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A propos de Mohamed Merah, nous pouvons être sûrs qu'il est l'auteur des crimes de Toulouse et de Montauban. Du moins, aussi sûrs que nous avons la certitude que le corps de Ben Laden gît au fond des mers.

Comment ne pas ressentir un malaise devant la version officielle des faits, en cette période électorale ? Comment ne pas faire la comparaison avec le 11 septembre ?

Il y a d'abord toute une série de points qui se sont accumulés pour engendrer le doute. Tout comme on s'est arrangé pour faire disparaître le corps de Ben Laden, les faits montrent que Mohamed Merah, qui aurait pu être incarcéré et jugé, a été supprimé sans qu'on lui laissât le temps de s'exprimer. Tout ce qu'il a pu dire aux hommes du RAID nous a été transmis sur le mode du style indirect.

De plus, Merah avait lui-même donné des informations et des photos de ses voyages à la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur). Ce qui a fait dire à Yves Bonnet, ex-patron des services secrets : « S'il donne des photos, c'est qu'il donne des informations, les services de renseignements ne s'intéressent pas aux images touristiques ! »

En outre, il est question d'un double enregistrement où Merah affirmait, avant d'avoir été abattu : « Pourquoi vous me tuez ? Je suis innocent. » Remarquez encore que deux jours après la mort du jeune homme, certains journalistes, prudents, parlaient du « présumé meurtrier».

Il y a ensuite cette extraordinaire similitude entre la situation du président Sarkozy il y a deux mois et du président Bush avant le 11 septembre : tous deux, au plus bas des sondages ou en perte de popularité, étaient déclarés battus et condamnés à abandonner le pouvoir. Que se passa-t-il pour Bush? La menace du terrorisme produisit un effet remarquable qui permit de reconstituer un sentiment d'unité nationale, et il devint le garant de cette lutte aux yeux de la majorité de l'électorat américain, obnubilée par la peur et le désir de vengeance contre l'obscur ennemi. Sarkozy a retenu la leçon, puisqu'il se livre, dans de moindres proportions il est vrai, à une lutte hautement médiatisée contre les milieux dits islamistes. Le peuple, conduit par ses émotions plutôt que par une saine réflexion, apprécie ces opérations punitives. La cible idéale ? Un mélange d'islamistes délinquants plus ou moins immigrés...De quoi récupérer quelques voix favorables au Front national. Observez par ailleurs à quel point le discours de Sarkozy, sitôt la mort de Merah annoncée, prenait une tournure étasunienne. A l'américaine en effet, le président des Français appela l'ensemble de la nation à se lier contre la barbarie, puis il se retira en grande pompe, tournant le dos aux caméras, et s'éloignant solennellement.

Il y a enfin les conséquences prévisibles du crime comme de l'attentat : une montée en puissance de l'islamophobie, la possibilité de soupçonner tout musulman d'être un terroriste potentiel. Du jeune délinquant des banlieues au « salafiste », le symbole Merah permet désormais de couvrir un large éventail. Toute la presse et les médias ont abondé en ce sens, Merah étant devenu « le fou d'Allah », mais aussi, le désœuvré des cités.

Entendons-nous bien : les crimes perpétrés contre les victimes de Toulouse et Montauban doivent être condamnés de la façon la plus vive. Pour autant, dans un pays de droit, et qui plus est dans une authentique république, les faits doivent être analysés avec objectivité. La raison devrait passer avant l'émotion. Et il est inadmissible de faire d'un crime un argument électoral. C'est pourtant ainsi que s'opère, malheureusement, cette perversion de nos démocraties.

J'oubliais : l'effet du 11 septembre est dû en grande partie à la diffusion en boucle de l'effondrement des tours pour marquer les esprits devant l'horreur du « terrorisme islamiste ». Pour que le nouveau scénario connaisse le meilleur dénouement, il restera simplement à faire en sorte que l'enregistrement du meurtre des innocents ressurgisse d'une façon ou d'une autre.

Alors, devant l'horreur de ces images, il ne sera plus permis d'avoir le moindre doute.

La traque aux coupables musulmans pourra reprendre de plus belle.

Les morts n'ont qu'à se taire...

Hani ramadan est docteur en lettre. Il dirige le Centre islamique de Genève.

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