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© REUTERS/STRINGER/TURKEYLe "Mavi-Marmara" au large de Chypre, quelques jours avant l'assaut israélien qui avait fait neuf morts en mai 2010.

Le procès de quatre anciens chefs de l'armée israélienne accusés d'avoir ordonné un assaut meurtrier contre le Mavi Marmara, un navire turc d'aide humanitaire à destination de Gaza en 2010, a débuté mardi 6 novembre à Istanbul en l'absence des accusés, une procédure dénoncée comme un "spectacle" par Israël.

Le ministère public turc a requis la prison à vie contre l'ex-chef d'état-major de l'armée israélienne Gabi Ashkenazi, les ex-chefs de la marine et de l'aviation Eliezer Alfred Marom et Avishai Levi, et l'ex-chef des services secrets Amos Yadlin, pour leur implication supposée dans l'assaut contre le navire Mavi Marmara, au cours duquel neuf ressortissants turcs avaient péri. L'acte d'accusation reproche aux soldats israéliens d'avoir fait un usage disproportionné de la force contre les militants turcs, notamment d'avoir "mitraillé des gens qui brandissaient des fourchettes, des cuillères ou des hampes de drapeau".

Les quatre hommes, aujourd'hui à la retraite, sont inculpés en tant que « commanditaires de meurtres avec brutalité ou actes de cruauté ». Mais en l'absence des accusés, le procès devrait rester symbolique, d'autant qu'Israël a exclu d'extrader ses militaires et a rejeté les poursuites dont ils font l'objet.

« RIEN À VOIR AVEC LE DROIT ET LA JUSTICE »

A l'ouverture du procès, le ministère des affaires étrangères israélien a une nouvelle fois dénoncé mardi un "procès spectacle". "Ça n'a rien à voir avec le droit et la justice", a affirmé Yigal Palmor, le porte-parole du ministère. "Les prétendus accusés n'ont pas reçu notification ou été informés d'aucune façon qu'ils allaient faire l'objet de poursuites ou de la nature des accusations. On ne leur a même pas accordé une chance symbolique d'avoir une représentation légale", a ajouté M. Palmor. Les accusés étaient représentés à l'audience par des avocats turcs commis d'office.

Des avocats ont réclamé l'arrestation des officiers israéliens mis en cause. "Nous attendons de la cour qu'elle émette un mandat d'arrêt parce que les crimes sont très graves, et nous voulons aussi une intervention d'Interpol", a ainsi déclaré Me Resat Petek. Un autre défenseur de parties civiles se faisait cependant peu d'illusions. "Nous savons qu'Israël ne va jamais remettre ses commandants à la Turquie s'ils sont reconnus coupables", a déclaré Me Mustafa Yaman. "Il aurait fallu les juger devant des tribunaux internationaux, comme l'ont été les criminels de guerre serbes".

A l'ouverture des débats, le président du tribunal a constaté que l'assignation à comparaître émise par ses services n'était pas parvenue aux accusés, puis a entamé l'identification des victimes supposées de l'assaut.

Près de cinq cents personnes, dont une cinquantaine d'étrangers, ont demandé à se constituer partie civile et devaient être entendues une à une par la cour, a indiqué une de leurs représentantes, Me Gülden Sönmez. Le procès pourrait ainsi durer des mois avant un verdict.

En septembre 2011, le rapport Palmer de l'ONU avait jugé "excessive" et déraisonnable cette intervention militaire, mais avait considéré comme étant légal le blocus imposé par Israël à la bande de Gaza. Cette affaire a provoqué une grave crise diplomatique entre la Turquie et Israël, autrefois alliés. Ankara a abaissé le niveau de sa représentation diplomatique dans l'Etat hébreu, suspendu la coopération militaire, et a expulsé l'ambassadeur d'Israël.