Tel-Aviv, qui se glorifie d'être un havre laïque et cosmopolite sur la terre des religions, des saints et des temples, a désormais son messie.

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© AFPJésus reviens
L'allure biblique, drapé de lin, le long cheveu blond, barbu et en sandales, il est assis en tailleur près du marché à ciel ouvert de la Ville blanche.

"Il y a 14 mois, j'étais un mec comme tout le monde, et puis j'ai été mordu par un serpent à Bethléem. C'est comme ça que j'ai commencé à voir Dieu", confesse-t-il à l'AFP en narrant sa mort et sa "résurrection".

Se présentant comme "le messie de Tel-Aviv", cet immigrant russe de 31 ans est désormais une figure du quartier, à côté des mendiants et des traîne-savates du coin, dispensant ses prophéties et annonçant l'apocalypse pour 2012.

Le personnage ne surprendrait personne à 60 km plus à l'est, dans la Ville sainte où sévit "le syndrome de Jérusalem". Là, on rencontre parfois des touristes qui croient se réincarner dans les héros de la Bible, hypnotisés par les lieux saints et submergés par l'émotion.

"Ils viennent visiter la Terre promise, pleins de ferveur et d'espérance, et développent des troubles du comportement psychotiques, hystériques", analyse le docteur Grigory Katz, un spécialiste du "syndrome de Jérusalem" à l'hôpital psychiatrique de Kfar Shaul.

Ce syndrome frappe plutôt des pèlerins protestants, originaires de petites villes d'Amérique ou de Scandinavie, élevés dans des familles très pieuses, qui souvent ne sont jamais allés à l'étranger avant d'arriver en Terre sainte, relève le psychiatre.

La plupart se prennent pour le Christ ou la Vierge Marie.

Les symptômes ne durent généralement pas longtemps. "Il suffit de légers calmants pour les ramener à la raison en quelques jours", témoigne le Dr Katz.

Le messie de Tel-Aviv, lui, affirme tour à tour être Jésus ou Moïse. Il s'inspire largement des textes mystiques juifs et de la Kabbale, appelant les populations à la compassion et à renoncer à leur ego avant 2012.

Ce qui lui vaut des déboires. "Ils me haïssent. Certains me mordent, d'autres me crachent dessus ou veulent me tuer. Il faut être prêt à tout cela quand on est le messie", raconte-t-il en désignant les passants.

Il a connu la notoriété cet été quand une vidéo diffusée sur la Toile a montré son agression par un costaud non identifié portant un T-shirt noir orné d'une étoile de David dans le dos. "Je n'ai pas été blessé. Dieu m'a protégé. Je me fiche d'être à nouveau frappé", assure-t-il.

Mais il ne fait pas rire ceux qui attendent l'avènement du Messie, une des conceptions au coeur du judaïsme.

"Si ce type-là est le Messie, on se fait mystifier", estime un membre du mouvement hassidique Chabad qui promeut l'enseignement du défunt rabbin Menachem Mendel Schneerson, connu comme le rabbi de Loubavitch et considéré par nombre de ses ouailles comme le Messie à venir bien qu'il soit de cujus.

S'il n'attire guère les masses, le messie de Tel-Aviv n'en est pas moins un séducteur. A ses côtés, le regard dissimulé derrière des lunettes de soleil, se tient une fine jeune fille blonde, sa troisième "épouse" en moins d'un an.

La première disciple a été embarquée de force en voiture par ses parents et a réapparu sur Facebook pour accuser son ex-messie de tromper ses admiratrices pour du sexe.

La seconde, une Moldave, a été renvoyée dans son pays natal, son visa étant échu. "Les temps viendront, et ils sont proches, quand il sera trop tard pour vous de croire qu'Il est le vrai Christ, notre sauveur", a-t-elle prêché dans un courriel.