INFO PANAMZA. Rebelote: une semaine après leur entrevue avec un ministre israélien issu de l'extrême droite, Manuel Valls et Laurent Fabius ont longuement reçu David Harris, un lobbyiste sioniste américain qualifié de « faucon » par le quotidien Haaretz.

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Imaginez un groupe étranger et pro-palestinien de pression -dénommé "le Comité anglais musulman" et auto-surnommé "le Département d'État du peuple musulman" - qui aurait l'opportunité de s'entretenir à trois reprises, et en l'espace d'un an, avec le ministre de l'Intérieur de l'État français. Éric Zemmour, Caroline Fourest, Le Figaro et Fdesouche -entre autres- ne manqueraient pas de pousser des cris d'orfraie face à ce qui ressemblerait à un étrange favoritisme communautaire peu compatible avec la neutralité laïque d'une République souveraine. Une situation similaire s'est pourtant produite sans susciter le moindre écho dans la classe politique hexagonale et parmi les éditorialistes.

Le 20 février 2014, Manuel Valls a reçu -durant une heure- une délégation américaine conduite par David Harris, directeur exécutif du "Comité juif américain" (American Jewish Committee), accompagné de Jason Isaacson (directeur des affaires internationales de l'AJC) et Simone Rodan-Benzaquen (directrice de l'AJC France autrefois dirigé par l'UMP Valérie Hoffenberg).

Issu du lobby sioniste américain, ce groupe -fondé en 1906 et fort aujourd'hui de 175 000 membres- exerce une influence auprès de nombreux dirigeants occidentaux (parmi lesquels, dans le passé, Nicolas Sarkozy et François Fillon).


Il organise également -depuis une trentaine d'années- des séjours en Israël à destination des futurs leaders politiques, financiers, médiatiques et culturels. Le but ? Donner à voir une image positive de l'Etat hébreu et faire nouer localement des contacts avec des personnalités du monde entier considérées comme de potentiels décideurs influents dans l'avenir. Chaque participant coûte 5000 dollars à l'AJC. Parmi les "élèves" du "programme éducatif" de la session 2011 figurait, comme l'avait révélé Panamza, un certain Manuel Valls. Celui-ci aura rencontré l'AJC trois fois en l'espace d'un an (février 2013, juin 2013 à New York, février 2014). Sans oublier une rencontre antérieure durant la dernière campagne présidentielle: Manuel Valls, alors directeur de communication de l'équipe du candidat Hollande (lui-même financièrement appuyé -juste auparavant- par un lobby euro-israélo-américain) s'était entretenu -en février 2012- avec David Harris.

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Deux jours plus tôt, le 18 février 2014, l'AJC avait également été reçu -durant 45 minutes- par Laurent Fabius. Contrairement à son collègue de l'Intérieur, le ministre des Affaires étrangères avait signalé cette rencontre dans son agenda disponible en ligne. Le calendrier de Manuel Valls -pour l'essentiel du mois de février- n'a curieusement pas été rendu public.

Une semaine auparavant, les 13 et 14 février, ce sont également ces deux membres du gouvernement -présentés actuellement par les instituts de sondages et les faiseurs d'opinion comme d'éventuels concurrents pour Matignon- qui rencontrèrent, l'un après l'autre, Avigdor Liberman, ministre israélien des Affaires étrangères et leader de l'extrême droite dans son pays.

Le changement dans la continuité

Harris est à Liberman ce que Shimon Peres est à Benyamin Netanyahou. Ou Claude Askolovitch à Gilles-William Goldnadel: la version diplomatique, séductrice et chaleureuse de la même idéologie sioniste et radicale. En janvier 2013, le quotidien israélien Haaretz avait accolé à David Harris le terme peu flatteur de "faucon" ("Harris is aligned with a more hawkish approach"). Sous-entendu: en dépit de son style modéré, l'homme -qui a surnommé son groupe le "Département d'État du peuple juif" selon le journal- est adepte d'une ligne dure, intransigeante et belliciste dès lors qu'il s'agit de défendre Israël.

Nulle surprise, dès lors, à le voir organiser régulièrement des débats alarmistes sur l'islam , notamment en compagnie de l'islamophobe Ayaan Hirsi Ali qu'il encense, allant jusqu'à affirmer qu'il "partage son combat".


Par ailleurs, Panamza semble être lu par des membres ou des sympathisants de l'AJC: en décembre dernier, un article -publié ici- était consacré à l'acteur Nader Boussandel (à l'origine du film La Marche) et au rappeur Rost, tous deux participants au "programme éducatif" mis en place par l'AJC à travers des voyages en Israël. Chose cocasse: les photographies de ces deux personnalités françaises, mises en ligne sur Panamza à travers le lien URL de la page Facebook du site chargé de ces voyages, ont été retirées entretemps sans explication (deux espaces blancs sont encore visibles dans l'article de Panamza qui a sauvegardé les deux illustrations).

Enfin, un autre élément d'information mérite ici d'être rappelé: les lobbyistes longuement accueillis par Manuel Valls et Laurent Fabius défendent un État hors-la-loi, au regard du droit international, qui continue de pratiquer la colonisation. Ce lundi 3 mars, alors que Barack Obama doit s'entretenir avec Benyamin Netanyahou, l'organisation non gouvernementale contre la colonisation La Paix maintenant (Shalom Akhshav) a déploré les conclusions d'un rapport officiel selon lequel les mises en chantier de logements dans les colonies juives de Cisjordanie avaient plus que doublé, en l'espace d'un an, augmentant de 123 %.