Une équipe internationale d'astronomes a débusqué dans un catalogue récent ce qui semble être le plus grand groupe de quasars connu. S'étendant sur quatre milliards d'années-lumière, cette grande structure est quelque peu problématique pour le modèle cosmologique standard, qui repose sur l'hypothèse de l'homogénéité du cosmos observable à grande échelle.

Les équations de la relativité générale d'Einstein forment un système non linéaire de dix équations aux dérivées partielles hyperboliques. Inutile de dire qu'elles sont notoirement difficiles à résoudre. À tel point que c'est en général impossible, sauf si l'on suppose que l'on peut faire certaines hypothèses simplificatrices, souvent en utilisant des symétries présentes dans le système physique étudié.

Un bon exemple est celui de la théorie des trous noirs, où il suffit de demander que la solution des équations d'Einstein décrive une étoile statique, à symétrie sphérique avec un horizon des événements, pour tomber rapidement sur la solution de Schwarzschild.

Principe cosmologique et géométrie de l'espace-temps

Un autre bon exemple est celui de la cosmologie. En partant de l'hypothèse que la distribution de matière et d'énergie est homogène et isotrope dans l'espace, on tombe sur la fameuse famille de solutions de Friedmann-Lemaître-Robertson-Walker. Elle est conforme à ce que l'on appelle le principe cosmologique qui postule que l'univers observable apparaît identique en tout lieu et dans toutes les directions.

On peut avoir une idée intuitive de ce que représente le problème de chercher à déterminer la géométrie de l'espace-temps en cosmologie en le comparant à celui de chercher la forme de la surface de la Terre en supposant que celle-ci soit lisse et courbée de façon identique pour tous les observateurs à sa surface. On obtient alors une sphère (en réalité un ellipsoïde du fait de sa rotation, mais la courbure n'est pas constante).

Bien évidemment, on sait que la surface de notre planète est en réalité bosselée et l'équation de la surface qui reproduirait en détail sa vraie géométrie est en fait très compliquée. Toutefois, si l'on se place à une échelle de distance suffisamment importante, par exemple celle du millier de kilomètres, cela n'a plus d'importance et on obtient une bonne description, simple, de la figure de la Terre.


Un fabuleux voyage à travers l'univers observable, de la Terre jusqu'à la sphère de dernière diffusion dont nous parviennent aujourd'hui les plus vieux photons de l'univers. Toutes les distances sont à l'échelle et les objets sont représentés avec le plus d'exactitude possible. Voir l'article sur le Tibet pour plus de détails. © Digital Universe, American Museum of Natural History, YouTube ; musique : Suke Cerulo

Un large quasar group violant une borne de la cosmologie

Dans le cas de l'univers observable, la situation est similaire. Nous savons que des vides immenses s'étendent entre les galaxies et que les amas de galaxies se rassemblent en filaments. Toutefois, les observations faites concernant la distribution de ces grandes structures, notamment en cartographiant la répartition des quasars, indiquent qu'on peut les considérer comme suffisamment homogènes et isotropes à des échelles supérieures à plusieurs centaines de millions d'années-lumière.

Or, un groupe d'astronomes mené par des membres de l'University of Central Lancashire (UCLan, Royaume-Uni) vient de publier dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society un article disponible sur arxiv qui jette un pavé dans la mare de la cosmologie standard, puisqu'il entre en conflit avec le principe cosmologique.

En effet, les chercheurs ont découvert dans le catalogue de quasars DR7QSO, réalisé à partir de campagnes d'observations du Sloan Digital Sky Survey, un groupe de 73 quasars formant une sorte de filament de 1.200 mégaparsecs (Mpc) de long environ, ce qui représente pas loin de 4 milliards d'années-lumière (pour mémoire, la distance entre Andromède et la Voie lactée est d'environ 0,75 Mpc et la taille des amas de galaxies d'environ 2 à 3 Mpc). On connaissait déjà des large quasar groups (LQG), pour reprendre l'expression anglaise, mais le modèle standard semblait limiter leur taille à 370 Mpc.
Image

Sur cette carte d'une portion de la voûte céleste, on a représenté une distribution de quasars situés à des distances comparables. Les couleurs indiquent des densités d'autant plus élevées qu'elles sont sombres. Les cercles noirs représentent le large quasar group (LQG) s'étendant sur près de 4 milliards d'années-lumière découvert par les astronomes. Un LQG plus petit est présent, indiqué par les cercles rouges. © University of Central Lancashire
Le modèle standard des cosmologistes à revoir ?

Si plusieurs structures de ce genre existent dans l'univers observable, cela pourrait contraindre les cosmologistes à revoir le modèle standard en utilisant des solutions des équations d'Einstein représentant des univers inhomogènes.

Il ne faudrait pas en déduire pour autant que le modèle du Big Bang se trouve en difficulté. De telles solutions ont en effet été envisagées pour expliquer l'origine de l'expansion accélérée de l'univers observable sans faire intervenir l'énergie noire. En outre, le rayonnement fossile observé par WMap, lui, montre bien que le cosmos observable satisfaisait le principe cosmologique avec une précision époustouflante au début de son histoire.

Liens externes