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Collision de particules dans l'accélérateur LHC du CERN à Genève. | AFP/FABRICE COFFRINI
Cette fois, il n'y a plus de doute. Une nouvelle particule a bien été découverte au Centre européen de recherche nucléaire (CERN), près de Genève, grâce à l'accélérateur de particules LHC et ses deux principaux détecteurs, Atlas et CMS.

Le CERN et les deux porte-paroles de ces expériences ont annoncé avoir mis au jour un boson ressemblant fort au célèbre boson de Higgs. Cette particule, qu'il convient plus exactement de nommer "de Brout-Englert-Higgs" du nom de ses géniteurs théoriciens, est la pièce manquante au bel échafaudage construit par les physiciens pour décrire le monde de l'infiniment petit.

A l'issue de la présentation des résultats au CERN, l'Ecossais Peter Higgs, qui a donné son nom à ce Boson, a tenu à féliciter toutes les équipes ayant participé à la détection de cette particule. "C'est extraordinaire que cela soit arrivé de mon vivant", a-t-il déclaré. Le Belge François Englert, qui lui aussi avait été convié à la conférence du CERN, s'est associé à ces félicitations. Il a tenu à exprimer "sa tristesse que notre collaborateur et ami de toute une vie, Robert Brout, n'ait pas pu assister à cette extraordinaire présentation". Englert et Brout avaient cosigné en août 1964 un article décrivant un mécanisme donnant une masse aux particules. Peter Higgs avait décrit une particule du même type le 15 septembre 1964. La dénomination populaire du boson n'a retenu que son nom, sous l'influence de Steven Weinberg (Nobel de physique 1979) qui a contribué à vulgariser cette particule.

Elle joue un rôle majeur dans la nature car, sans elle, les particules n'auraient pas de masse. C'est comme si des objets initialement sans masse traversaient un milieu visqueux et se mettaient donc à peser de plus en plus lourd. La manière d'agréger la "boue" dépendant de l'interaction avec le fameux boson. Ainsi l'électron devient l'objet que nous connaissons et peut ensuite donner naissance à des atomes, des molécules... Bref à toute la matière qui nous entoure.

Il s'agit de la première particule élémentaire découverte depuis 1994. Elle était la dernière à échapper aux recherches et complète admirablement le modèle standard, sorte de table de la loi de la physique qui décrit les douze particules et les trois forces qui les unissent pour former la matière ordinaire.

"UN LABORATOIRE POUR UNE NOUVELLE PHYSIQUE"

Les salles de presse et celles réservées aux physiciens étaient combles pour le lever de voile sur les différents graphiques présentant les derniers résultats obtenus en moins de deux ans de fonctionnement de l'accélérateur (dont le projet a été officiellement été lancé en 1994). Il y a désormais plus de 99,9999 % de chances que l'observation soit correcte. La masse du nouveau venu est de 125 GeV (gigaélectronvolt) environ, dans les unités utilisées par les physiciens pour peser leurs bébés. C'est 133 fois plus qu'un proton, constituant élémentaire des noyaux atomiques, par exemple.

"Nous avons fini un chapitre mais d'autres sont à écrire", a déclaré Guido Tonelli, ancien porte-parole de CMS, l'un des deux détecteurs qui a indentifié la particule. En effet, il faut d'abord vérifier que ce qui a été vu est bien le Graal attendu. Comment interagit ce boson avec les autres particules ? Tourne-t-il sur lui-même ? Bref, quelles sont toutes ses propriétés.

La moindre anomalie, la moindre différence avec le boson standard, celui qui a été défini par la théorie, au lieu d'être un problème, serait même très excitante. Cela mettrait sur la voie d'une théorie au-delà de l'actuelle. "Ce boson est un laboratoire pour une nouvelle physique. Il peut ouvrir des portes. C'est très excitant", ajoute Guido Tonelli. Car sur le papier les physiciens savent que leur élégant modèle standard ne résiste pas aux très hautes énergies comme l'Univers en a connu à ses débuts.

Ils ne savent pas non plus de quoi est faite la matière noire qui baigne le cosmos. Ni même l'énergie noire qui accélère l'expansion de l'Univers. Ils voudraient bien savoir aussi ce qui donne la masse à ce fameux boson. L'histoire n'est donc pas finie. "Nous avons de quoi nous occuper avec le LHC jusqu'en 2030 !", constate Michel Spiro, le président du conseil du CERN.