Les médicaments que nous consommons sont-ils sûrs ?

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Portrait de David Healy
Un nouveau livre intitulé Pharmageddon, l'expert international David Healy, médecin de profession, nous offre un tableau sombre de données trafiquées et d'essais boiteux sur les médicaments, avec les grandes règles de falsification des résultats des traitements qui, selon lui, caractérisent l'industrie pharmaceutique d'aujourd'hui.

Le Dr. Healy, dans une récente interview, offre ses conclusions qui ne manqueront pas de déciller les yeux d'un certain nombre, concernant l'évidence des pratiques douteuses en place, non seulement aux États-Unis mais de par le monde entier.

Mme Rosenberg: «De nombreuses personnes seront choquées d'apprendre que ces abus ne se limitent pas aux seuls États-Unis, où il est légal de promouvoir les médicaments directement aux consommateurs par le biais de la publicité, mais aussi en Europe».

Le Dr. Healy: «La situation est identique. L'industrie pharmaceutique les organisations sociales de la santé encore plus faciles à exploiter. Bien qu'il n'y ait pas de publicité directe on dépense beaucoup d'argent pour promouvoir ces médicaments aux médecins qui en sont les vrais acheteurs. Or ces médecins sont aussi soumis à certaines règles incontournables concernant la médication, à savoir qu'à l'évidence l'industrie pharmaceutique fait tout pour laisser les patients dans l'obscurité la plus totale sans qu'ils puissent s'en rendre compte».

Mme Rosenberg: «Beaucoup pensent que le Royaume-Uni ne connaît pas ce type de problèmes ni l'influence de l'industrie pharmaceutique comme aux États-Unis, du fait du modèle socialisé des structures sanitaires. Mais le Texas Médication Algorithm Project (TMAP), conçu et soutenu financièrement par les entreprises pharmaceutiques américaines fonctionne finalement de manière quasi identique au National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE) des Britanniques».

Dr Healy: «Malgré des différences d'étiquette, type public/privé, ces deux types d'organisations recommandent l'utilisation d'antipsychotiques de marque tel que le Risperdal, le Zyprexam, le Seroquel avant d'aller utiliser des antipsychotiques d'ancienne génération dont le prix est plus abordable, ce qui enrichit fortement le milieu. Dans les deux cas, aux États-Unis comme en Europe on pense avant tout au bien-être des compagnies qui produisent ces médicaments en fermant les yeux sur les déboires des cliniques d'Asie ou d'Europe de l'Est».

Mme Rosenberg: «Dans Pharmageddon, vous relatez comment la surveillance des essais en clinique s'est transmise aux hôpitaux et aux universités pour nourrir un système géré par les laboratoires de recherche ou le CRO (Contract Research organization, entreprise privée qui gère les études de recherche préclinique), dont le but est de faire du profit».

Dr Healy: «Les laboratoires pharmaceutiques ont étendu vers l'étranger toutes leurs opérations pour développer la vente de leurs produits et ont poussé leurs essais cliniques à être propagés par les scientifiques et les universitaires afin qu'ils n'aient plus d'autre rôle à tenir que celui d'un organisme commercial tout simplement. À chaque étape ils ont créé une atmosphère de responsabilisation qui aurait appartenu à la tradition, de ce fait personne n'a jamais rien contesté et cela peut continuer».

Mme Rosenberg: «Il y a eu des rapports sur les risques pour les sujets humains dans les essais d'outre-mer et d'autres concernant des pots de vins et de nombreuses irrégularités dans le protocole. Qui supervise l'éthique des essais de sous-traitance et la qualité de leurs données?».

Dr Healy: «Les essais cliniques sont supervisés par des comités de protection des personnes, ce sont des institutions privées, qui se renflouent grâce aux organisations qu'elles régissent.

Une étude récente menée pour l'antipsychotique Abilify démontre les dangers de sous-traitance des essais cliniques. Sur la base d'environ 28 essais aux États-Unis, Abilify s'est montré inapte à stabiliser l'humeur de manière prophylactique contrairement à ce qui a été clamer par les producteurs. Lorsque les données ont été modifiées, avec des essais provenant du Mexique, le médicament fonctionnait officiellement».

Mme Rosenberg: «Dans votre livre vous accusez la plupart des puissances pharmaceutiques d'induire les gens en erreur et d'offrir des données opaques et déformées à la source du mal».

Dr Healy: «Sans accès aux données sur les médicaments bruts, les professionnels de la santé sont incapables de pratiquer une médecine responsable ou de donner des directives. Pourtant l'industrie pharmaceutique, à quelques rares exceptions, refuse de publier les données et de les partager avec les praticiens. Il en résulte que les directives des médecins sont réduites à n'être que des fictions et que les médecins sont en manque des informations nécessaires à un stade critique, pour prescrire et traiter les patients. Pharmageddon soutient que l'obstruction des données et l'utilisation de nègres ont donné lieu à des articles dans des revues médicales qui ont fait du Vioxx, un médicament de traitement hormonal, et du Neurotin, utilisé contre l'épilepsie, des produits sains alors qu'ils ne l'étaient pas».

Mme Rosenberg: «Un autre exemple que vous donnez est un article dans le Journal de pédopsychiatrie de l'Académie Américaine dans lequel GlaxoSmithKline (GSK) a permis de faire de l'antidépresseur Paxil un produit sûr en dissimulant les données brutes. Ensuite la rédactrice en chef du journal, Mina Dulcan, a déclaré au sujet du détail manquant, le fait que le Paxil pouvait avoir un effet secondaire poussant les enfants au suicide: 'Je ne peux pas contrôler les auteurs. Non, je n'ai pas de regrets'».

Dr Healy: «Si nous recevions nos infos sur les médicaments par le New York Times, au lieu des revues médicales, nous serions tous beaucoup mieux protégé. Lorsque le journaliste du Times Jayson Blair a été accusé de fabriquer ses histoires, il y a eu une affaire. Mais les éditeurs et les écrivains concernés par les fraudes des revues médicales sont toujours en place et les articles n'ont même pas été retirés. En fait, Liz Wagerm le président du Comité d'éthique des publications (COPE) est elle-même un pion de l'industrie pharmaceutique».

Mme Rosenberg: «Votre livre décrit de nombreux conflits d'intérêts, notamment le leadership de COPE, qui sont formels et sont à l'origine d'une boucle qui se referme sur elle-même dans la désinformation, surtout à cause de l'argent généré par ces industries. Comment la lumière et la transparence pourraient transpercer le mal?».

Dr Healy: «Certains de mes collègues et moi-même sommes en train de peaufiner un site web gratuit qui offre les informations précises de la FDA medwatch (Food and Drugs Administration medical watching, administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments) nécessaires, avec d'autres informations cruciales, sous forme de rapports détaillés, sur les médicaments, pour que les gens ne soient plus les victimes des effets secondaire négatifs de certains traitements.

D'autre part ce site permettra aux gens affectés de s'exprimer, peut-être pour la première fois. Le site, appelé RxISK.org, aide aussi les patients à déposer leurs propres rapports des événements indésirables aux autorités américaines et canadiennes, avec d'autres pays à suivre.

Pendant trop longtemps les patients, les médecins et les pharmaciens ont été isolés les uns des autres face aux problèmes rencontrés des effets indésirables, avec pour seul support informatif les messages de l'industrie pharmaceutique. Cela les aidera à communiquer directement».

L'ouvrage Pharmageddon a été publié par la maison University California Press et est disponible dès maintenant.

David Healy est un professeur en psychiatrie à l'Université de Bangor: Ancien secrétaire de l'Association Britannique pour la Psychopharmacologie et auteur de plus de 150 articles consultés par ses pairs, 200 autres pièces, et 20 livres, dont L'ère de l'antidépresseur et La création de la psychopharmacologie édités par la Harvard university Press, Les psychopharmacologues, Volumes 1-3, Laissons les manger du Prozac, Mania et Pharmageddon. Il a aussi été appelé en tant qu'expert à témoigner sur les homicides, les suicides et à prendre part aux enquêtes judiciaires impliquant des anomalies congénitales dues aux médicaments psychotropes. Enfin il s'est engagé à mettre à jour les problèmes de ces médicaments à l'intention des organismes de réglementation américains et britanniques, à les sensibiliser sur la manière dont les organismes pharmaceutiques vendent leurs médicaments en faisant des maladies un commerce et en unissant les opinions des dirigeants universitaires à l'aide de nègres pour rédiger leurs articles.

Martha Rosenberg est une journaliste spécialisée dans la santé et un auteur qui vit à Chicago.

Version anglaise: Author David Healy Discusses 'Pharmageddon'