ce pays ravagé n'a cessé d'augmenter, le mois dernier étant le plus meurtrier pour les civils depuis 2007 et d'autres records de la sorte sont battus en permanence. Les relations du gouvernement américain avec le président Karzaï ont été tendues alors qu'il a émis les "derniers avertissements" envers l'OTAN pour qu'il arrête ses bombardements irresponsables qui tuent souvent de nombreux innocents.

Une enquête du Congrès américain, récemment publiée, a conclu que les efforts de construction de la nation en Afghanistan génèrent de la corruption et altèrent l'économie locale, ébranlant de la sorte les intentions américaines de stabiliser le pays. Les milices afghanes financées et entraînées par les Américains ont apparemment terrorisé les populations civiles locales, dans certains cas "battant, volant et même tuant en toute impunité."

En plus des conséquences gênantes de la politique menée par les Américains en Afghanistan, des problèmes émanent également de la stratégie globale.

L'administration Obama a rendu incertain le véritable objectif de la mission militaire en Afghanistan. Si le but est de démanteler et d'éradiquer la menace d'Al-Qaïda, la mission est accomplie de longue date. En 2009, on estimait les forces d'Al-Qaïda dans le pays à 100 unités et leur présence est maintenant trop limitée pour justifier les dizaines de milliers de soldats ou plus.

Les craintes, que le reste de la présence talibane menace l'Amérique ou pourrait abriter Al-Qaïda après un retrait, ne sont pas étayées par les faits. Les relations entre les deux groupes se sont détériorées, rendant la collusion improbable, et les Talibans n'ont pas d'objectif majeurs de politique étrangère en dehors de l'éviction des occupants étrangers. Ceci élimine de fait une menace directe pour la sécurité nationale des Etats-Unis et dès lors rend la poursuite de la guerre indéfendable.

Si la mission est plutôt de créer un gouvernement centralisé stable en Afghanistan, cela est de la même façon non viable. Il pourrait être efficace en étendant la présence militaire américaine à travers le monde - une fin en soi pour les planificateurs de la sécurité nationale - mais il demeure inefficace dans la lutte contre le terrorisme et pourrait en effet devenir un objectif primordial d'Al-Qaïda, élargissant leur circonscription par une présence militaire permanente dans le monde musulman.

La guerre en Afghanistan contribue également à une situation de plus en plus instable au Pakistan. Le président pakistanais Asif Ali Zardari a déclaré au Guardian que la guerre est en train de "déstabiliser le Pakistan et de sérieusement compromettre les efforts pour restaurer ses institutions démocratiques et sa prospérité économique après une décennie de dictature militaire."

L'annonce du retrait des troupes ce mercredi était peut-être plus drastique que certains l'auraient espéré à Washington, mais cela laisse l'empreinte d'une guerre et d'une occupation en cours qui n'est pas seulement inutile et meurtrière, mais empêche toute fin viable de la guerre menée contre le terrorisme par les Etats-Unis.