« Les guerres ne commencent pas par des bombes, elles commencent par des médias-mensonges, et toutes les guerres sont économiques. Les raisons humanitaires ne sont faites que pour emporter l'adhésion des populations des pays agresseurs. »

Meltingpoat de marques
© Inconnu

Tel est le constat que fait le journaliste belge Michel Collon, en ouverture de cette conférence datée du 27 février 2009, au centre islamique et culturel de Liège, dans le cadre de la journée du soutien au peuple palestinien :

(NDT : Attention : le texte ci-dessous est une transcription du discours de Michel Collon. Ces propos n'engagent que lui (bien que je partage pour l'essentiel ses opinons), et non l'auteur de ce site Internet)

Voici donc la transcription de cette conférence :

Bonsoir, Salam Aleikum, je suis très heureux d'être parmis vous, heureux aussi de voir que vous êtes nombreux, heureux aussi de voir que vous êtes soucieux de ce qui se passe à Gaza et de ce que nous pouvons faire pour empêcher le retour d'évènements semblables. Je crois que c'est ça qui nous rassemble tous, c'est : que pouvons nous faire, chacun d'entre nous, j'insiste, pas seulement les experts, pas seulement les spécialistes, surtout vous, que pouvons-nous faire pour mettre fin à ce massacre, car nous savons tous que à Gaza ce n'est pas paix, c'est juste une trève provisoire en attendant la nouvelle agression, le nouveau massacre.

Et donc notre rôle est absolument fondamental pour arrêter ça, pour renforcer la solidarité, pour renforcer les forces qui arrêteront l'agression. Alors je pense que ce qui est fondamental, c'est que chacun d'entre nous puisse effectivement expliquer autour de lui, et combattre la désinformation des médias, qui ne sont pas des erreurs, qui ne sont pas des fautes individuelles, mais qui sont un système de propagande, parce qu'en réalité je dis toujours, les guerres ne commencent pas par des bombes, elles commencent par des média-mensonges. Lorsqu'un gouvernement a décidé d'attaquer un... un peuple, que ce soit au Moyen-Orient, en Amérique latine, en Afrique, n'importe où, la guerre est précédée et accompagnée d'une guerre de propagande, d'une propagande de guerre en fait, d'une propagande qui vise à ce que l'opinion publique, ici en Belgique, en France, en Europe, soutienne ces gouvernements, ou en tout cas ne résiste pas comme il faudrait.

Et dans ... C'est donc effectivement la chose que j'ai étudiée, dans les vingt dernières années : Irak, Yougoslavie, Afghanistan, et les guerres non déclarées, comme au Congo et ailleurs, ce que j'ai étudié ce sont les règles de la propagande de guerre. Il faut absolument que chacun apprenne à les repérer tout de suite quand il reçoit une information, et puisse l'expliquer à son voisin, à son collègue de travail, son camarade de classe etc.

Chaque conflit est précédé et accompagné d'une propagande de guerre, ou une guerre de propagande.

La propagande de guerre repose sur 5 principes, que l'on retrouve dans chaque conflit :

Occulter l'histoire.
Occulter les intérêts économiques.
Diaboliser l'adversaire.
Présenter notre camp comme n'attaquant pas un peuple, mais seulement un dirigeant.
Monopoliser l'information, empêcher le vrai débat.

Ces principes-là, on les retrouve dans tous les conflits.

Occulter l'histoire

Chaque fois qu'il y a un conflit, on nous cache l'histoire et la géographie de cette région, qui est pourtant essentielle pour comprendre un conflit. Quand en 1991 on nous dit que « l'Irak envahit le Koweit, c'est pas bien, l'Europe et les usa doivent lui faire la guerre pour empêcher ça » (en passant Israël envahit ses voisins tous les deux ou trois ans, mais ça c'est pas un problème), on oublie qu'en réalité ce sont les colonialistes britanniques qui on séparé Le Koweït de l'Irak au début du 20esiècle, le gouverneur anglais de l'époque affirmait « on le fait pour empêcher l'Irak d'avoir un accès à la mer et pour l'affaiblir », et ça on le cache aux européens qui ne savent pas ce qui s'est passé là bas.

Autre exemple : quand on nous dit « en Irlande, c'est une guerre de religion, les catholiques en veulent aux protestants, il faut les séparer, ils ne s'entendent pas », c'est faux : c'est une guerre coloniale ! La grande Bretagne a colonisé l'Irlande, qui était agricole, alors que la grande Bretagne au 19e siècle développait des usines, elle avait besoin de nourriture très bon marché pour payer ses ouvriers le moins possible, et donc elle a agressé l'Irlande, elle l'a occupée, puis elle en a gardé une partie, et elle l'a donné à des colons, qui de fait étaient protestants, tandis que les autres étaient catholiques, et alors la grande bretagne a excité ce conflit, et elle essaye toujours, et encore aujourd'hui, de présenter ça comme une guerre de religion. Ce n'est pas une guerre de religion, c'est une guerre coloniale et économique, comme en Palestine.

Occulter les intérêts économiques

Chaque guerre, sans exception, est une guerre économique, une guerre pour le fric, pour les intérêts des multinationales. Évidemment on nous dit « on fait la guerre pour arrêter une menace terroriste », ou « pour la paix », ou « pour séparer des gens qui s'entendent pas », on a toujours de magnifiques raisons nobles et désintéressées, alors que toutes ces guerres sont économiques. Il y a toutes sortes de peuples dans le monde qui souffrent et dont on ne s'occupe pas, ou même on aide ceux qui les fonts souffrir, mais là tout d'un coup on fait des guerres « humanitaires » : C'est de la blague ! Ce sont toujours des guerres économiques, des guerres pour les multinationales.
Cela il faut être capable de le montrer vraiment, et je vais donner un exemple, c'est ce qui se passe au Venezuela. C'est vrai j'y vais régulièrement, une de mes collaboratrices a fait un très beau film qui s'appelle « Bruxelles-Caracas », qui présente tout ce que fait Chavez, et je suis en train de terminer un livre qui s'appelle « les sept péchés d'Hugo Chavez », parce que je pense que c'est très important de ne pas se limiter à ce qui se passe au Moyen-Orient, ce que fait Chavez est extrêmement important pour le monde entier ;

Parce qu'en fait c'est aussi un pays pétrolier, et quand vous arrivez à l'aéroport de Caracas, au bord de la mer, et que vous montez vers la capitale qui est à mille mètres d'altitude, vous voyez que sur ces montagnes très très raides, il y a des milliers de gens qui habitent dans des taudis. C'est vraiment... C'est des blocs de béton, et quand vous allez y voir de plus près, le sol c'est de la terre, il n'y a pas de fenêtre, pas d'eau, pas de sanitaires, le toit c'est une tôle ondulée (et on est sous les tropiques), et il y a des millions et des millions de gens qui habitent là dedans. Alors quand vous arrivez là vous vous dites : mais, c'est quand même un pays pétrolier ! Ça fait 80 ans que l'on exporte du pétrole ici, à un moment donné c'était même le premier exportateur de pétrole au monde... Où est passé l'argent ?

Et effectivement quand Chavez arrive (au pouvoir, NDT) il y a 80% de vénézuéliens qui sont sous le seuil de pauvreté, qui vivent avec un ou deux dollars par jour. Donc quand vous demandez ou est l'argent, si on vous indique où est le quartier où est l'argent, vous allez découvrir, ça s'appelle le « country club », dans un coin un peu discret de Caracas, et là vous voyez des villas, des palais en fait, avec des piscines comme des terrains de foot, des Ferrari et des Lamborghini à l'entrée, bien sûr il y a des barbelés et des miradors, des types avec des armes, des caméras, etc, et ça c'est juste la maison à Caracas, le type a la même chose à Miami, il a une île dans le pacifique, un compte en suisse, enfin... Donc l'argent il est parti là, et grâce à ces gens là, il est surtout parti dans les coffres-forts de Exxon, qui entre parenthèses l'an dernier a fait 45 milliards de dollars de bénéfices. Ça fait 80 années que Exxon, BP, total, créent leur fortune, la richesse de leurs actionnaires et de leurs dirigeants en pompant toute la richesse du Venezuela

Ce n'est pas un détour que je fais là, c'est l'essentiel. Parce que quand on attaque Chavez, quand on fait un coup d'état contre lui, quand on essaye de le renverser en sabotant l'industrie pétrolière, quand on l'attaque dans les médias en essayant de le diaboliser, de le présenter (lui aussi, tiens tiens) comme un antisémite ou un dictateur, un populiste ou que sais-je, en fait, quand on attaque Chavez c'est pour cacher une seule chose, c'est que nous, multinationales de l'occident, avons décidé que le pétrole nous appartient, que la richesse nous appartient, et que les vénézuéliens peuvent crever et rester dans leur pauvreté.

Même chose pour le monde arabe. Parce que la leçon de Chavez, maintenant qu'il est au pouvoir, il a utilisé l'argent du pétrole pour donner l'éducation à tout le monde, des soins de santé à tout le monde, avant ça il y avant deux vénézuéliens sur trois qui n'avaient jamais vus un médecin de leur vie, et qui n'auraient jamais pu en voir un parce que c'était trop cher. Donc ça c'est une leçon fondamentale, et d'abord pour le Moyen-Orient.

Vous savez que dans certains pays du Moyen-Orient, on construit des tours, des hôtels, de plus en plus hauts, c'est à qui va construire cent mètres plus haut que le précédent, et le tarif la nuit c'est vingt mille euros. Donc il y a des gens, dans ce monde, qui dépensent vingt mille euros pour une chambre, une nuit. Et l'argent du pétrole part la dedans, pendant que on connaît la misère qu'il y a au Caire, qu'il y a dans une grande partie du monde arabe, et on sait que si l'argent du pétrole était bien utilisé, honnêtement et de façon solidaire, on pourrait mettre fin, très rapidement, à la pauvreté et construire une économie qui permettrait à tous de vivre dignement.

Ça, c'est un principe de la propagande de guerre, il faut cacher à l'opinion Belge et Française que quand on attaque Chavez, quand on attaque les Palestiniens, quand on attaque les Irakiens, c'est pour garder le droit de certains milliardaires d'aller passer des nuits à vingt mille euros pendant que le reste de la population crève de faim. C'est des guerres économiques, c'est des guerres pour ça.

Diaboliser l'adversaire

Le troisième grand principe de la propagande de guerre, évidemment, c'est que si on veut faire détourner l'attention de tout ce que je viens de dire, et que les gens ne se posent pas trop de questions, il faut, excusez moi l'expression, leur flanquer la trouille. Donc il faut diaboliser l'adversaire, faire croire qu'il est très menaçant. Et là, vous avez le choix : a) les armes de destructions massives, b) les terroristes, c) les fanatiques intégristes, si vous pouvez mélanger le tout c'est encore mieux , il faut flanquer la trouille, comme Bush l'a fait à partir du onze septembre pour persuader les gens aux États-Unis que vraiment il y avait un grand danger, que tout le monde allait les attaquer, et donc il faut diaboliser l'adversaire, publier des images d'atrocités, si on n'en a pas on les invente, sinon on va les chercher ailleurs dans les archives, il y a toujours des images et on les applique à quelqu'un d'autre.

Présenter notre camp comme n'attaquant pas un peuple, mais seulement un dirigeant

Quatrième principe de la propagande de guerre : Nous, les gouvernements occidentaux, nous voulons la paix, et nous ne voulons pas de mal à ces peuples sur qui nous lançons des bombes : c'est simplement le problème de leurs dirigeants. Et donc, on va même essayer de faire croire que nous voulons le bien de ces peuples là, pour les débarrasser de leurs méchants dirigeants. Ça, c'est un principe fondamental. Il y a eu un très bon article que j'ai eu l'occasion de diffuser sur mon site il y a quelques semaines, où quelqu'un écrivait : « massacrez les palestiniens pour libérer leurs femmes » Ça c'est toujours « nous on mène des guerres humanitaires ».

On doit aussi nous présenter nous-mêmes comme voulant la paix, prêts à négocier, c'est les autres qui ne veulent pas, et donc tout ce discours pour tromper l'opinion publique

Monopoliser l'information, empêcher le vrai débat

Cinquième et dernier principe de la propagande de guerre : il faut monopoliser le débat, il faut confisquer les grands médias et les émissions stratégiques de la télévision, et empêcher l'autre point de vue de venir s'exprimer et de faire en sorte que le spectateur puisse réfléchir, se poser des questions « tiens, il y a deux points de vues », et utiliser son cerveau. Donc c'est la télé pizza, la télé qu'on consomme, qu'on avale, et face à laquelle on ne réfléchit pas.

Une application de tout ça : Gaza

Voila donc ces cinq grands principes de la propagande de guerre, et je pense intéressant de voir comment ils ont été appliqués dans la question de Gaza.

Le principe « Occulter l'histoire, cacher l'histoire », il a été appliqué à fond : Ce qui est interdit, je pèse mes mots, ce qui est interdit de dire dans les émissions stratégiques de la RTBF, de RTL, et dans les grands quotidiens, la dernière heure, la Meuse et autres (Souvenons-nous que Collon est Belge, NdT) qui font l'opinion, c'est que c'est l'histoire d'un état raciste, d'un état colonial, et d'un état qui pratique le nettoyage ethnique, pardon, par étapes, en allant chaque fois le plus loin qu'il peut, et en pensant chaque fois à l'étape suivante du « nettoyage » et de l'expulsion.

Le deuxième principe de la propagande de guerre, « Occulter les intérêts économiques », appliqué à la question d'Israël, c'est que l'union européenne et les états unis aiment à se présenter dans cette affaire comme les arbitres neutres qui essayent de ramener la paix et de trouver une solution entre les deux camps. C'est faux ! En réalité, c'est une guerre made in USA, c'est une guerre décidée par les états unis qui arment Israël avec des milliards de dollars d'aide militaire chaque année, c'est une guerre aussi de l'union européenne, qui vient encore récemment de décider qu'Israël allait pouvoir devenir quasiment un membre de l'union européenne, juste avant la guerre, c'est clair qu'ils leur ont donné le feu vert, et chaque fois qu'il y a ce conflit, l'union européenne dit « oui mais Israël a le droit de se défendre ». En plus, ils sont leur principal partenaire économique. Si l'union européenne arrêtait ses relations économiques avec Israël, celui-ci serait obligé de négocier dans les cinq minutes.

Et donc ça c'est très important. Quand Israël bombarde et tue des enfants palestiniens, vous savez que c'est avec des armes vendues par la Belgique, la France, la Grande Bretagne et l'Allemagne, vous savez que c'est avec le soutien de Sarkozy quand la ministre israélienne des affaires étrangères est allée le visiter, elle a dit « nous défendons les valeurs de l'occident », et Sarkozy a applaudi, donc effectivement, quand ils bombardent à Gaza, c'est aussi Sarkozy, Merquel, et nos dirigeants belges qui bombardent, il faut avoir le courage de le dire.

Le troisième grand principe, consistant à diaboliser, avec le Hamas j'ai pas besoin d'expliquer longtemps que là, on présente Dracula, on présente vraiment un épouvantail. Je pense que il est interdit d'expliquer ce qu'est vraiment le Hamas, pourquoi c'est ce mouvement de résistance là qui maintenant a le soutien d'une très très grande partie, d'une très grande majorité de l'opinion en Palestine, que même ceux qui ne sont pas pour le Hamas, et qui ne sont pas de cette conviction là soutiennent le Hamas parce qu'il résiste et que bien souvent c'est le seul qui ait une grande capacité de résistance, et donc il faut faire tout un film, tout un cinéma pour faire peur avec le Hamas, cacher qu'en réalité il est prêt à une solution juste, qu'il a des positions raisonnables, qu'il a déjà fait et est prêt à faire des concessions. Il faut absolument diaboliser et encore une fois, excusez moi, flanquer la trouille, parce que c'est vraiment ça qui est nécessaire pour que l'opinion marche et ne réfléchisse plus.

Bien entendu, il faut présenter Israël sous un beau jour, et donc là ça consiste à dire que Israël est la démocratie, la seule démocratie du Moyen-Orient et que donc pour ça il faut la défendre. Ça c'est évidemment un discours absurde. C'est comme... Comment voulez vous accepter l'idée que une démocratie s'amène en Palestine en 1948, vienne dire « Dieu a dit que nos grands parents étaient là il ya deux mille ans, donc nous on revient, vous vous sortez », et tous les gens, on les place dans des tentes ou dans des bidonvilles et on les condamne à l'exil.

Ça c'est une démocratie ? Qu'est ce que c'est qu'une démocratie qui refuse le simple principe « une personne, un voix, et chaque personne est égale ». Israël n'est en réalité pas une démocratie, c'est un apartheid, c'est comme... J'ai eu la possibilité pour une fois de le dire à la télévision, et je le maintiens, Israël est l'état le plus raciste au monde. Israël est un pays colonialiste, et l'occident a malheureusement un fameux passé colonialiste, et s'il voudrait contribuer à ce qu'on dépasse tout ça et se faire pardonner, il faudrait cesser de défendre la dernière colonie au monde à savoir Israël.

Le dernier principe de la propagande de guerre, la monopolisation de l'information, dois-je vous faire un dessin, il y a un contrôle, il y a des listes noires sur qui peut parler dans les médias écrits ou télévisés en Belgique, privés ou publics, malheureusement, et il y a toute une série de gens qui sont exclus de ce genre de débat et l'opinion publique n'a pas le droit de l'entendre.

Donc la question du monopole de l'information, la question de censure sur l'information dans notre Belgique démocratique, ou dans la France démocratique, elle est évidente. (NDT : lire à ce sujet le livre de Paul Morea, « les nouvelles censures », c'est édifiant).

En fait, tout ce que je vous dit là ça ne doit pas surprendre. On ne doit pas se poser la question « oui, mais comment ça se fait que les médias se trompent, ou sont comme ça, avec des préjugés et des parti-pris ». C'est normal. C'est un système qui fonctionne comme ça. En réalité, il faut absolument que les gens approuvent ce que font leurs gouvernements, c'est-à-dire leurs multinationales, c'est-à-dire la couche riche de la population, la toute petite élite qui décide de l'avenir du pays. L'avenir du pays ne se décide pas aux élections. L'avenir du pays se décide dans les conseils d'administration des plus grandes sociétés. Et pour que l'opinion ne se pose pas trop de questions sur tout ça, on assiste vraiment à une guerre de l'information. Ce n'est pas un mot exagéré. Et je pense que vraiment c'est la chose fondamentale dont il faut se rendre compte et dont il faut maîtriser les rouages si nous voulons pouvoir faire quelque chose.

Alors j'aimerai vous donner un aperçu de la guerre de l'information, et je vais vous proposer de lire le texte d'un salopard, mais d'un salopard très intéressant. Le Salopard en question c'est le général Kitson, qui est un général britannique, qui avait été envoyé en Malaisie et au Kenya pour les guerres coloniales de l'empire britannique dans les années soixante, et comme apparemment il était très bon dans la répression, Londres l'a envoyé en Irlande en 1970 pour... parce que là comme je l'ai dit la Grande Bretagne avait un gros problème, il y avait un mouvement de résistance, l'IRA, qui n'acceptait pas la colonisation et qui disait aux britanniques de rentrer chez eux, et qui voulait la réunification de toute une Irlande libre. Et donc le général Kiston était chargé de diriger toute la répression.

Et ce qui est très intéressant, c'est que tout général qu'il soit, il a écrit un bouquin qui a très vite disparu de la circulation d'ailleurs bizarrement, mais j'en ai trouvé un exemplaire et j'en ai fait une synthèse, et dans ce bouquin il expliquait que la répression militaire et policière classique n'a aucune chance de réussir sans, je cite, « une campagne pour gagner les cœurs et les esprits », et il appellait ça « guerre psychologique stratégique ». Alors qu'est ça recouvre, ce terme mystérieux ? Eh bien je vais le montrer en citant les méthodes prônées par Kitson pour mener la guerre contre le mouvement de résistance qu'il affrontait :

Méthode numéro un : Former tous les cadres des ministères, armées, affaires trangères, etc, aux méthodes de manipulation psychologique de l'opinion

Deux : monter de pseudo gangs qui monteront des coups attribués à l'ennemi pour le discréditer
Trois : employer les forces spéciales SAS pour monter des attentats, et puis dire que c'est l'ennemi, comme ça on le discrédite.
Quatre : créer des diversions en provoquant, je cite, une guerre de religion.
Cinq : fabriquer de faux documents « black propaganda », qu'on attribua à l'ennemi pour le discréditer.
Six : Infiltrer des agents ou recruter des traîtres dans les organisations de l'adversaire pour provoquer des scissions.
Sept : Militariser l'info de la BBC et censurer totalement le point de vue adverse.
Huit : filtrer l'information à destination de la presse internationale, et s'assurer des complicités.
Neuf : fournir des documents photographiques, influencer l'opinion
Dix : utiliser des journalistes comme espions sur le terrain
Onze : utiliser la musique pour attirer des jeunes avec un message apparemment dépolitisé
Douze : mettre en place de faux mouvements spontanés, qu'on présentera comme neutres et indépendants mais qu'on financera pour affaiblir le camp adverse.
C'est un général qui parle, et c'est un général qui montre comment les services secrets, et l'appareil de répression en général, considèrent la bataille médiatique, la bataille de l'opinion, comme la première de toutes les batailles. La mère de toutes les batailles, je pense vraiment que c'est la bataille de l'information.

Que faire ?

Alors pour conclure par rapport à ces cinq principes de la propagande de guerre, leur application à Israël et le cadre de l'information dans laquelle tout ça se place, la question qui nous occupe maintenant c'est : qu'est-ce que nous pouvons faire avec tout ça ? Parce que pleurer ça ne sert à rien, et se retrouver ici entre convaincus c'est très bien, mais la chose importante n'est pas ce qui se passe aujourd'hui, la chose importante c'est ce que nous allons tous pouvoir faire demain avec notre expérience et avec notre stratégie pour gagner la bataille de l'information.

Le grand problème que nous avons ici en Belgique, et je pense que ça se rencontre aussi en France et dans les autres pays européens, c'est la division. Quand à Bruxelles il y a eu une manifestation le 31 Décembre, il y avait une manifestation spontanée, très rapide, mais avec beaucoup de gens déjà, beaucoup étaient contents parce qu'il y avait beaucoup de monde, beaucoup de protestations, les gens voulaient faire des choses et j'étais triste parce que dans cette manifestation il y avait 95%, je vais dire, de personnes d'origine arabe ou musulmane, et, c'est pas le terme qu'il faut employer mais vous comprenez, 5% de belgo-belge.

Alors j'étais pas triste parce qu'il y avait tellement d'arabes et de musulmans. J'étais triste parce qu'il n'y avait pas du tout assez des autres. La question à se poser c'est : pourquoi n'étaient-ils pas là ? Et je crois que c'est beaucoup dû à ce qu'ils avaient vu à la télévision, et au fait qu'ils ne voyaient pas la guerre sur aljazeera mais sur RTL. Et c'était, surtout dans les premiers jours, deux guerres totalement différentes. Au début on ne montre pas l'intensité des massacres et des crimes, et quelqu'un me disait hier dans une discussion « aljazeera parle de l'endroit où tombent les bombes, et RTL ou TF1 parlent de l'endroit d'où on lance les bombes ». Et les gens ne voient pas la même guerre. En plus, on leur a raconté le mythe que Israël se défendait contre les roquettes du Hamas, nous savons tous que c'est un prétexte, que c'est un mensonge, qu'en plus c'est Israël qui a rompu la trêve et pas le Hamas.

Les facteurs de division

Et donc c'est ça qui explique cette manipulation de l'information. Je vais respecter les cinq minutes qui me restent, mais je crois que c'est intéressant de creuser justement les facteurs de division que nous devons affronter. Parce que c'est ça qui est important. Alors je m'excuse de citer encore un texte qui est un peu négatif mais je pense qu'on peut apprendre plus des adversaires que de nous même, et après la manifestation de Bruxelles du 11 janvier qui était on l'a vu remarquable, une des plus belles manifestations en Europe, il est paru dans le soir un texte signé par Manuel Abramovitch, Claude de Molène, c'est des gens du journal du mardi, et Sam Touzani, et ce texte était intitulé « le pouvoir aux barbus, non merci ». Et apparemment ils n'ont pas vu la même manifestation que moi, et que beaucoup de gens, parce qu'ils ont décrits la manifestation de Bruxelles comme « qui donnait le ton ? Essentiellement des organisations politico-religieuses musulmanes, des représentants de mosquées, et la manifestation était souvent rythmée par slogans comme allahou akbar » Alors j'en ai entendu un petit peu, mais la grande majorité ce n'était pas ça.

(C'est effectivement une discussion à tenir dans nos rangs, quels sont les meilleurs slogans pour s'adresse à l'opinion publique occidentale pour la convaincre. Et là je vais pas déflorer ce que va dire Tarik Ramadan, mais comme j'ai eu l'occasion d'être avec lui dans deux débats à Bruxelles et à Lille, et que j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce qu'il expliquait, je peux vous dire en scoop qu'il va vous dire que quand vous vous adressez au gens à propos de la Palestine, il faut que vous soyez universels. Il faut que vous teniez un discours qui ne soit pas un discours pour convaincre seulement les musulmans ou les croyants, mais pour convaincre tout le monde. Donc avec des valeurs communes.

Et c'est ce que j'ai essayé de faire aussi en expliquant les principes de la propagande de guerre parce que si vous pouvez expliquer comment l'information est faite, ou plutôt n'est pas faite, à des gens, qu'ils soient musulmans, juifs ou non croyants vous pourrez les convaincre en leur disant « c'est une guerre injuste, c'est une guerre des puissances coloniales riches contre la population, c'est guerre basée sur le mensonge, si vous arrivez à démontrer ça, alors vous aurez effectivement été universels et efficaces).

Je reviens ce papier sur cette manifestation, contre cette manifestation, et là les trois auteurs disent « nous nous adressons à la gauche, notre famille politique », bon tous les gens de gauche heureusement ne sont pas comme ça, « camarades, cessez de fermer les yeux face à la montée en puissance d'un cléricalisme musulman, intolérant, impérialiste et anti progressiste ». Voila, rien que ça. Donc le problème pour ces gens là, le problème qu'il ya en Belgique, ce que on aurait un impérialisme musulman anti progressiste et raciste, dangereux, etc, etc. Là, on ne vit pas dans le même pays !

Parce que, quelles que soient les convictions, et les miennes sont ce qu'elles sont aussi, je pense que le grand problème que nous avons ici en Belgique, c'est que nous avons un gouvernement et des partis qui soutiennent Israël à fond, et je ne parle pas seulement du lobby sioniste qui évidemment est très important et influent sur les médias, mais ça va plus loin que ça : les dirigeants de nos grands partis gouvernementaux en Belgique misent sur Israël, ça c'est le cheval sur lequel on mise, parce que les États-Unis mais aussi l'Europe ont besoin au Moyen-Orient d'un flic. Israël est le flic du Moyen-Orient, le flic du pétrole, qui est chargé de maintenir les populations arabes dans la dépendance, dans la soumission, dans la peur des armes nucléaires, on nous parle que peut-être l'Iran va les développer, Israël en a 200 mais ça on n'en parle pas.

Le rôle de la gauche dans les pays occidentaux

Alors le problème que l'on a en Belgique c'est que justement on a une malheureusement une gauche de salon, qui n'ose pas appeler les choses comme elles sont, qui n'ose pas dire que oui il y a un impérialisme, mais c'est celui des États-Unis et d'Israël, et que c'est ça la grande menace qui frappe l'ensemble du monde et qui fait souffrir au Moyen-Orient, et que le problème, c'est que la Belgique et l'Europe sont complices, et que c'est la dessus que nous devons faire pression.

Alors justement, par rapport à cette gauche de salon, cette gauche frileuse, qui parle de Nasrallah mais qui sait absolument pas ce que Nasrallah dit et fait, et pourquoi c'est quelqu'un qui effectivement incarne une résistance à Israël importante, je reviens du Liban, j'ai parlé avec plein de Libanais et pas seulement des arabes, et c'est évidemment la résistance et il faut la soutenir. Vous savez par rapport à ce genre de texte il y a une phrase d'un écrivain français qui s'appelle Régis Debray qui me semble très éclairante : Décrivant la mentalité qui domine chez les Franco-Français ou les Belgo-Belges etc, et notamment dans cette gauche là, il disait « ils ont enlevé leur casque colonial, mais en dessous la tête est restée coloniale ».

Il y a une mentalité dans cette gauche, bon la Belgique est quand même un pays qui a colonisé le Congo, qui a commis des crimes atroces contre la population noire là bas, quand j'étais jeune on me racontais dans les manuels scolaires « chez les bon père catholiques etc » que les noirs étaient fainéants, qu'ils étaient stupides, et que « heureusement qu'ils nous avaient pour un petit peu les élever ». Et on ne m'a jamais parlé de ces crimes de Léopold II, qui était notre Hitler à nous au Congo, il faut avoir le courage de le dire, on ne m'en a jamais parlé et c'est bien plus tard que je l'ai découvert.

Je pense que ces choses là, ça marque la mentalité des gens ici, il faut le savoir, il faut en tenir compte, il faut pas les blâmer, il faut pas les agresser ou les rejeter, il faut simplement comprendre comment ils ont été formés ou plutôt déformés, et donc élaborer une stratégie intelligente pour en parler avec eux et pour les faire avancer. Je voudrais... bon je vais arrêter parce que j'ai encore quelque chose à dire mais je suis en limite de temps... (Encouragements dans le public, NDT), je suis en train de négocier là avec le président... donc je prend un peu de temps, mais je voudrais qu'il y ait plus de temps pour vos questions parce qu'elles sont importantes et je ...Je voudrais juste dire, et s'il faut retenir une seule chose, alors c'est celle-ci : parler aux gens convaincus ça n'a pas d'intérêt, ça n'a pas d'utilité. Parler entre nous, se sentir bien entre nous, oui c'est agréable, mais ce n'est pas ça qui compte. Ce qui compte, c'est de parler aux non convaincus, aux gens qui ont été trompés, et de leur parler d'une façon convaincante. Et c'est là-dessus que nous devons réfléchir et débattre ensemble.

Internet

J'ai l'expérience, certains d'entre vous savent que j'anime un site Internet d'informations alternatives, nous diffusons une lettre chaque semaine avec une douzaine d'articles du monde entier, parfois j'en fais moi-même, et l'important... Internet nous offre des possibilités parce que là on n'a pas besoin de publicité, on n'a pas besoin d'argent, et là, la force des gens peut faire une information de qualité. Et là, c'est la chose que je voudrais vraiment vous dire. On essaye de vous faire croire que vous êtes impuissants, que nous n'avez pas de pouvoir, que l'information ce sont les experts et les gens riches qui la font, c'est faux.

L'information, vous pouvez la faire, vous pouvez chacun dans votre vie quotidienne, votre travail, votre école, être un journaliste, d'une autre nature que ceux d'en face effectivement, je ne jette pas la pierre sur les journalistes, c'est plutôt sur le système des médias, mais vous pouvez vous aussi être des journalistes, et je voudrais vraiment que la chose qui ressorte de tout ceci, c'est que vous n'êtes pas impuissants, vous avez un pouvoir, vous avez vraiment une capacité d'action, et si nous voulons être solidaires des gens de Gaza et empêcher la prochaine agression, mais pas seulement les gens de Gaza, aussi le Venezuela, le Congo, l'Irak, et tous les pays qui vont être agressés s'ils résistent trop, si nous voulons ça, c'est à chacun de nous de s'engager dans cette bataille de l'information, dans cette bataille pour la vérité, je vous remercie.