Sous la chaleur accablante, est-ce l'attention du peuple ou le bon sens des politiciens qui s'évapore en premier ? Telle est la question que l'on pourrait se poser en découvrant les activités du Parlement durant le mois de juillet.

Assemblée nationale, Paris France
© Inconnu
Marqués par les images de sénateurs qui jouent au Ruzzle ou de députés qui s'assoupissent sur leurs vieux pupitres, l'on oublie parfois qu'il se passe quelque chose dans ce fichu Parlement, et que si l'Assemblée nationale et le Sénat ont parfois des allures de cour de récréation, au moins quelques points les font différer d'une école maternelle, à commencer par leur calendrier, qui s'étoffe parfois en été, atteignant souvent des cadences infernales.

Ce fut le cas dernièrement, puisque députés et sénateurs furent exceptionnellement convoqués du 2 au 25 juillet afin d'expédier quelques textes qui méritaient pourtant débat. À l'ordre du jour, 25 projets de loi, neuf propositions, huit projets d'accords internationaux qui attendaient approbation. Recherche sur l'embryon, création d'un procureur financier, consommation, activités bancaires, transparence de la vie publique, cumul des mandats et décentralisation sont autant de sujets essentiels qui furent discutés dans la précipitation d'une session extraordinaire.

C'est dans cette agitation sans trêve que l'Assemblée nationale a adopté, ce 23 juillet, après quatre jours de discussion, à 294 voix contre 235, le texte sur les métropoles (collectivités territoriales : modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dont chacun peut librement prendre connaissance.)

Que veut dire ce texte ? L'« affirmation » des métropoles, chers amis, signifie en jargon politique l'effacement des communes et des départements tout comme la « modernisation » signifie bien souvent l'allégeance à des structures lointaines et inaccessibles.

Le Val-de-Marne, la Seine-Saint-Denis et les Hauts-de-Seine seront fusionnés dans la Métropole du Grand Paris ; un ensemble de six communes dans la Métropole Aix-Marseille-Provence ; et une partie du département du Rhône s'ajoutera à la Métropole de Lyon. Les structures territoriales de plus de 300.000 habitants dépendront ainsi des décisions métropolitaines au détriment des maires qui se contenteront de jouer les petites assistantes sociales. C'est un rude coup que l'on porte à la démocratie locale.

Tandis que les socialistes voient en ce changement un remède à la « complexité » des structures territoriales, la droite et le Front de gauche s'unissent dans un élan commun pour dénoncer ce « coup de force du gouvernement » et la création d'un « monstre technocratique ». Y a-t-il plus révélateur que cette connivence soudaine ?

Ce changement colossal dans nos institutions fut traité comme une affaire banale et les nombreux rappels au bon sens qui jalonnèrent sa route n'entravèrent pas son passage en force. Qu'importe que tant d'élus aient fui la chaleur du palais Bourbon et soient déjà en vacances, que ceux qui restent attendent le départ avec une hâte non dissimulée, que nombre de députés n'aient pas compris le fonctionnement de la loi et les structures nouvelles censées la sous-tendre ou que cette discussion nécessite autant de sérieux que de temps. Un amendement gouvernemental est même venu s'ajouter comme une fleur au projet initialement défendu au Sénat.

Si cette immense métamorphose trop facilement dérobée par la gauche en ces temps de torpeur demeurait au moins fidèle à ses prétentions de départ et engendrait, comme ce fut martelé, la simplification des institutions, l'on pourrait y trouver une satisfaction partielle. Mais si c'est en réalité la complexité qui s'accroît comme le déplorent tant d'élus de tous bords, que reste-t-il à ce texte pour se défendre ?

Cette loi qui voudrait faire triompher le lointain sur la proximité, le global sur le partiel, se chargera d'exclure encore davantage l'individu de la vie politique en le tenant à l'écart des décisions qui le concernent. Comme l'homme fut arraché à sa tribu, le citoyen est séparé de sa cité. C'est un véritable désordre naturel et anthropologique qui se perpétue et s'accroît sous l'impulsion d'un gouvernement peu soucieux des considérations démocratiques.

La session extraordinaire, normalement réservée aux textes jugés indispensables dont les sessions ordinaires n'ont pu venir à bout, fait office de fourre-tout et, depuis un an, la procédure d'urgence (ou procédure accélérée), qui consiste à ne lire un texte qu'une seule fois dans chaque Chambre, fut utilisée pour 30 textes sur 46.

À droite comme à gauche, de nombreux élus le soulignent : de telles cadences sont nuisibles à toute qualité et ne peuvent que favoriser l'anticonstitutionnalité, déjà survenue en octobre 2012 avec la loi sur le logement.

Le texte portant sur les métropoles sera soumis en seconde lecture au Sénat à la rentrée. À nous, cette fois, d'être présents et de garder un œil attentif sur ce qui nous regarde.

http://www.assemblee-nationale.fr
http://www.senat.fr/
http://www.publicsenat.fr

Certains soutiennent que les politiciens ne travaillent pas assez. Nous avons la preuve du contraire, même s'il n'est finalement pas certain que cela soit bien souhaitable.