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Traduction : SOTT

À la suite d'un carnage atroce au cours duquel Mohamed Merah (mort après un bras de fer de 32 h avec la police) aurait assassiné trois soldats français, trois écoliers juifs et un rabbin, le président Nicolas Sarkozy s'est mis à réclamer des sanctions contre les citoyens qui consultent des sites web promouvant le terrorisme ou les discours haineux. « Toute personne qui consultera de manière habituelle des sites internet qui font l'apologie du terrorisme ou qui appellent à la haine et à la violence sera punie pénalement. », a-t-il déclaré.

Hormis les failles manifestes inhérentes à un tel projet - les internautes peuvent facilement utiliser des outils pour surfer anonymement sur le Web ou simplement accéder à ces sites depuis des lieux multiples pour éviter d'apparaître comme des visiteurs « réguliers » de ces sites - la pénalisation de l'accès à l'information offre bien d'autres raisons de s'inquiéter.

D'abord, il n'y a aucune garantie que pénaliser l'accès aux sites promouvant des discours de haine ou faisant l'apologie du terrorisme mettra fin aux problèmes bien réels que constituent les crimes haineux et le terrorisme. La violence extrémiste n'a pas attendu Internet pour exister, et ne prendra pas non plus fin avec Internet.

Ensuite, qui définit les « discours de haine » ? En France, cette définition inclut la négation de l'Holocauste, ce qui dans le passé entraîna le bannissement par Yahoo! de la vente aux enchères d'objets nazis (dont les collectionneurs ne sont pas tous, loin s'en faut, des sympathisants). Et les remarques négatives sur la communauté musulmane française donnèrent également lieu à des décisions de justice, en particulier dans le cas de l'actrice Brigitte Bardot, condamnée cinq fois pour « incitation à la haine raciale ». La négation de l'Holocauste et les remarques sur les musulmans sont peut-être déplorables, mais elles ne devraient pas être considérées comme des délits.

Enfin, si Sarkozy n'appelle pas - pour l'instant - au filtrage des sites, il n'y a qu'un pas ; après tout, la France dispose déjà de moyens pour filtrer les sites de pédopornographie et « d'incitation au terrorisme et à la haine raciale ». Si Sarkozy devait décider que la censure est la réponse à ces problèmes, un risque majeur serait l'excès de filtrage : aucun pays au monde ne censure Internet sans dommages collatéraux (en Australie, par exemple, un essai de filtrage du Web a entraîné le blocage de sites non concernés, par exemple le site d'un dentiste s'est retrouvé bloqué, parmi d'autres).

EFF nourrit de sérieuses inquiétudes sur les implications de la déclaration de Sarkozy. Lorsqu'un pays démocratique comme la France décide de censurer ou de criminaliser la parole, ce ne sont pas que les Français qui trinquent, mais le monde entier, car les régimes autoritaires peuvent alors facilement justifier leur propre censure. Nous enjoignons les autorités françaises à pénaliser les actes, et non les paroles.