la main d'or
© Alain Jocard. AFPLe théâtre de la Main d'or, à Paris, où se produit régulièrement Dieudonné.
ENQUÊTE - Un ex-paparazzi et le patron d'un site ont pris pour cible l'« humoriste » et son entourage et utilisent tous les moyens pour le mettre hors jeu.

Sur les talons de Dieudonné, il y a la justice, le ministre de l'Intérieur et quelques associations antiracistes. Il y a aussi, et c'est moins connu, deux francs-tireurs aux méthodes peu orthodoxes : Jean-Claude Elfassi et Jonathan-Simon Sellem, qui agacent et intriguent dans le camp du polémiste condamné six fois pour antisémitisme. Le premier, un ex-paparazzi plein aux as, s'est vu notifier une citation directe pour « injures publiques » à l'encontre de Noémie Montagne, la compagne de Dieudonné ; une procédure similaire est envisagée à l'encontre du second, « journaliste sioniste », comme il se définit.

C'est sur Internet qu'exercent, chacun de leur côté, les deux hommes. Depuis fin décembre, Elfassi a publié sur son site de nombreux documents confidentiels liés à Dieudonné ou à son entourage : échanges de mails, liste de donateurs ou encore relevés bancaires. Plusieurs de ces informations ont été confirmées et reprises par les médias. Comme le fait que le théâtre de la Main d'or, QG de « l'humoriste », ne dispose pas de licence d'exploitation ; ou encore que les propriétaires, identifiés par Elfassi, souhaitent expulser leur encombrant locataire. « Je ne savais presque rien de Dieudonné, assure-t-il, c'est une amie qui m'a parlé de ses propos. J'ai aussitôt décidé de m'y attaquer. » Après vingt-huit ans de carrière dans l'investigation et la presse people, l'homme dispose d'un bon réseau d'informateurs, et d'une certaine aisance matérielle.

Piratage. « Travaille moins et gagne plus en me donnant tes infos », annonce son site. « Je vais vers les gens qui ont ce que je cherche et propose de payer, assume-t-il. Pour l'instant, l'affaire Dieudonné m'a coûté 10 000 euros. »A l'occasion, Elfassi ne recule pas devant le piratage informatique. Ni devant d'« amicales » pressions, comme il reconnaît en avoir exercé sur les propriétaires de la Main d'or, hommes d'affaires juifs soucieux de discrétion, pour les pousser à l'action. Toutefois, il refuse d'être présenté en défenseur d'une communauté : « Je suis juif, mais je ne m'identifie pas à une religion, un groupe ou un Etat, jure ce Franco-Israélien, qui aurait effectué son service en Israël. Je n'ai même jamais voté de ma vie. »

C'est aussi en franc-tireur qu'il a, le plus souvent, exercé son métier de journaliste. Du reportage de guerre à la presse people en passant par l'investigation, Elfassi a roulé sa bosse - avec succès, mais sans égards excessifs pour la déontologie. « Dans les années 90, lors des attentats à Paris, j'étais le seul à passer derrière les cordons policiers pour filmer les victimes », se targue-t-il. Au début des années 2000, il se lance à la poursuite d'Alfred Sirven, l'ex-numéro 2 d'Elf, en cavale aux Philippines. Là aussi, astuce et distribution de billets font merveille : « Je le manquais de peu à chaque fois. Il a plus tard confié au juge qu'il pensait avoir un tueur aux trousses. » En 2011, Elfassi, 45 ans, a pris sa retraite. Il vit en Haute-Savoie, se consacre au ski, et alimente son blog de scoops people.

Dans le camp de « l'humoriste », on a bien identifié l'adversaire. « Il travaille pour la police, estime Isabelle Coutant-Peyre, avocate de Noémie Montagne, la compagne de Dieudonné. On dirait que c'est lui qui alimente le parquet. » Qui plus est, les publications d'Elfassi sont souvent accompagnées d'envolées virulentes à l'égard de Dieudonné (qualifié de « gourou raciste et sodomite »,« membre du Hezbollah »), de son épouse (« qui la veut la prend ») et de son public (une « secte de porcs »). Des propos à connotation franchement raciste, lorsque Dieudonné est associé aux mots « bananes », « cacahuètes »,« singe » et « cage ».« Ce n'est pas du racisme, car je ne m'attaque qu'à Dieudonné et pas à un groupe, jure Elfassi. Je ne fais que retourner ses armes contre lui. Et puis, sans ces provocations, mes informations passeraient inaperçues. » Quand s'arrêtera-t-il ? « Après la destruction totale du système Dieudonné »,répond-il simplement.

Contrôle.
L'autre croisé s'appelle Jonathan-Simon Sellem, 31 ans, animateur principal de JSS News, un site crée en 2008 et basé à Tel-Aviv. A plusieurs reprises, des documents bancaires et comptables du couple M'bala M'bala-Montagne et de leurs collaborateurs y ont été publiés. Simon Sellem se targue d'être à l'origine du contrôle fiscal essuyé le 4 février par les Productions de la plume, la société de Noémie Montagne. Outre le fait que le lien de cause à effet soit faux - le contrôle a été déclenché après un signalement de Tracfin - JSS News
ne s'embarrasse d'aucun équilibre dans son traitement journalistique de l'affaire Dieudonné. Les avocats de celui-ci ne sont jamais cités et la hache de guerre est brandie : « Dieudonné, tu ne seras jamais un martyr. Tu ne seras pas un héros. Ton nom sera maudit dans l'histoire, par l'histoire. » Auparavant, Sellem avait fréquenté le supplément économique du Monde et Actualité Juive. Installé depuis 2006 en Israël, il s'est présenté en 2013 dans la huitième circonscription des Français de l'étranger. Il devait faire attelage avec la comédienne Véronique Genest avant que celle-ci ne soit remplacée par le documentariste Alex Jordanov. Avec l'investiture du Parti libéral démocrate (PLD), qui a rejoint l'UDI en 2013, « JSS » n'a recueilli que 6,7%. Contacté à plusieurs reprises, Jonathan-Simon Sellem est resté injoignable.