Traduit par Equipe Signes des Temps

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Une comète néolithique

(Paru dans une anthologie : "God, the universe and men - Why do we exist?" ("Dieu, l'univers et les hommes - Pourquoi existons-nous ? ») (ed. Wabbel, T.D.), Patmos, Düsseldorf, 2003 (original en allemand).

Les comètes sont des jokers dans l'ensemble des corps célestes. Elles font irruption, habituellement sans prévenir, dans la progression ordonnée du ciel. Elles traversent la sphère céleste durant des semaines ou des mois, avec une ou plusieurs queues croissantes, avant de s'estomper et disparaître de la vue. À de rares occasions, une comète peut être une vision effrayante, et la littérature historique des deux mille ans passés est parsemée de récits de peur provoquée quand une grande comète, avec sa queue rouge enfumée déchirant le ciel, apparaît dans le ciel nocturne. Dans un passé éloigné, les comptes rendus de ces apparitions étaient souvent amalgamés à des histoires de désastres sur Terre. Une comète appelée Typhon dans la mythologie grecque était liée à une inondation mythologique et la légende de Phaéton, dans laquelle le chariot du Soleil dévia de sa route et où la Terre fut brûlée et puis inondée, peut décrire un impact de météorite exceptionnel. Il y a de bonnes preuves que le ciel néolithique était dominé par une comète géante récurrente et que la Terre passait annuellement à travers une tempête de météores d'une énorme intensité. L'origine de la religion date de ces époques et peut être reliée à ce ciel nocturne spectaculaire. La probabilité que les mythes cosmiques, les mégalithes et l'art datant de cette époque puissent avoir été des réponses sur le sol à des menaces dans le ciel est passée dans les années récentes de l'imagination de Velikovsky à un sujet de discussion érudite sérieuse. À des époques plus scientifiques, aussi, il était souvent suggéré qu'une comète frappant la Terre pourrait créer un chaos mondial. Par exemple, des rencontres passées avec la comète de Halley étaient censées avoir coïncidé avec le déluge de Noé en 2342 av. J.-C.

Cette vision catastrophique de l'histoire de la Terre a été populaire largement jusqu'à la fin des années 1830. À partir du milieu du 19e siècle environ, cependant, elle a été supplantée par une vision uniformitarisme, du moins dans le monde anglo-saxon. Cela s'est produit en partie parce que les géologues en sont venus à reconnaître que le paysage terrestre avait été formé sur de longues périodes de temps par des forces graduelles, par l'érosion et une lente formation des montagnes. Les astronomes ont aussi joué leur rôle dans ce changement de perception. Plusieurs comètes revenant périodiquement ont été trouvées associées à des flots de météores annuels. Il semblait que l'état final des comètes n'était rien de plus excitant qu'un essaim de poussières. À l'époque victorienne, l'univers était vu comme une toile de fond des affaires de la Terre plus ou moins hors de propos. Les scientifiques étaient libres d'expliquer l'évolution sans être entravés par des pensées de perturbation céleste. Les renaissances occasionnelles de la vision mondiale catastrophiste devinrent le domaine des cinglés. Ce long sommeil dura jusqu'à la fin des années 1970.

Le destructeur des mondes

Débutant à la fin des années 1970, une renaissance du catastrophisme est finalement apparue. Quelques facteurs apportèrent ce changement de perception. Primo, des relevés du ciel avec télescopes à grand angle révélèrent l'existence d'une population de petits astéroïdes à grande vitesse, rendant les impacts sur Terre des événements tout à fait communs à des échelles de temps géologiques. Secundo, de grands cratères d'impacts ont été trouvés sur Terre en nombres croissants. Habituellement, ceux-ci étaient recouverts de sédiments ou étaient devenus méconnaissables, étant vus par des géologues avec une pensée terrestre comme rien de plus que, disons, des lacs circulaires. Un exemple est le lac Manicouagan au Canada, de 80 km de diamètre, environ la taille du cratère d'impact Copernicus sur la Lune. Les cadences d'impact à partir des indices sur le terrain et dans le ciel convergent vers la même image : la Terre est une planète fortement bombardée

À partir de ces nouvelles preuves, il ne fut pas long de déduire que les grandes extinctions massives qui peuplent les relevés de fossiles peuvent avoir été provoquées par des forces célestes. Après tout, une comète ou un astéroïde de 10 km frappant la Terre à 25 km par seconde libérerait une énergie de 100 millions de mégatonnes, équivalente à une petite bombe à hydrogène sur chaque kilomètre carré de la surface de la Terre. Il est difficile de croire qu'un tel événement ne laisserait pas de traces géologiques ou biologiques ! Un mécanisme tueur pourrait être l'éjection de poussière, occultant la lumière du Soleil, abaissant la photosynthèse et effondrant ainsi la chaîne alimentaire à la base. La chaleur générée par un grand impact, dispersée globalement par des débris ardents, est un autre mécanisme tueur possible : le monde serait sujet à une pluie de feu. Il n'est pas surprenant que beaucoup de gens (Urey en 1975, Napier & Clube en 1979, Alvarez en 1980), aient proposé au cours des années que les impacts énormes sont liés aux extinctions massives de la vie comme les extinctions des dinosaures il y a 65 millions d'années.

Contrairement à la littérature populaire, cependant, il est improbable que les bolides de 10 km de diamètre qui créent les plus grands cratères sur Terre soient des astéroïdes. Les astéroïdes dans la ceinture entre Mars et Jupiter sont confinés sur des orbites très stables. Pour être éjecté de la ceinture, un astéroïde doit être poussé par collision de son orbite stable sur une orbite proche et instable.

Ce mécanisme d'éjection des astéroïdes fonctionne probablement pour des objets de la taille du kilomètre, mais un gros astéroïde est trop difficile à dévier. Les tueurs majeurs alors - les destructeurs planétaires - sont probablement des comètes ou leurs débris. Mais dès que nous regardons les comètes comme les agents des extinctions massives, nous entrons dans un tout nouveau domaine. Et décisivement, les objets les plus massifs qui entrent dans l'environnement proche de la Terre sur des échelles de temps géologiquement intéressantes sont de rares comètes géantes (disons 100 à 200 km de diamètre).

Il est très improbable qu'un tel monstre ait frappé la Terre durant le dernier milliard d'années, sinon il aurait stérilisé la planète. Le sort d'une comète à courte période approchant du Soleil est de se désintégrer. La poussière créée par une très grande comète formera un disque temporaire autour du Soleil, à l'intérieur duquel la Terre orbitera. Actuellement, nous sommes immergés dans un tel disque, le nuage zodiacal. Cependant, dans le sillage d'une désintégration d'une comète géante, la masse de ce nuage zodiacal accroîtra des centaines ou des milliers de fois sa masse actuelle. Immergés dedans, se trouveront des débris plus grands, allant de graviers glacés centimétriques à des fragments de plusieurs kilomètres de la comète d'origine. Le résultat est que pour une période de dizaines de milliers d'années suivant l'arrivée dune super comète, l'environnement de la Terre devient extrêmement dangereux. Des petites particules de poussière peuvent affluer pour la durée de vie active de rares comètes géantes - ce qui peut être des millénaires. Le refroidissement résultant peut diminuer le niveau des océans de quelques centaines de mètres, changeant la vitesse de rotation de la Terre et provoquant des contraintes à l'interface noyau-manteau comparables à celles impliquées dans le mouvement tectonique des plaques. Des variations climatiques rapides, coupées probablement par des perturbations tectoniques mondiales, sont ensuite attendues. Une extinction cosmique massive est ensuite une affaire bien plus compliquée qu'un simple impact énorme. C'est plutôt une affaire d'impacts multiples couplés peut-être avec du volcanisme, des épanchements de lave et des changements climatiques rapides étendus.

Il se trouve que cette image plus complexe correspond nettement mieux aux relevés détaillés des événements aux limites d'extinction bien étudiées, en particulier les extinctions par étapes et les sévères refroidissements de la Terre il y a 36 à 39 millions d'années, et les extinctions des dinosaures il y a 65 millions d'années qui étaient précédés par un réchauffement d'effet de serre rapide sur 200 000 ans suivi par un refroidissement durant les derniers 300 000 ans, accompagné par un épanchement massif de lave en Inde au cours de la même période et le dépôt de plusieurs couches de petites sphérules au Mexique, dans l'Océan Indien et autres endroits, indiquant probablement une multiplicité d'impacts. Les extinctions de nombreuses formes de vie comme les bivalves, les ammonites et les rudistes[1]étaient bien en cours longtemps avant le gros impact qui créa le cratère Chicxulub de 170 km il y a 65 millions d'années.

La connexion galactique

L'arrivée des comètes donne aussi une structure au relevé terrestre des catastrophes. Beaucoup de comètes dérivent du nuage d'Oort, un grand essaim comprenant 100 milliards de comètes ou orbitant à des distances jusqu'à 50 000 unités astronomiques, un quart du chemin vers la plus proche des étoiles. Les comètes orbitant au-delà de cette distance seraient envoyées dans l'espace interstellaire par l'action gravitationnelle des étoiles et des nébuleuses qui passent tout près. Le Soleil a une emprise gravitationnelle ténue sur les comètes du nuage d'Oort et il n'est pas surprenant que le nuage d'Oort soit sensible à l'environnement galactique. Il est perturbé de temps en temps par des étoiles qui passent, par des nébuleuses massives ou quand le système solaire pénètre dans les bras spiralés de la Galaxie - car notre Galaxie est une spirale à bras ouverts. Toute perturbation de ce type envoie un essaim de comètes qui plongent dans le système planétaire intérieur et avec de la chance nous pourrions être capables de voir les effets des pénétrations dans les bras de la spirale ou du passage d'une nébuleuse dans le relevé géologique.

En fait, quand nous examinons la distribution des âges des cratères d'impact terrestres bien datés, dont il y en a moins de cinquante, un modèle remarquable apparaît. Il existe une concentration distincte des âges, avec des épisodes d'impact nettement identifiables (sept au cours des derniers 250 millions d'années). La plupart des plus grands cratères appartiennent à ces épisodes d'impact. Il semble qu'il y ait une 'bruine' de petits impacts - probablement des égarés de la ceinture des astéroïdes - sur lesquels sont superposés de puissants épisodes de bombardement, chacun comprenant un essaim de projectiles, comprenant des impacteurs majeurs produisant des collisions d'une énergie de 50 à 100 millions de mégatonnes. On peut s'attendre à ce que des épisodes de bombardement de cette sorte produisent des extinctions massives de la vie et des perturbations géologiques correspondantes et bien sûr une corrélation, quoiqu'une très imparfaite, existe.

Remarquablement, les deux plus grandes extinctions massives coïncident avec des passages du système solaire à travers les bras spiralés de la Galaxie. La vie la plus proche qui s'est éteinte à l'époque précambrienne semble avoir été l'événement du Permo-Triassique il y a 245 millions d'années, quand peut-être 95 % des espèces se sont éteints. À cette époque, le système solaire passait à travers un bras spiralé connu comme le bras Scutum. Et il y a environ 60 à 70 millions d'années, couvrant l'époque de l'extinction massive du Crétacé-Tratiaire, le système solaire passait à travers le bras du Sagittaire. Sans ce passage, les dinosaures pourraient bien être encore avec nous et l'homo sapiens n'existerait probablement pas : nous sommes des enfants de la Galaxie.

Et pourtant, la vie a survécu et semble avoir existé sur Terre, sans aucun doute survivant pendant longtemps à de nombreux impacts et autres perturbations cosmiques. La preuve de la vie précambrienne est forte et a été rapportée il y a aussi longtemps qu'en 1858, peu de temps après la publication de L'Origine des Espèces. La plus forte preuve pour cela vient des dômes de stromatolite - des précipités des activités métaboliques de microorganismes du sol marin - qui ont été trouvés dans des roches vieilles de 3 500 millions d'années dans l'Ouest de l'Australie.

Antérieurement à cela, nous entrons dans l'ère de ce qu'on appelle le Grand Bombardement Tardif (2]. C'était une époque, comprenant les premiers 10 % de l'histoire de la Terre quand le taux d'impacts était peut-être un millier de fois plus élevé qu'au temps présent : les highlands lunaires fortement cratérisés appartiennent à cette ère. La chaleur générée par ces grands impacts, à cette époque, aurait élevé à plusieurs reprises la température de la croûte à plus de 100 °C et donc stérilisé la Terre. Probablement, les océans ne pourraient exister parce qu'ils seraient en ébullition. Quelle que soit la cause de ce bombardement gigantesque, il semble s'être terminé brutalement il y a environ 3,8 milliards d'années. Il est frappant qu'on trouve de la vie sur la Terre aussitôt que ce bombardement s'est apaisé.

Sans Jupiter et Saturne, les comètes arrivant du nuage d'Oort soumettraient la Terre à un bombardement soutenu comparable à celui de la jeune Terre. Mais ces planètes géantes agissent comme de puissants aimants, déviant gravitationnellement les comètes à longue période du système planétaire intérieur. Nous devons notre existence à Jupiter et Saturne. Cela soulève une contrainte intéressante sur l'existence des formes de vie basées sur le carbone dans d'autres systèmes solaires : un environnement protégé est essentiel. L'argument est tout à fait général et ne dépend que des énergies cinétiques et des fréquences d'impact des petits corps qui sont vraisemblablement un accompagnement universel aux systèmes planétaires. Nous n'en savons pas suffisamment sur les autres systèmes planétaires pour dire comment ces environnements sont probablement communs. C'est un ingrédient de plus à jeter dans le pot anthropique.

L'évidence du passé de la terre est que la vie a une capacité à résister aux frondes et flèches cosmiques sur de très longues périodes, pourvu que ces impacts ne soient pas trop énergétiques au point de stériliser la planète. Cela doit se résumer aux pouvoirs de réplication de la vie. Un seul microorganisme avec un temps de réplication d'une heure, survivant à un grand désastre cosmique, réapprovisionnerait sous un an un océan riche en nutriments.

Un mécanisme pour une panspermie interstellaire

Ce pouvoir de réplication a mené à spéculer que, peut-être, la vie est un phénomène cosmique plutôt que simplement terrestre, flottant dans la Galaxie et prenant racine où elle peut. Si c'est ainsi, cela affecterait profondément notre perception de la signification cosmique de la vie. Mais nous avons besoin d'un mécanisme pour une panspermie interstellaire. Et ici, de manière inattendue, les comètes géantes semblent le fournir.

Il est évident depuis longtemps qu'un grand impact peut éjecter des matériaux d'une planète. Les stries du cratère Tycho, facilement observables aux jumelles, couvrent tout l'hémisphère lunaire et sont une preuve que des matériaux peuvent être envoyés à des milliers de kilomètres d'un site d'impact. Un grand impact rapide sur le sol de la Terre enverrait une masse de roches terrestres égale à une fraction d'un pour cent de la masse de l'impacteur en orbite autour du Soleil. La plupart de ces matériaux seraient rapidement capturés par la Terre, une partie tombera finalement sur le Soleil, mais une petite proportion, sujet à la faible influence des perturbations planétaires aléatoires serait finalement éjectée du système solaire. On estime que quelque chose comme 10 tonnes de matériaux de surface de la Terre, à cause d'impacts terrestres passés flottent dans l'espace interstellaire chaque année. Un gramme de sol rocheux pauvre peut contenir 10 millions de microbes et les microorganismes occuperont chaque micro fissure dans un bloc rocheux. Protégés de la lumière ultraviolette, il est probable que les microorganismes pourraient survivre durant, disons, une centaine de milliers d'années avant que les rayons cosmiques ne les détruisent finalement. Ce chiffre peut être prudent : des temps de survie de 100 millions d'années contre les rayons cosmiques ont été proposés.

Ici, cependant, nous avons un problème. Sous la forme d'une poignée de blocs rocheux, de tels éjectas se perdraient dans l'espace interstellaire. Il est improbable que tout bloc rocheux porteur de vie depuis la Terre n'ait jamais atterri sur une autre planète : les distances à couvrir sont trop grandes.

Mais la situation change radicalement si, quand les blocs rocheux porteurs de vie sont éjectés de la Terre, ils sont ensuite érodés en particules sub-microscopiques. Une particule de quelques microns de diamètre est rapidement éjectée du système solaire par la pression solaire. Une érosion rapide se produit quand une comète géante est envoyée sur une orbite à courte période et croise l'orbite de la terre. Dans ce cas, la masse du nuage zodiacal est augmentée de deux ou trois puissances de dix. Un bloc métrique, frappé à 15 km/s par les particules de poussière cométaire, peut être réduit à des particules microniques sous une décennie. Ces comètes sont envoyées sur des orbites convenables tous les 100 000 ans environ et le processus n'est pas rare.

Le résultat de cette érosion rapide est, non une poignée de corps, mais peut-être 1018 particules envoyées chaque année dans l'espace interstellaire. La Terre devient entourée par une biosphère en expansion d'une taille de plusieurs années-lumière, contenant un grand nombre de particules de poussière porteuses de vie.

Le passage du système solaire à travers ou près d'une nébuleuse qui forme des étoiles se produit tous les 100 millions d'années environ, et ces particules porteuses de vie seront injectées directement dans des systèmes protoplanétaires. De cette manière, pourvu que les systèmes avec la capacité de soutenir la vie soient créés dans le processus de formation des étoiles, alors les codes nécessaires pour la réplication seront déjà présents. Supposons que nous ayons commencé avec une Galaxie dans laquelle les planètes réceptives à la vie soient communes mais sur lesquelles la vie n'a pas encore pris. Alors avec un ensemencement initial de la Terre seule, tout le disque galactique deviendrait porteur de vie sous quelques milliards d'années. La vie se répandrait comme une réaction en chaîne dans une explosion nucléaire.

Tout comme la notion des comètes comme destructrices de mondes est très ancienne, de même leur notion comme créatrices l'est aussi. En 1790, Sir William Herschel a présenté une vision du monde dans laquelle les comètes se déplaçaient d'un système solaire à un autre, renouvelant la vie à leur passage. Il n'y a rien de nouveau sous le Soleil !

Et donc il se trouve que ces rares grands corps glacés - les comètes géantes - ont bien plus de signification pour la vie que nous pouvions nous y attendre. L'une d'elles peut avoir eu un effet profond sur la manière dont nos ancêtres ont perçu le monde autour d'eux. Elles peuvent avoir été un facteur majeur dans l'évolution de la vie sur notre planète. Et elles peuvent aussi avoir joué un rôle vital dans l'expansion de la vie dans notre Galaxie.

[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Rudiste - NdT

[2] http://fr.wikipedia.org/wiki/Grand_bombardement_tardif - NdT