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Onze membres du Secret Service ont été suspendus pour "mauvais comportements". Ils sont accusés d'avoir fait entrer des prostituées dans leur chambre d'hôtel en marge du sommet des Amériques. | AFP/JOE RAEDLE
Le scandale qui "contrarie les plans d'Obama", qui "éclipse le sommet des Amériques", qui "entache le Secret Service"... Pour de nombreux médias américain, la mise à pied de plusieurs membres de l'agence chargée de protéger Barack Obama reste l'événement marquant du sixième sommet des Amériques, qui s'est terminé dimanche 15 avril à Carthagène en Colombie.

L'affaire a éclaté, jeudi 12 avril, après que l'une des prostituées a refusé de partir de l'hôtel. Les règles de l'établissement impliquent que toute personne conviée par un client doit laisser son identité à la réception et quitter les lieux au plus tard à 7 heures. Constatant qu'une femme ne s'était pas pliée à ces exigences, la direction de l'hôtel a envoyé quelqu'un frapper à la porte de la chambre de l'agent dont elle était l'invitée. Ce dernier aurait refusé d'ouvrir, contraignant les responsables de l'établissement à appeler la police colombienne. A son arrivée, celle-ci a été témoin d'une altercation entre l'agent et la prostituée, qui l'accusait de ne pas l'avoir payée, a détaillé sur CNN Peter King, le président du Comité de la Chambre des représentants pour la sécurité intérieure. C'est la police locale qui, en informant l'ambassade des Etats-Unis en Colombie, a contribué à rendre cette information publique.

Au total, onze agents du Secret Service ont été suspendus pour "mauvaise conduite" et rapatriés à Washington - cinq membres des forces armées, qui séjournaient dans le même établissement et soupçonnés d'être également impliqués, ont été mis aux arrêts. Une équipe a immédiatement été dépêchée de Miami pour les remplacer.

Lors d'une conférence de presse à Carthagène, le président Obama a demandé une enquête "approfondie et rigoureuse". "Evidemment, je serai en colère" si les faits sont avérés, a-t-il déclaré, tout en louant le "travail extraordinaire" du Secret Service.

UN ACTE "ISOLÉ" ?

Créé en 1865 pour lutter contre les faux-monnayeurs, une prérogative qu'il a conservée, le Secret Service a vu ses compétences s'étendre à la protection du président des Etats-Unis, en 1901, après l'assassinat de William McKinley. Ses agents protègent aussi les dignitaires étrangers en visite aux Etats-Unis.

Depuis le début de la présidence Obama en janvier 2009, cette force s'est retrouvée au centre de plusieurs incidents. Le plus notable s'était déroulé en novembre 2009 à la Maison Blanche, quand un couple avait réussi à déjouer les mesures de sécurité pour s'infiltrer dans un dîner en l'honneur du premier ministre indien Manmohan Singh et approcher M. Obama.

Le Secret Service, dont la devise est "digne de confiance", applique une politique de "tolérance zéro" face aux errements de ses troupes. Sur CBS, Ronald Kessler, ancien journaliste du Washington Post et auteur d'un ouvrage sur le Secret Service, estime qu'il s'agit "clairement du plus grand scandale" de l'histoire de cette unité et que l'incident a eu un "impact sur la sécurité du président". Dans un courriel au journal montréalais La Presse, le spécialiste explique : "Le fait que les agents aient dû être remplacés signifie que leurs remplaçants n'ont pas eu le temps de s'acclimater et de se familiariser avec le territoire." Une culture du "laxisme" et du "raccourci" qui serait en train de se propager au sein du Secret Service, déplore M. Kessler.

RISQUE DE CHANTAGE SEXUEL

Une inquiétude qui fait écho aux déclarations du républicain Darrell Issa, président de la commission sur la surveillance des services de l'administration. Dans l'émission "Face à la Nation" sur la chaîne CBS, ce dernier met en doute le caractère "isolé" de cette affaire. "Des choses pareilles n'arrivent pas qu'une seule fois. Nous devons nous demander : où sont les dispositifs pour empêcher que cela ne se reproduise ?", a-t-il déclaré, avant d'appeler le Secret Service à l'"introspection".

Pour Reuters, cet incident met en lumière "les faiblesses humaines et les conditions de travail des hommes de l'ombre". Ceux qui ne voyagent pas avec le président organisent parfois des soirées en "roue libre" une fois qu'Air Force One a décollé vers d'autres destinations. Un besoin de décompresser que ne nie pas M. King. "Ce qui est plus embêtant dans le cas présent, c'est que la fête a eu lieu avant son arrivée", souligne-t-il.

Mais sur ABC News, un vétéran des services secrets américains, "qui a servi sous quatre présidents différents", estime que cette affaire a eu "une portée démesurée". "J'ai passé six ans à la CIA après avoir quitté le Secret Service, je suis assez familier de la question du chantage sexuel. C'est effectivement une tactique qui existe, mais je ne comprends pas bien dans quelle mesure elle peut s'appliquer ici", fait valoir Dan Emmett. "Le Secret Service n'est pas un organisme de renseignement", explique-t-il, avant d'ajouter qu'aucun des hommes mis en cause dans cette affaire n'était affecté à la protection directe de Barack Obama.