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Certaines des molécules organiques découvertes dans les nuages moléculaires. On détecte leurs traces dans le rayonnement radio du milieu interstellaire avec des radiotélescopes comme celui de Green Bank, que l'on voit en arrière-plan.© Bill Saxton, NRAO, AUI, NSF
On pense que bien des molécules organiques ayant permis à la vie d'apparaître sur Terre se sont probablement formées dans l'espace avant d'être apportées sur notre planète par des comètes et des météorites. De nouvelles techniques d'identification ont permis de détecter les précurseurs d'une base de l'ADN et d'un acide aminé dans des nuages moléculaires à l'aide du radiotélescope de Green Bank.

Sagittarius B2 (Sgr B2) est un nuage moléculaire géant de gaz et de poussières qui se trouve à environ 120 parsecs du centre de la Voie lactée. C'est l'un des plus grands dans la Galaxie, couvrant une région de 45 pc de diamètre. La masse totale de Sgr B2 est estimée à 3 millions de fois la masse du Soleil, avec une densité moyenne de 3.000 atomes d'hydrogène par cm3, soit une densité environ 20 à 40 fois plus élevée que dans un nuage moléculaire typique.

Les températures dans le nuage peuvent varier de 40 K à 300 K selon la distance à laquelle on se trouve des lieux où des étoiles se forment. Les températures moyennes et la pression dans Sgr B2 sont donc faibles, et la vitesse des réactions chimiques y est extrêmement lente. Toutefois, Sgr B2 est en réalité très riche en molécules organiques complexes, à tel point que presque la moitié des molécules interstellaires connues ont été trouvées dans Sgr B2.

Les nuages moléculaires, des catalyseurs pour la chimie prébiotique

On a de bonnes raisons de penser qu'elles se forment dans la gangue de glace entourant des poussières silicatées. Cette glace interstellaire est composée en majorité d'eau amorphe et de petites molécules constituées des atomes les plus abondants du milieu interstellaire, c'est-à-dire hydrogène, oxygène, carbone et azote. Lorsque cette glace est soumise au rayonnement ultraviolet provenant d'étoiles proches, des processus de photodissociation peuvent conduire à la formation de radicaux hautement réactifs. Ces derniers peuvent se recombiner et conduire à la formation de nouvelles molécules plus complexes. La surface des grains de poussière joue donc le rôle de catalyseur.

Comme on sait que les systèmes planétaires se forment à l'intérieur de nuages moléculaires similaires et que des molécules organiques complexes ont été trouvées dans des météorites tombées sur Terre, il est naturel de postuler que la chimie prébiotique à l'origine de la vie sur notre planète, et probablement ailleurs sur des exoplanètes dans l'univers, a débuté à la surface des grains de poussières glacés.

Pour vérifier cette hypothèse et mieux comprendre les différentes étapes qui ont jalonné l'histoire du cosmos du Big Bang au vivant, on cherche donc dans des nuages moléculaires des précurseurs de molécules prébiotiques, susceptibles d'avoir participé à l'apparition de la vie sur Terre. De récents articles déposés sur arxiv font justement état de travaux conduits à l'aide du radiotélescope de Green Banket qui concerne Sgr B2.

Des précurseurs de l'adénine et de l'alanine

De nouvelles techniques de traitement du signal ont permis d'identifier plus rapidement et plus efficacement certaines des raies dans le domaine radio associées aux transitions quantiques entre états de rotations de molécules organiques complexes. C'est ainsi que l'on a découvert l'existence de nouvelles molécules au moyen d'observations réalisées de 2008 à 2011 avec le radiotélescope de Green Bank dans Sgr B2.

Il s'agit de la cyanométhanimine et de l'éthanamine. La première molécule est un ingrédient important pour des scénarios proposés pour rendre compte de la formation de l'adénine, l'une des quatre bases azotées constituant le code génétique dans l'ADN. La seconde est aussi importante, car elle jouerait un rôle important dans la synthèse de l'alanine, l'un des 21 acides aminés utilisés dans les chaînes peptidiques par le vivant pour fabriquer des protéines.

Comme le dit l'astrochimiste Anthony Remijan du National Radio Astronomy Observatory (NRAO), un des auteurs de la découverte, « l'existence de ces molécules dans un nuage de gaz interstellaire signifie que des éléments de construction importants pour l'ADN et les acides aminés peuvent ensemencer des planètes nouvellement formées ».

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