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© Jacques Demarthon / AFP Achat de vote, magouilles électorales, petits arrangements entre concurrents... Ces élus, qui voulaient briguer une mairie, et qui ont finalement été condamnés par la justice.
Achat de votes, trucage des urnes... Retour sur des condamnations d'élus, prêts à tout pour briguer la mairie qu'ils convoitent. Florilège.

À droite comme à gauche, certains candidats se laissent parfois dévorer par leurs ambitions - au détriment de la légalité. Clientélisme pour les uns, fausses procurations pour les autres... Des politiques véreux sont prêts à tout pour remporter le scrutin. Certains, bien connus, sont allés jusqu'à acheter leurs voix. Quand d'autres se sont tout bonnement contentés de créer des listings d'électeurs fictifs. Dans le livre Délits d'élus, publié aux éditions Max Milo, Graziella Riou Harchaoui et Philippe Pascot ont dressé un long inventaire des magouilles d'élus en tout genre. Les archives judiciaires font le reste. Palmarès.


Des bulletins de vote plein les chaussettes

En 2008, lors des élections municipales, des bulletins de vote sont retrouvés dans les poches et les chaussettes du président d'un des bureaux de vote de Perpignan. L'homme n'est autre que le frère d'un colistier de Jean-Paul Alduy, maire de Perpignan jusqu'en 2009 et président de la communauté d'agglomération. Il sera surpris une "deuxième fois en pleine tentative de faire disparaître des enveloppes contenant des bulletins de vote" d'une autre liste, explique le Conseil d'État. Le 7 octobre 2008, le tribunal administratif de Montpellier invalide les élections municipales. Jean-Paul Alduy est finalement réélu l'année suivante, avant d'abandonner son mandat pour se consacrer à ses autres activités politiques. Anecdote amusante : lors du procès, un des mis en examen avait déclaré pour sa défense : "Si j'avais voulu frauder, j'aurais pris un vêtement avec des poches adéquates."

Des procurations à tout-va

En 2008, Jean Barull, maire du Passage d'Agen depuis 1995, risque de laisser sa casquette de maire sur son bureau. Au terme d'une campagne acharnée, l'élu finit par l'emporter par 108 voix d'avance, avant d'être accusé de fraude électorale par son adversaire. De fausses procurations avaient en réalité été fabriquées ou signées en blanc par l'équipe de campagne du maire. Jean Barull a été condamné à 10 mois de prison avec sursis, 10 000 euros d'amende et trois ans d'interdiction de ses droits civiques. Il s'est pourvu en cassation qui a confirmé sa peine.

Le bidonnage des listes électorales

En matière de fraude électorale, Jean Tibéri, le sulfureux maire du Ve arrondissement de Paris, est certainement le nom qui revient le plus souvent. L'élu a été condamné en 2013 en appel à dix mois de prison avec sursis, 10 000 euros d'amende et trois ans d'inéligibilité pour atteinte à la sincérité du scrutin. Jean Tiberi était accusé d'avoir inscrit des proches, des militants de son parti et des personnes n'habitant pas le 5e arrondissement sur les listes électorales. C'est en 1997, au moment des élections législatives, que le Canard enchaîné avait publié un article affirmant qu'en échange de fausses domiciliations, les Parisiens approchés par Tiberi s'étaient vu promettre des places de crèche ou de logements sociaux. Jean Tibéri s'est pourvu en cassation. Pour les élections 2014, le fils de Jean Tiberi a présenté sans succès une liste dissidente contre celle de l'UMP Florence Berthout.

En matière de fraude électorale, mentions spéciales à Jack-Yves Bohbot, ancien premier adjoint de IIIe arrondissement de Paris qui "pratiquait le même sport que celui du 5e : le recrutement massif d'électeurs", selon les auteurs de Délits d'élus. Il a été condamné en 2006 à 12 mois de prison avec sursis et 2 000 euros d'amende. Tout comme Philippe Dominati, conseiller de Paris, condamné à six mois de prison avec sursis, ou encore Anne-Marie Affret, condamnée à 8 mois de prison avec sursis.

Des subventions pour faire l'ordre dans les quartiers

Sylvie Andrieux, députée sans étiquette depuis son éviction du PS et conseillère communautaire de Marseille, savait se faire respecter dans les quartiers nord de Marseille. L'élue a été condamnée en 2013 à 3 ans de prison dont deux avec sursis, 100 000 euros d'amende et 5 ans d'inéligibilité. Sylvie Andrieux était accusée d'avoir détourné des fonds publics pour arroser en subventions de fausses associations marseillaises. Une manoeuvre électoraliste qui lui permettait d'obtenir du monde dans ses meetings, le calme lors de ses déplacements et, bien sûr, un réservoir de voix. Elle a fait appel de cette condamnation, affirmant qu'elle n'était pas l'organisatrice de ce détournement de fonds.

Quand Hoarau graissait la patte de ses adversaires

Claude Hoarau, candidat à la mairie de Saint-Louis à la Réunion en 2008, s'est vu annuler son élection par le tribunal administratif. Le politique s'était engagé, en échange de voix, à embaucher plusieurs proches de ses concurrents. Et puisque les deux hommes font les choses dans les règles de l'art, le tout avait été "formalisé par écrit et dûment signé par les deux parties". Un document qui tombera entre les mains de la justice. 5 ans d'inéligibilité, 4 mois de prison avec sursis et 15 000 euros d'amende pour discrimination à l'embauche et prise illégale d'intérêt contre le maire déchu. Claude Hoarau s'est pourvu en cassation et a été débouté.

Si c'est pas moi, ce sera ma femme

Le maire du Barcarès n'est pas du genre à renoncer à sa commune. En 1999, Alain Ferrand est condamné pour abus de biens sociaux et prise illégale d'intérêts dans une sombre histoire de gestion de casinos. L'élu écope de 3 ans de prison avec sursis, 300 000 francs d'amende, et bien sûr, une peine d'inéligibilité de 3 ans. Il doit donc quitter la mairie et lègue le flambeau à sa femme. Alain Ferrand est présent partout aux côtés de sa femme qui restera à la tête de la mairie 12 ans de suite. Puis, elle est elle-même déclarée inéligible. Alain Ferrand se représente donc et est élu dès le premier tour avec près de 53 % des voix. C'est ce qu'on appelle un couple qui marche.

La voiture de fonction devient une voiture personnelle

Mesdames et messieurs les candidats, si d'aventure vous perdiez les élections au second tour des municipales 2014, que l'idée ne vous prenne pas d'embarquer avec vous la voiture de fonction de la mairie. En 2008, Michel Duhau, maire de Vaujours, s'incline devant son adversaire. L'élu partira avec la Laguna de service. Il explique au Parisien dans son édition du 21 mars 2009 : "C'était ma voiture, j'ai vécu trois ou quatre ans avec elle, je ne voulais pas voir un de ces élus rouler dedans." "Il vend donc le véhicule à un prête-nom avant de le lui racheter un mois plus tard", écrivent Graziella Riou Harchaoui et Philippe Pascot. Il a été condamné par le tribunal correctionnel de Bobigny à 15 000 euros de dommages et intérêts à verser à la commune.