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Les Ecoles de naturopathie, comme ici Euronature, sont organisées au sein d´une fédération nationale,
la Fenahman.
Ayurveda, naturopathie, thérapies énergétiques et autres méthodes de santé « non conventionnelles » sont régulièrement discréditées par l´instance chargée de la lutte contre les dérives sectaires, la Miviludes (voir notre article). Qu´en pensent les praticiens visés ?

Edité par la Miviludes (Mission interministérielle de lutte contre les sectes, rattaché auprès du premier ministre), le nouveau guide « Santé et dérives sectaires » jette une fois de plus le discrédit sur la médecine non-conventionnelle, déjà mise en mal dans les deux précédents rapports annuels 2010 et 2009. Le présent guide cite une quarantaine d'approches alternatives, susceptibles de conduire à des « dérives sectaires ».

Naturopathie, ayurvéda, gemmothérapie, décodage biologique, kinésiologie, thérapies quantiques, la liste est longue et « non exhaustive » pour la Miviludes, qui souhaite mettre en garde les patients qui s´écartent de la médecine officielle. « Les dangers de ce marché alternatif de la guérison et du bien-être » tiennent essentiellement au fait qu'elles ne sont « ni réglementées ni validées scientifiquement », écrit la mission interministérielle.

« Certaines de ces pratiques répondent aux critères de la dérive sectaire car elles sont le fait de "gourous thérapeutiques" qui exercent une véritable emprise mentale sur les malades, pour mieux les dépouiller de leurs ressources. » Sur les bienfaits potentiels de ces méthodes alternatives ? RAS.

Déception, stupéfaction, indignation du côté des thérapeutes en santé naturelle ? Pas vraiment, plutôt une forme de stoïcisme... « Que voulez-vous qu´on y fasse. Cela fait trente ans que l´on nous tape dessus sans la moindre preuve », soupire-t-on, habitué, du côté de l´organisation des naturopathes professionnels, héritiers d´Hippocrate, le père de la médecine... Et de la prévention, rappelle les naturopathes. « Aujourd´hui, il suffit qu´on recommande de manger sainement, de modifier ses habitudes de vie pour être soupçonnés de dérives sectaires... »
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Aux Etats-Unis, les médecines alternatives
sont mieux intégrées par le corps médical.
L´auteur de cet ouvrage, Brent Bauer,
est directeur du Programme de médecine
douce et alternative et médecin au
Département de médecine interne de
la clinique Mayo à Rochester (Minnesota).
La Miviludes ? Un épiphénomène

« On ne va pas polémiquer avec la Miviludes et alimenter l´agressivité par l´agressivité », oppose pacifiquement Éveline Mathelet, la présidente de Ayurveda France, association qui regroupe les professionnels de cette tradition orientale. « La Miviludes est un épiphénomène à l´échelle de notre héritage qui allie santé et philosophie depuis 5 000 ans. Il y avait des praticiens en Ayurvéda avant la Miviludes, il y en aura toujours après. »

Face aux accusations de potentielle dérives sectaires, Ayurveda France ne se sent donc pas concerné. « On n´est pas dans la révélation soudaine d´un gourou, mais dans un héritage millénaire traditionnel, d´ailleurs pleinement reconnu et encouragé par l´Organisation mondiale de la santé (OMS).

L´Ayurveda cultive l´éducation de la personne à mieux se connaître, l´autonomie et la responsabilité en matière de santé. Tout l´inverse d´une secte... Chacun pourra constater que la majorité de nos praticiens ont abandonné des carrières lucratives ou sécurisantes pour se consacrer à leur nouveau métier. Chez nous, personne ne roule sur l´or au détriment de sa clientèle. »

La majorité des thérapeutes en santé alternative vivent modestement de leur activité. Se constituer un revenu régulier prend généralement du temps à partir de l´installation. N´étant pas remboursés par la sécurité sociale, ils ne peuvent en outre afficher des tarifs trop élevés. On est loin du train de vie de certains grands pontes en médecine, dont les dépassements d´honoraires (voir l´enquête du journal Le Monde) grèvent le budget santé de malades parfois désespérés, sans autre recours « officiel » pour être soignés...

Outils d´avant-garde

« A aucun moment nos pratiques ne se substituent à la médecine conventionnelle, commente de son côté Laurent Michel, praticien en thérapie quantique, utilisant le système LIFE. Tout patient peut continuer son traitement, qu´il soit allopathique ou homéopathique. Nous visons au contraire la complémentarité et nos outils d´avant-garde n´entraînent aucun effet secondaire néfaste. Une personne qui vient me voir reste entièrement libre de prendre un second rendez-vous. L´accusation de potentielle dérive sectaire intervient sur fond de guerre entre la médecine conventionnelle et les soins alternatifs qui représentent surtout une nuisance pour le chiffre d´affaire des laboratoires, alors que les patients, eux, y trouvent un réel bénéfice ».

> Utilisées par un nombre croissant de personnes (4 Français sur 10 y ont recours), les pratiques de santé non conventionnelles sont évoquées sous l´angle exclusif de leur potentielle dangerosité par la Miviludes. S´il apparaît nécessaire de « nettoyer le fond du panier » (selon l´expression d´un praticien alternatif contacté par Ouvertures!), il est regrettable que l´utilité des thérapies alternatives ne soit pas même reconnue, notamment pour leur aspect prévention santé. Alors que l´OMS encourage le développement de plusieurs médecines alternatives en complément de la médecine officielle (naturopathie, ayurveda, ostéopathie, tuina, medecine chinoise, médecine Unani, entre autres), la Miviludes crée une confusion avec d´autres pratiques moins éprouvées ou moins anciennes (Reiki, Ennéagramme, méthode Hamer, etc), jetant de fait le soupçon sur toute la santé alternative.

L´engouement des Français pour ces pratiques, anciennes ou récentes, témoigne d´une certaine efficacité des thérapeutes alternatifs, mettant par ailleurs en relief les insuffisances de la médecine actuelle (effets secondaires des médicaments, incapacité à guérir certains maux, manque d´écoute du patient, scandales sanitaires liés à la collusion). C´est donc légitimement que les Français usent de leur liberté thérapeutique (inscrite dans la loi) pour explorer avec empirisme de nouvelles pistes, sans pour autant abdiquer leur esprit critique, se fiant surtout aux résultats.