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Erdogan rêve sans doute d'une Grande Turquie néo-ottomane, mais pour l'heure il a fait de la nation d'Ataturk une sorte de province de l'empire atlantiste dont il serait le gouverneur
Alors que se tient ce mardi à Bruxelles, à la demande de la Turquie, une réunion du conseil de l'OTAN, le gouvernement Erdogan, entretient un certain niveau de tension, accusant la DCA syrienne d'avoir pris pour cible un autre de ses appareils. Mais, le moins qu'on puisse dire, c'est que les autorités turques manquent de clarté, l'avion ayant d'abord, dans une première version, été juste « pointé » par un système de DCA - ce qu'auraient signalé des appareils de détection de l'appareil - puis, dans une dernière version, aurait carrément essuyé des tirs. La nature de ce deuxième appareil, chasseur-bombardier ou appareil de reconnaissance participant aux recherches des pilotes, a varié elle aussi au gré de communiqués ou articles de la presse turque. Quoi qu'il en soit, selon le porte-parole du gouvernement turc, l'état-major turc a aussitôt contacté les autorités syriennes et l'incident s'est clos.

Versions turques contradictoires

En revanche, le premier incident de vendredi n'est certes pas clos. Après la mise au point faite hier par le porte parole du ministère syrien des Affaires étrangères Jihad Maqdissi (voir notre article « F4 abattu ; Damas persiste et prouve », mis en ligne le 25 juin), Bulent Arinç, vice-Premier ministre turc, a qualifié lundi la destruction du chasseur-bombardier d' »acte hostile au plus haut point« , et dit que son gouvernement envisageait sérieusement de couper ses exportations d'électricité vers la Syrie.

Notons que là encore que ces trois derniers jours, les responsables turcs se sont contredits, le président Gül concédant que le F4 turc pouvait avoir survolé par mégarde le territoire syriens pendant quelques minutes, et son Premier ministre Erdogan réaffirmant avec force que l'appareil avait été abattu dans l'espace aérien international, ce qui ne « colle » pas avec la portée maximum des classiques obus de DCA ayant touché l'avion selon Damas.

On remarquera encore, pour s'en étonner et s'en féliciter, qu'un média français bien formaté comme la chaîne I-Télé a dans son édition nocturnes de lundi non seulement largement répercuté les arguments développés par Jihad Maqdissi, mais cité un expert russe selon qui le F4 turc survolait bien le territoire syrien afin de tester et découvrir le système de défense antiaérienne syrien dans la région. Igor Korotchenko, expert cité par l'agent russe RIA Novosti, reflète en effet l'avis de pas mal de ses collègues et compatriotes quand il estime que le but de la mission de vol était « de forcer les moyens de visée des batteries à se déclencher, d'activer les stations de radar, et peut-être de provoquer leur basculement en régime de combat« . L'AFP dans ses édition de ce mardi 26 juin se fait elle aussi largement l'écho de ces analyses russes.

Face aux bruits de bottes (des bottes virtuelles à notre avis) de l'OTAN, la Russie ne reste évidemment pas sans réaction : le vice-ministre des Affaires étrangères Alexandre Groutchko, en visite à Vienne lundi, a dit espérer que les représentants de l'Alliance atlantique ne prendraient aucune mesure susceptible d'aggraver la situation, à l'occasion de leur réunion de ce mardi à Bruxelles, jugeant « inquiétante » la démarche turque en la circonstance.

À ce stade, et à notre modeste niveau, nous estimons qu'à Ankara comme à Bruxelles, on gesticule et l'on gronde, guère plus fort à vrai dire que depuis des mois. Nous pensons même que le modeste canon anti-aérien syrien a donné à réfléchir à cette puissante coalition plus que jamais réduite à l'incantation et aux menaces verbales. Il est certain qu'Erdogan voudra marquer le coup pour son opinion publique, et que la Syrie peut s'attendre à des mesures de rétorsion économiques supplémentaires, qu'elles concernent l'approvisionnement en électricité ou un autre domaine.En tous cas ce que ne fera pas le gouvernement Erdogan, c'est fermer hermétiquement sa frontière, ce qui gênerait ses protégés de l'ASL !